Mes goûts et par conséquence ma sévérité concernant le chant sur Inner Madness n'ont visiblement pas traumatisé L. Chuck D. et c'est tant mieux. Je ne suis pas un connaisseur sur le bout des doigts de la carrière de No Return mais vu l'expérience acquise par le groupe et vu mon positionnement en tant que simple chroniqueur (fan de metal depuis vingt ans) le nouveau chanteur du groupe aurait pu l'avoir mauvaise concernant mon jugement. Il en est tout autre.
Comme dans metalchroniques nous apprécions la démarche et l'analyse en rapport avec mon écrit, il est bien évident que nous allions laissé la parole au chanteur au sein d'une interview mail. En voici le résultat…
 
1/ Bonjour L. Chuck D., j'ai été sévère quant aux parties de chant sur « Inner Madness » donc nous sommes ici pour mettre en place un droit de réponse. 
J'ai du mal à saisir pourquoi le chant me pose problème sur ce nouveau No Return car je n'ai aucun problème d'écoute sur le clip de Carnal Lust, « In the meandering deep of my anger », ou sur l'album de Yorblind, « Reflexions » auquel tu participes.
Il existe trois types de chant sur cet album, un guttural pas si fréquent, quelques parties en chant clair adéquat et des parties majoritaires où le chant est rude sans être vraiment extrême un timbre qui à mon sens montre ses limites de tonalité et qui n'est selon moi pas très adapté au thrash death mélodique de No Return. J'avoue je préférais le chant de Steeve Petit et même si Moreno possédait des accents assez similaires aux tiens, je ne ressentais pas cette gêne.
Je te laisse donc le champ libre sur ce premier point pour répondre en rapport avec ma chronique.
 
L. Chuck D. : Effectivement tu n'as pas été complaisant dans ta critique du chant sur le dernier album de No Return où j'officie au micro. Partons du principe que chacun est en droit d'aimer ou de ne pas apprécier un opus ou une composante de ce dernier, je n'ai aucune objection à apporter sur le fait que tu écrives ton avis sur ce point. D'ailleurs il me semble que c'est le rôle d'un chroniqueur, donc aucune ambiguïté ni aucune velléité de vengeance dans notre échange. Une fois ces bases posées j'ai également lu dans ton article une question qui a attirée mon attention puisque tu te demandais pourquoi nous avions majoritairement changé le timbre de voix. Il s'agit d'une volonté affirmée, décomplexée et assumée du groupe dans son intégralité. Comme tu as pu le remarquer dans les autres formations où j'ai pu officier ou dans certains passages d'Inner Madness je suis en capacité d'évoluer dans divers type de chant. Cette voix que tu entends majoritairement sur l'album est issue de 2 ans de travail auprès de David Féron, d'Inside the Scream, professeur de chant saturé qui a été élaborée uniquement pour No Return. Lors de mon intégration je n'ai pas été choisi pour ma capacité à Grawlé, mais bien au contraire pour mon aptitude à varier les plaisirs. Le chant typiquement Death Metal est une vibration mono tonal des muqueuses sans utilisation des cordes vocales. La formation ne voulait pas de ce type de chant monocorde et était désireuse d'obtenir un chant Thrash Mélodique à l'image de ses compositions. Nous avons donc énormément travaillé dans ce sens pour définir ce que tu perçois comme étant éreinté. Il s'agit donc d'une triphonie mélangeant la vibration des muqueuses, celle des cordes vocales et enfin les résonances des corps caverneux du haut du crâne. Nous savions en faisant ce choix technique et artistique qu'il s'agirait d'un changement aux critiques inévitables, mais il faudra bien que tout à chacun comprenne que No Return n'ai, n'a jamais été et ne sera jamais un groupe de Death Metal dans le sens premier du terme. Depuis la genèse du combo il n'y a eu qu'un seul chanteur typé Death, nous n'avons donc en rien perdu notre âme d'antan mais au contraire nous avons rétabli la véritable identité du groupe. Attention je ne nie pas que nous soyons une formation avec énormément de réminiscences Death Metal, mais celles-ci sont à l'image de groupes comme Death et non rien à voir avec le Brutal Death. Maintenant quand à savoir si ce timbre annihile la dynamique de l'ensemble je t'invite à venir nous voir sur scène et nous en reparlerons ensuite.
 
2/ Continuons sur l'aspect vocalise, le chant semble sous mixé par rapport à l'instrumentation qui domine largement le propos. Volonté affichée par le groupe ou bien le travail de Francis Caste est-il à l'origine de ce fait ?
 
