On l’avait déjà constaté par le passé, mais cette tendance se confirme et se généralise avec le temps : pour survivre dans la jungle du monde du Metal, les groupes, petits et grands, ont besoin d’exposition médiatique. Si personne ne parle de ton groupe, tu n’existes pas. Tu te fais monter sur la gueule par les centaines, voire milliers d’autres groupes qui essaient de se faire une place au soleil. Tu restes dans l’ombre et tu crèves. Aujourd’hui, pour percer, il ne faut donc plus forcément être le meilleur groupe sur le plan musical. Il suffit d’avoir la meilleure équipe de comm’ et compter sur quelques articles racoleurs pour attirer l’attention de l’auditeur moyen.

Cette tendance a un effet pervers. Aujourd’hui, quand un groupe ne reçoit pas une brouette d’éloges, il est presque choqué. Ses fans, eux, crient au scandale. « Jaloux », « il est passé à côté de l’album », « il ferait mieux d’écouter NRJ » : ces exemples ne sont pas fictifs, ils ont été postés au cours des 24 dernières heures en réaction à ma chronique du dernier album d’Akroma, qui avait récolté un beau 15/20. Dans le cas présent, j’apprécie toutefois l’attitude du groupe, qui a partagé la chronique et lancé le débat. En effet, dans de nombreux autres cas, ni les labels, ni les groupes ne prennent pas la peine de relayer une chronique en-dessous du 18/20. Parce qu’une note inférieure à 18, c’est un désaveu. Une publicité négative, qui risque de leur coûter des ventes… Mais s’ils lisaient les chroniques plutôt que de se focaliser sur la note, ils verraient peut-être les compliments. Ils comprendraient peut-être le point de vue exposé dans nos articles. Ils se remettraient peut-être en question, le cas échéant.

Cette attitude des groupes et des labels aussi a une répercussion fâcheuse. Les zines, à l’instar des groupes, se multiplient sur la toile, et la chasse au clic semble aussi acharnée que la chasse aux fans. Résultat des courses : la surenchère. Le sens critique sur OFF. Le léchage de boules généralisé. Quand je lis certaines chroniques d’albums que j’ai pourtant appréciés et auxquels j’ai moi aussi donné de bonnes notes, j’ai l’impression d’être sur Youporn. Quand je lis certains chroniqueurs, je me demande s’ils sont vraiment critiques ou s’ils sont plutôt dans une optique « marketing à outrance », tant leurs articles s’apparentent systématiquement à de la prose publicitaire qu’aurait pu pondre le label lui-même. Personnellement, je ne suis pas là pour faire plaisir aux groupes ou aux labels. On me demande mon avis, et je le donne, au revoir et merci, quitte à faire grincer des dents, quitte à voir systématiquement mes mails destinés aux labels finir dans leur corbeille parce que la note n’est pas « juste » à leurs yeux, n’est pas assez vendeuse. Dommage pour eux, cela ne nous fera pas changer notre fusil d'épaule.

Au final, nous sommes tous perdants : les labels vivent dans leur monde artificiel où les seuls chroniqueurs tolérés sont les Bisounours qui les flattent et les caressent dans le sens du poil, les autres chroniqueurs voient leur travail ignoré s’il est trop critique, les groupes sont survendus et l’auditeur moyen, s’il se laisse uniquement guider par ces avis unanimes glanés via les canaux « officiels » du groupe, risque bien de tomber de haut lorsqu’il aura la galette entre les mains, car l’écart entre ce qui est dit au sujet de l’album et l’album lui-même est parfois abyssal.