Rhapsody est maintenant séparé en deux entités: "Turilli, les français + quelques autres" d'un côté, "Staropoli, Lione + quelques autres" de l'autre. Il y a quelques mois, nous avons pu voir en concert ce qu'allait donner la version Staropoli & Co., certes sans aucun titre nouveau: nous voici maintenant face à la mouture Turilli & Co., version album.

Après un départ en fanfare avec ses deux premiers albums, Rhapsody (devenu Of Fire) a du mal à convaincre depuis quelques années, les gens lui reprochant généralement un manque de renouvellement, pour résumer. Parallèlement, Luca Turilli sortait des albums solo reprenant à peu près les mêmes recettes, mais avec beaucoup plus d'éléments modernes… et très peu de fantasy. Il faut dire que le côté heroic-fantasy à l'extrême était devenu assez cliché, à tel point que deux camps ont fini par se former: ceux qui voulaient de la fantasy dans le metal, et ceux qui y étaient allergiques par principe. Comme si la musique de Rhapsody se limitait à une question de dragons et chevaliers sauvant la contrée au bord du chaos… Que ceux qui craignent une double ration d'heroic-fantasy dragonesque soient rassurés: il n'y a pas de chevalier s'apprêtant à aller occir du dragon tout au long de cet Ascending To Infinity. Accessoirement, pour rappel: l'heroic-fantasy ne se limite pas à des histoires de dragons,  allez donc demander à Corwin! En fait… ça continue d'être de l'heroic-fantasy, si si, c'est juste qu'il n'y a plus (enfin?) le schéma que Rhapsody utilisait depuis son premier album, et surtout il n'y a pas d'histoire continue: un fil musical qui se tient oui, mais rien de plus. Parce que Luca et ses acolytes auront beau clamer qu'il s'agit de science-fiction ici, pour moi il n'y a pas plus « heroic-fantasy » dans l'esprit que Dante, Atlantis (et sa chute), les titans même au sens figuré, ou une vision modernisante de Michael et Lucifer. Que voulez-vous, on ne refait pas une mentalité, et au moins le preux chevalier est-il rangé au placard.
(Et puis l'heroic-fantasy c'est le bien. Dans sa diversité, mais le bien quand même!)

Musicalement, Luca mélange le côté classicisant de Rhapsody et le côté plus moderne de ses albums solo. A savoir que l'on marche complètement en territoire connu harmoniquement, en même temps il y a plein de passages assez complexes sur lesquels mes oreilles se délectent (n'écoutez surtout pas « Dante's Inferno » superficiellement, vous y perdriez énormément!), que ce soit pour s'amuser de la rythmique ou pour détailler chaque instrument, des références musicales auxquelles Rhapsody ne nous avait pas habitués (orientales notamment). D'un autre côté, je m'amuse beaucoup moins sur « Dark Fate Of Atlantis », dans laquelle Luca a l'air de beaucoup croire… mais elle est assez simple par rapport au reste de l'album: tout au long de la chanson, selon les air, un instrument principal prend le dessus et le reste suit autour, d'où une écoute moins palpitante. Et alors que je passe les 3/4 de l'album à faire des chorégraphies (débiles) des mains, celle-ci m'inspire juste un petit mouvement des épaules et du cou. D'un autre côté, Oshyrya (avec qui j'ai réalisé l'interview de Luca en lien ci-dessous) m'a confié avoir du mal avec « Luna » et « Tormente E Passione », qu'il trouve trop molles pour résumer: j'admets que la deuxième a un côté pop qui peut lasser, mais j'adore ce qu'ils ont fait de « Luna », en fait une reprise, avec un très bon mélange de voix, et Alessandro qui fait une parfaite démonstration de ce que ses cordes vocales peuvent faire.

