On avait quelque peu perdu de vue Silence depuis plusieurs années, depuis Open Road (2008) à vrai dire. Et c'est donc après quatre ans de « silence » (le jeu de mot est facile) que le groupe se rappelle à nous avec ce City qui nous fera regretter de n'entendre que trop rarement parler de Silence. À la décharge des deux membres du groupe, le multi-instrumentiste Bruno Levesque et le chanteur Ben Venet, il y a d'abord le fait que le genre qu'ils ont adopté ne jouit pas d'un soutien médiatique important. Il faut donc beaucoup de courage et de passion, de nos jours, pour avoir comme style musical l'AOR, celle des années 80, celle qui vit l'heure de gloire des Journey, Boston et consorts. Par ailleurs, ce long délai a été mis à profit pour effectuer une gros travail de composition, de tel sorte que Silence accouche finalement de deux disques : ce City se décline en deux CDs, un intitulé Days et l'autre naturellement Nights

À l'écouté répétée et attentive de ces deux opus en un, on conclura que ces quatre années n'ont pas du tout été stériles pour le groupe loin de là. Le temps passé a permis à Levesque et à Venet de créer une musique de grande classe, créant une ambiance tout à fait envoûtante, que retransmet bien le bel artwork très soigné de ce City. Les paroles sont à l'avenant et en évoquant des personnes (« Jenny »), des sentiments (« Drifting Away ») ou des situations (« Insomnia »), elles arrivent parfaitement à retranscrire les nombreux aspects de la vie urbaine d'aujourd'hui. 

Que dire des chansons elles-mêmes ? Une première remarque rapide tiendra à la qualité globale : malgré l'abondance des titres, ce City ne connaît quasiment aucun temps mort et la qualité est toujours au rendez-vous. Chaque riff, chaque thème à la guitare, chaque refrain, chaque solo a été extrêmement travaillé pour éviter le banal et le secondaire. Il devient ainsi très difficile de faire une liste des compositions franchement réussies. Citons quand même comme point de repère à l'écoute : « Footprints », « Jenny », « Ghosts » ou le somptueux « Promised Land » et son refrain classieux. Mais à vrai dire, pour être équitable, ce seraient les deux disques qu'il faudrait citer in extenso. C'est d'ailleurs pourquoi aucune des deux parties de ce City ne se montre supérieure à l'autre et que l'équilibre musical est totalement respecté. Tout juste remarquera-t-on que Nights est un peu plus agressif – lorgnant plus nettement vers le hard rock sur certains titres comme « Drifting Away » –, et un peu plus sombre, Days se montrant plus calme et mélancolique. Toutefois, il est important d'insister sur le fait que la variété des tempos et des styles se retrouve au sein de chacun des deux disques, Silence sachant opter pour une pop très accrocheuse sur « Lift Me Up » aussitôt après avoir interprété un hard FM à la Bon Jovi sur « Guardian Angels ». 

On constatera au passage, la versalité de Ben Venet sur chacun des morceaux chantés : notre homme alterne aisément les parties apaisées (« Brand New Start » tout en nuance) et un chant plus puissant (« Drifting Away » ou « Business »). On lui juste reprochera parfois un léger accent même si ce n'est pas systématique. (Et puis qui a reproché à Klaus Meine de chanter en anglais avec l'accent qu'on lui connaît ?) Par ailleurs, son duo magique avec sa sœur, Justine Venet, sur un « Lift Me Up » qui adopte le français sur certains passage pour le meilleur effet, nous incite à penser que cette langue pourrait aussi très bien aller à Silence. (Signalons au passage que ce morceau tout à fait prenant devrait obtenir de nombreux passages radio, si le suivisme conformiste n'était pas si généralisé dans les médias francophones).  

Quant à Bruno Levesque, à écouter ses parties guitares et notamment ses superbes solos sur « Someday », « Make My Day » ou « Insomnia », on n'arrive pas à comprendre pourquoi il n'obtient pas plus reconnaissance. Voilà tout simplement un des meilleures guitaristes que l'on ait en France, à la fois très technique, très inspiré et très lyrique. Franchement les solos de « Lift Me Up » ou de « The Good Old Days » témoignent d'un toucher et d'un phrasé assez incroyables. M'est avis qu'ils seraient à même de faire verdir de jalousie un Michael Landau ou un Steve Lukather… Bruno Levesque est assurément une grosse pointure du genre et il est temps qu'il obtienne la notoriété qu'il mérite. 

Slience est donc la réunion de deux personnalités musicales aussi expérimentées qu'inspirées. Mais c'est aussi une association musicale et humaine qui vient de produire un des meilleurs albums du genre de l'année. Même si le groupe ne revendique sans doute pas ce label, il vient de montrer ici qu'il existe dans l'espace francophone, un excellent groupe d'AOR, digne évidemment de rivaliser avec les meilleurs.

Baptiste [8,5/10]

 

Site officiel

Myspace

Perris Record / 2012

City (Days) tracklist (49:53) : 01. Beggars Day 02. Father 03. Footprints 04. Brand New Start 05. Jenny 06. Guardian Angel 07.The End Of The Day 08. Lift Me Up 09. Daydreaming 10. Business 11. Waiting For Dawn 

City (Nights) tracklist (48:44) : 01. Drifting Away 02. Ghosts 03. Taste Of The Past 04. Crashing Down 05. Memory Of Blue Eyes 06. Someday 07. Insomnia 08. Promised Land 09. Just One Kiss On Your Heart 10. Out Of The Dream 11. The Good Old Days