Steve Hackett n'a pas peut-être pas une discographie solo à la hauteur de son talent immense. Car, à vrai dire, à part son premier disque, l'essentiel Voyage Of The Acolyte et peut-être Spectral Mornings, il a toujours eu tendance à alterner les meilleurs choses et les titres les plus quelconques, voire à s'égarer complètement sur certains disques (Cured). Durant les deux dernières décennies, le guitariste de Genesis a beaucoup écrit mais la plupart de ses albums souffraient, à l'image de Wild Orchids, d'une absence d'homogénéité, tant au niveau des styles suivis que de la qualité globale. La séparation d'avec sa femme (et illustratrice) Kim Poor et la rupture avec ce qui était pourtant son label personnel, Camino Records, a eu paradoxalement un effet plutôt positif puisque Out The Tunnel's Mouth s'avérait franchement enthousiasmant, tout en rompant avec l'art work traditionnel de Hackett, jusqu'alors assuré généralement par son ex-femme. 

Ce nouveau disque, Beyond The Shrouded Horizon, enfonce le clou. Car si Hackett réussissait généralement ses morceaux d'ouverture – ce qui encore le cas ici avec l'impressionnant « Loch Lomond » – il se fourvoyait rapidement par la suite. Or, ce n'est plus le cas : « The Phoenix Flown » est un instrumental qui se montre une parfaite extension du premier morceau, puis « Wanderlust » s'affiche comme un apparté accoustique comme sait si bien les faire Hackett, un Hackett dont la maîtrise de la guitare classique n'est plus à signaler.

Mais, les choses n'en restent pas là puisque le chant du guitariste – si souvent décrié à raison – fait merveille sur le très sensible « Til These Eyes », au refrain de toute beauté. On pourrait continuer longtemps ainsi l'énumération des qualités de tous les morceaux du disque, chantés ou instrumentaux. Marqué d'une teinte mélancolique et parfois éthérée, extrêmement riche en passages différents, Beyond The Shrouded Horizon est un des tout meilleurs disques de Hackett. Il y a beaucoup de raisons à cela : la production impeccable ; l'apport des autres musiciens (dont Chris Squire sur trois morceaux et Simon Philipps sur deux) ; et le jeu époustouflant de Hackett qui signe parmi ses plus beaux solos (« A Place Called Freedom »). Même son chant s'est largement amélioré (notamment grâce à l'utilisation d'effets mais pas uniquement) au point de ne plus du tout constituer un handicap. 

Les contempteurs remarqueront bien quelque faux pas, comme ce « Waking To Life » qui, avec sa batterie électronique nous renvoie à l'époque de Cured, ou un « Looking For Fantasy » beau mais un peu lassant. Les thuriféraires vanteront le long dernier titre « Turn This Island Earth » (11 minutes 50), avec sa construction à tiroir, ses parties acoustiques haut de gamme, ses changements de rythme et ses solos brûlants. Généralement Hackett affectionne les formats plus courts, mais là, la longueur lui va parfaitement. Ce morceau justifie, par lui-même, l'achat du disque. Mais il y a toute une autre foule de raisons dont cette chronique a cherché à donner un aperçu. Il est aussi intriguant que réjouissant de constater à quel point l'âge réussit à celui qui est bien évidemment bien plus que l'ex-guitariste de Genesis.

Baptiste (8,5/10)

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Inside Out / 2011

Tracklist (57:53) : 1. Loch Lomond 2. The Phoenix Flown 3. Wanderlust 4. Til These Eyes5. Prairie Angel 6. A Place Called Freedom 7. Between The Sunset And The Coconut Palms 8. Waking To Life 9. Two Faces Of Cairo 10. Looking For Fantasy 11. Summer's Breath 12. Catwalk 13. Turn This Island Earth