L. Chuck D. : Encore une fois il s'agit d'un ressenti personnel qui nous étonne. En effet nous avons travaillé étroitement avec Francis et avons mis en avant les mélopées guitaristiques et la voix afin qu'elles vibrent à l'unisson sans qu'aucune ne vienne entraver l'autre. Il s'agit là également d'un choix artistique et je peux t'assurer que le chant est bien plus en avant que sur Manipulated Mind qui avait été également réalisé au studio Ste Marthe. Nous sommes très satisfaits du travail réalisé sur cet opus par le Sieur Caste et l'équilibrage de l'ensemble est tout à fait à l'image de ce que nous cherchions dès le début de l'enregistrement.
 
3/ Peux-tu nous présenter ton parcours personnel sur la scène métal avant d'être aujourd'hui le chanteur de No Return ?
 
L. Chuck D. : Là ça fait mal ! J’ai commencé en tant que bassiste en 1986 dans des groupes à tendance Punk/Metal en Allemagne où je suis resté pendant plus d’une décennie. Ensuite j’ai pris la guitare et le micro dans différentes formations comme NDNM, Beautifull Skyscrapers et Mortal Remains. J’ai effectué plusieurs tournées et enregistré diverses démos et albums avec ces combos. En 1992 j’ai pris mes quartiers en France où j’ai continué dans le milieu Metal en participant à Trachoma, Mortal Remains, ghUSa, Carnal Lust, Yorblind et enfin No Return.
 
4/ Venons en à ton intégration dans le groupe, comment est-elle intervenue ? Est-ce difficile d'être l'énième membre d'un groupe qui ne compte plus ses changements de line-up ?
 
L. Chuck D. : Les changements de line-up pour un groupe affichant 23 ans au compteur sont un impondérable. D’ailleurs il est a remarqué que ce type de mouvement ne semble déranger que pour les formations françaises. Si nous prenons Death et Annihilator par exemple, leurs diverses évolutions n’engendrent pas autant de discussion. Le plus important reste la musique, et le compositeur principal étant toujours présent depuis nos débuts il reste garant de la continuité stylistique. En partant de ce principe de fonctionnement il est en fait aisé d’intégrer une telle équipe. Elle sait ce qu’elle veut et par la même ce qu’elle ne veut pas, de ce fait son recrutement est basé sur des choix très stables ce qui m’a permis de savoir immédiatement dans quelle direction nous allions évoluer. Pour la petite histoire c’est bien Moreno qui m’a mis en contact avec Al1, la suite m’a conduit à te répondre aujourd’hui.

 

 

 

5/ Comment prépare-t-on l'écriture des paroles d'un album pour le compte d'un groupe dans lequel on va officier pour la première fois en studio. La thématique des lyrics t'a-t-elle été imposée ?  
 
L. Chuck D. : En premier lieu nous nous sommes mis d’accord sur une thématique correspondant à mes envies premières et à leur désir. Donc non rien ne m’a été imposé. Ensuite je prends en considération l’émotion que dégage une partie musicale et je propose une idée principale de texte, enfin si celle-ci est validée j’écris les textes et nous travaillons de manière collégiale sur les placés, les choix de timbre, les différents débits et la couleur du chant. Cet album a été composé alors que je traversais une période extrêmement difficile sur un plan personnel. En effet un de mes amis a été assassiné au moment de mon intégration par 5 jeunes à qui il avait refusé l’accès à son véhicule personnel. Ils se sont acharnés pendant de longues minutes et ce père de famille de trois enfants est décédé après une très longue agonie de plusieurs semaines. Les 2 principaux protagonistes, mineurs au moment des faits, ne risquent que 8 années d’emprisonnement. Comment alors ne pas se poser de questions sur l’état de notre justice ? Au travers de mes textes je n’apporte aucune réponse, je laisse tout à chacun se forger sa propre opinion, bien que la mienne soit effectivement définie. La thématique principale est donc bien la mort, mais traité sous un angle très personnel.
 
6/ Le Studio Sainte-Marthe et Francis Caste deviennent presque indissociable des groupes avec du gros son, l'expérience sur Manipulated Mind a dû être très concluante pour remettre le couvert. Combien de temps avez-vous passé pour venir à bout de l'enregistrement d'Inner Madness ?
 
L. Chuck D. : Il nous aura fallu 5 semaines tout compris. Mais l’important n’était pas le temps passé mais le résultat escompté et nous ne sommes pas déçus du résultat obtenu par ce Génie de Francis.
 
7/ No Return a du vécu niveau label, le groupe n'a-t-il eu de propositions que de Great Dane Records (petit label qui monte dans le landerneau metal français) ? Des labels comme Listenable ou Season of Mist, qui ont déjà eu le groupe dans leurs rangs,  n'étaient-ils pas intéressés ? Ou bien un label allemand, patrie qui apprécie No Return, comme Cyclone Empire.
 