Car le chanteur était le deuxième point d'interrogation de cet album: il s'agit de prendre la suite de Fabio Lione, excusez du peu. Quand ils ont annoncé leur choix, Alessandro Conti, j'avoue avoir été un peu inquiète: oui je l'avais remarqué en tant que "oh! un chanteur italien qui chante juste! rare!" (quand il était passé avec Secret Sphere puis Trick Or Treat), mais de là à avoir le coffre nécessaire? Mais finalement il remplit parfaitement bien son rôle. Fabio reste immensément plus technique / a toujours énormément plus de facilités (que le commun des mortels, de toute manière), mais Alessandro joue parfaitement bien de ses armes. Par exemple, alors que je vénère Fabio en tant que chanteur, j'ai toujours regretté qu'il ait -soit- sa grosse voix lyrique, -soit- sa « voix metal », sans véritable intermédiaire. Et si Alessandro a une « grosse voix » moins impressionante que celle de Fabio, il joue énormément avec « les intermédiaires »: au final son chant est peut-être même plus intéressant que celui de Fabio.
Ceci étant dit, il faut quand même noter une petite astuce de son: vous remarquerez peut-être que parfois, « étrangement », la voix d'Alessandro est mise en retrait. Si vous faites bien attention, vous remarquerez que, comme que de par hasard, c'est toujours quand il va dans les aiguës en ouvrant (trop) la voyelle… ce qui est la porte ouverte à la note un poil fausse si on laisse le micro à fond. Donc, pour préserver nos oreilles, la personne chargée du mixage a un peu couvert la voix d'Alessandro sur ces passages, pour que les fréquences des instruments masquent ce qui part un peu en cacahuètes dans sa voix… c'est gentil! Reste à voir comment il gèrera ça en concert, mais il a encore quelques mois pour mettre ça en place (en espérant que ça ne soit pas (trop?) samplé, mais bon…)
Petite note amusante sur sa voix: Aux 2/3 de « Clash Of The Titans », on a l'impression très étrange d'entendre Kai Hansen… un peu modifié peut-être, mais c'est immensément proche… et dans la deuxième phrase on entend clairement Alessandro passer à sa voix habituelle? Peut-être un clin d'oeil à Trick Or Treat, son groupe d'origine, qui a commencé comme copy-band de Helloween… ou un tic devenu tellement automatique qu'il n'y fait même plus attention, tout simplement.

Pour conclure, je dois avouer que je n'attendais pas énormément de cet album, mais au final il m'a beaucoup plu. Les deux premiers albums du groupe font partie de mon panthéon personnel, j'aime beaucoup Symphony Of Enchanted Lands Part 2 aussi même s'il ne se hisse pas à ce niveau (parce que trop proche dans l'esprit du Part 1, il a les inconvénients de ses avantages en gros), mais je dois avouer que la dernière fois que j'avais fait autant de chorégraphies des mains en écoutant un album de Rhapsody remonte au premier Symphony… Les arrangements orchestraux sont moins ciselés, mais n'oublions pas qu'ils sont plus la spécialité d'Alex Staropoli. Surtout, Luca a su pallier à ces petits manques en portant plus de soin aux petits détails harmoniques ou de rythme. D'où ce côté plus moderne, peut-être. D'un autre côté, ça oblige à une écoute vraiment attentive de l'album, sinon on passe à côté de la moitié des choses qui font l'intérêt de ces chansons… et il faut avouer que l'on a un peu perdu l'habitude de se poser tranquillement à côté de sa chaine hi-fi pour apprécier un album, le soir au coin du feu (ou presque). Je suis à peu près persuadée que ces morceaux passeront très bien en concert justement grâce à ça, mais on va dire que c'est une nouvelle preuve de l'inspiration classique de Turilli, en général: cette musique est faite pour être écoutée, attentivement, pas entendue de loin pendant que vous faites autre chose.

Site officiel: http://www.ltrhapsody.com/
Chaine Youtube officielle: http://www.youtube.com/ltrhapsody

[8,5/10] Polochon

Nuclear Blast – 2012
Tracklist (57:30) : 01. Quantum X (intro) 02. Ascending To Infinity 03. Dante's Inferno 04. Excalibur 05. Tormento E Passione 06. Dark Fate Of Atlantis 07. Luna 08. Clash Of The Titans 09. Of Michael The Archangel And Lucifers Fall