« Plus dur sera la chute… » Après les succès incontestables de la saga des Keeper Of The Seven Keys et le départ surprenant à l’époque de Kai Hansen, Helloween a connu une période noire qui a mené le groupe proche de la disparition. Pink Bubbles Go Ape, sorti tardi-vement après Keeper Of The Seven Keys part II du fait d’un conflit juridique du groupe allemand avec son ancien label Noise, marqua le premier moment de la chute, le fond n’étant atteint qu’avec Chameleon. Les trois années d’attente furent plus ou moins « meublées » de polé-miques pas bien agréables des musiciens envers leur ancien comparse, Kai Hansen, accusé de « stagner » en proposant avec Gamma Ray un resucé des Keepers. Michael Kiske – depuis très rabiboché avec Hansen – en profita pour attaquer les parties solo lentes du titre éponyme d’Heading For Tomorrow, pour mieux vanter les mérites du remplaçant Roland Grapow. Pour bien marquer la rupture avec Hansen, le groupe – sous l’impulsion d’un Weikath rancunier – extirpa de ses set-lists tous les titres de son ancien leader sauf « Future World ». Ce règlement de comptes effectué notamment au détriment des fans n’était pas bien classieux. C’est dire que l’on pouvait être assez vigilant voire échaudé lorsqu’arriva finalement dans les bacs Pink Bubbles Go Ape.

Des critiques au vitriol

L’album fut copieusement assassiné par les critiques lors de sa sortie et il y eut bien peu de personnes pour le défendre. À ce jour, Helloween ne joue plus aucune de ses compositions en concert. Pourtant, rétrospectivement Pink Bubbles Go Ape n’est pas si mauvais. Il contient même de bonnes choses mais globalement les défauts du disque sont trop nombreux pour en faire un album ne serait-ce qu’« assez bon ».

Commençons par les griefs les plus secondaires : un titre obscur associé à un artwork pour le moins étrange qui vit toutes les citrouilles remplacées par des bulles. On poussait trop loin le principe de l’humour décalé. Par ailleurs, le disque souffre d’une production de Christ Tsangarides totalement aseptisée. Il semble que le courant ne soit absolument pas passé entre les Allemands et le producteur. Ce dernier leur a fait un son très propre mais manquant de puissance, le son des guitares étant tout à fait rachitique et la voix de Kiske trop en avant. Cela ne fait que renforcer une tendance « pop metal » déjà légèrement perceptible sur le disque précédent. Mais comme les compositions du disque sont très largement inférieures à celle des Keeper, le hiatus apparaît nettement.

Kiske et Weikath ont beaucoup reproché à Tsangarides de ne pas les avoir bien conseillé dans le choix des morceaux lors de l’enregistrement de l’album. Le peu de motivation du producteur semble indéniable mais il n’aurait sans doute pas pu faire grand chose tant la panne sèche en terme d’inspiration est palpable ici. Et l’écoute des médiocres faces B de singles proposées sur l’édition remasterisée indique bien que les problèmes de créativité n’étaient pas ponctuels. La faute en partie à un Weikath qui semble avoir été totalement anesthésié par le départ de Hansen et qui ne propose que deux chansons. Tout d’abord un titre assez typé hard FM comme l’insolite « Number One », plutôt agréable mais qui ne devrait pas avoir sa place sur un disque d’Helloween. Puis une niaiserie plus pathétique que drôle : « Heavy Metal Hamster » qui n’aurait jamais dû apparaître que sur un single destiné au marché japonais (c’était l’avis de Tsangarides par ailleurs). Grosskopf fera toutefois pire en insérant sa première chanson dans Helloween. À l’écoute du catastrophique « I’m Doin’ Fine Crazy Man », on comprend pourquoi le groupe s’était dispensé jusqu’alors de ses services de compositeur.

Kiske en leader inattendu et Grapow en bonne surprise

De manière inattendue, c’est Michael Kiske qui s’impose comme le leader du groupe, composant ou co-composant une majorité de titres. Contrairement à une légende tenace, le chanteur n’est pas un mauvais compositeur et il a réussi à produire un single de qualité – « Kids Of The Century » – succédant à une introduction sous la forme d’une comptine plutôt rigolote, « Pink Bubbles Go Ape ». Il chante d’ailleurs particulièrement bien sur cette chanson qui aurait sans doute pu tout à fait trouver sa place sur Keeper Of The Seven Keys part II. La qualité retombe d’un cran sur un de ses autres titres « Goin’ Home », certes bien chanté mais aux mélodies et autres refrains trop faciles. Sa ballade en clôture d’album, « The Turn », est plutôt agréable sans être renversante.

La bonne surprise vient de Roland Grapow : ses morceaux, tout à fait dans la lignée du style classique d’Helloween, sauvent l’album. « Someone’s Crying » est une somptueuse speederie au refrain superbe. « Mankind » et ses six minutes détiennent une dimension épique très classieuse par ailleurs totalement occultée sur le reste du disque. « The Chance » tient aussi parfaitement la route, notamment grâce à un superbe solo démontrant tous les talents de technicien de notre homme. Seul « Back On The Streets » marque le pas. Malheureusement pour Pink Bubbles Go Ape, la répartition des titres est calamiteuse, concentrant la plupart de ces chansons franchement réussies en fin d’album. Peu d’auditeurs seront allés aussi loin. Et beaucoup commenceront à se dire qu’Helloween sans Kai Hansen est en fait un bateau sans capitaine, prenant l’eau de partout. Le disque suivant, Chameleon, les confortera totalement dans cette idée.

Inégal, peu ambitieux, trop « pop », Pink Bubbles Go Ape profite toutefois du chant toujours de haute tenue de Kiske et du savoir-faire du nouveau venu, Roland Grapow, qui signe quand même quelques bonnes compositions et quelques excellents solos. On y sent encore un peu la flamme des Keepers Of The Seven Keys. Mais c’est ici plus une flamèche qu’un brasero. C’est le disque lui succédant qui soufflera la flamèche.

Baptiste (5,5/10)

EMI / 1991

Tracklist (44:03)  : 1. Pink Bubbles Go Ape 2. Kids Of The Century 3. Back On The Streets 4. Number One 5. Heavy Metal Hamsters 6. Goin’ Home 7. Someone’s Crying 8. Mankind 9. I’m Doin’ Fine, Crazy Man 10. The Chance 11. Your Turn