L. Chuck D. : La question du label a bien entendu été abordée au sein du groupe avec un esprit analytique. La déception engendrée par la disparition de Dockyard1 nous a amené à favoriser une collaboration franco-française. Après plusieurs rencontres nous avons porté notre dévolu sur l’équipe formée par Raph et Geoff. La raison principale est leur approche de la musique qui est la même que la notre. Nous sommes entre passionnés et nous parlons donc le même langage. Pas de promesse sans fondement, pas d’immixtion dans le traitement artistique mais un seul et même objectif. Nous verrons dans quelques mois si nous entendrons encore parler de « Petit Label », la qualité des groupes signés ainsi que le travail fourni ne peut que faire monter en puissance cette structure.
 
 8/ Alain maintient le groupe en vie depuis plus de vingt ans. Comment fait-il pour garder la flamme de la passion vivace avec tous les déboires qu'a pu connaître son groupe d'autant que certains combos ont une notoriété montante au fil des ans alors que No Return a des hauts et des bas fréquents (faire partie de l'histoire du death français avec enregistrements au Morrisound, signatures sur de très gros labels avec mise en avant facilité car plus étendues, line-up et label changeant…)
 
L. Chuck D. : Et bien écoute, comme on n’est jamais mieux servi que par soi même je lui passe la main.
 
Alain : Seule la passion de la musique permet d’expliquer la longévité de NO RETURN. Au-delà des problèmes de musiciens volatiles, voire opportunistes, et de labels, tant que tu éprouves toujours ce feu sacré il faut continuer. Il faut bien sur s’investir quotidiennement, et c’est ce que je m’efforce de faire en préservant l’esprit musical Thrash de NO RETURN au fil des ans. J’ai de la chance de pouvoir faire des albums, de la scène, de partager ma musique et c’est toujours pour moi un plaisir indescriptible car cela reste l’essentiel avant tout.
 
9/ De plus le groupe a au cours des ans fait évoluer son style jusqu'à utiliser des claviers, des samples (Machinery notamment) et maintenant toujours dans le thrash/death, la musique n'a jamais été aussi mélodique et les solos n'ont jamais été aussi nombreux alors qu'actuellement il y a plutôt une économie d'énergie dans les solos concernant tous les nouveaux groupes ce qui confère à No Return un certain esprit du death des années 90. Est-ce important de conserver cet héritage tout en sonnant très actuel ?
 
L. Chuck D. : Nous ne réfléchissons pas notre musique comme étant le garant de quoique ce soit. Nous tentons avant toutes choses de nous faire plaisir. Maintenant il est certain que posséder un guitariste de la trempe d’Al1 est un atout majeur dans l’existence d’un groupe. Il était temps qu’il signe un instrumental, et quel morceau. Mais Al1 pense tu que nous sommes les héritiers d’un mouvement ?
Alain : Il est délicat de dire si nous sommes les héritiers de tout ça, mais il est clair que l’esprit musical Thrash de NO RETURN associe puissance et mélodie. Cette mélodie dans les solos permet de mieux mettre en valeur un riff brutal arrivant par la suite, et évite à mon sens une certaine linéarité. C’est une vérité de dire que les solos ont tendance à disparaître dans les groupes actuellement et c’est bien dommage car c’est un véritable plus pour un morceau en termes de relief.
 
10/ Comment se présente d'emblée les possibilités de tourner pour No Return ? En tête d'affiche avec la France pour contrée prioritaire ou avec des vues vers l'étranger en subissant les affres des premières parties. En même temps, No Return possède peut être de quoi tourner en tête d'affiche en Allemagne notamment.
 
L. Chuck D. : En fait il n’y a pas qu’une seule manière de voir les choses. Nous jouons sur tous les tableaux. Des dates One-Shot, d’autres en plateau, quelques tournées en première partie et en tête d’affiche ainsi que quelques festivals tels que Motocultor et Vouziers. Aujourd’hui nous avons beaucoup de choses en négociation et il est encore trop tôt pour pouvoir te donner plus de détails.
 
11/ Avec l'expérience acquise quel regard portes tu (portez-vous) sur la scène française ? 
 
L. Chuck D. : Nous nous rendons bien compte que la scène française est souvent réduite à deux groupes en une quarantaine d’années et pourtant…Le retour de Mercyless, le très bel album des Loudblast, les jeunes loups de Withdrawn, le talent de Destinity tout ceci me porte à croire que notre scène nationale se porte très bien. Maintenant elle se porterait encore mieux si nous n’étions pas victime de pseudos fans qui pillent allègrement nos œuvres par du téléchargement illégal. Maintenant si nous voulons terminer avec de la musique préformatée je pense que nous sommes sur la bonne voie.
 
12/ Je vous laisse les lignes de la fin pour vous exprimer librement…
 
L. Chuck D. : Merci pour ce droit de réponse, et encore une fois rendez-vous sur la route pour que nous puissions converser en direct de ton ressenti.

 

 

Chronique de "Inner Madness"