Dans la catégorie « Groupe qui ont bien choisi leur nom », il est difficile de départager qui de Nasty ou Tragedy occupe la première place. Si le second a logiquement connu une carrière éphémère (et on s’en réjouit),  Nasty affirme, sortie après sortie, son statut de poids lourd dans le paysage Hardcore européen. Entre leurs prestations scéniques musclées, la qualité des albums pondus, et un marketing intelligent, le quatuor germanophone a su développer une fanbase solide et une identité atypique.

Car si Nasty sait faire une chose, c’est jouer avec les codes. Entre la musique hargneuse, les tenues hip hop, un univers visuel « musclé », l’esthétisme brut et soigné, Nasty pourrait juste être un groupe de hardcore inventif. Mais le vrai génie du groupe a toujours consisté dans sa volonté de surprendre, au risque de dérouter leurs fans. La première tentative franche date de leur album Love pour lequel le chanteur d’Evergreen Terrace avait collaboré en voix clairs sur un morceau. Cela avait provoqué des critiques de la part de puristes. Mais Nasty avait intelligemment évité de rentrer dans le jeu des justifications, assumant ces choix de collaboration au nom d’un principe d’autorité. Un groupe habitué à distribuer des coups de pied dans la fourmilière hardcore, parfois enfermée dans ses propres clichés. Et il semble que le menu de Realigion ne contredira pas cet état d’esprit.

Avec leurs deux premiers titres (F.Y.W. et Rockbottom), Nasty annonce la couleur. C’est direct, ça sent la rage, le crachat et le beatdown.  At war with love (morceau sorti il y a un an) enchaine avec tous les ingrédients qui ont fait la renommée du groupe : alternance de bpm, refrain qui reste dans l’oreille, flow rageur et intention de s’assoir sur les visages et d’y faire ce qu’ils veulent. Et ce sentiment de toute puissance, c’est plus ou moins ce qui transparait de tout cet album. Le groupe est chez lui partout, par principe. Nasty investit l’espace sonore comme il investit une scène : il n’y a pas de place pour les questions. Les titres se succèdent avec une facilité assez déconcertante. Forgiveness (clippé) confirme son efficacité, et le morceau Realigion, en featuring avec J.J. de Deez Nuts, nous gratifie même d’un superbe Nasty, Deez Nuts, from New York to La Calamine,  qui me vend du rêve par tonneau. La Calamine étant un bled de 18km² à l’est de la Belgique. Preuve qu’il n’est pas nécessaire, en hardcore, de venir des grandes villes pour devenir une pointure. La production est impeccable, c’est tranchant, efficace et le mix cohérent avec les intentions de l’album. Les sonorités métales font encore partie du cru 2017. À l’image de Prediction qui laisse plus de place à cette part de leur musique. Mais une fois encore, le mélange est habile, sans jamais tomber dans les pièges d’un metalcore convenu. Le morceau permet de respirer dans la déferlante de titres marqués du sceau du beatdown, toujours omniprésent tout au long de l’album. Par contre, on dépasse rarement les 2 minutes par morceau, pour durée totale de 28 minutes pour 13 plages. C’est un peu maigre, même si c’est intense à souhait.

Si jusqu’à présent Realigion ressemble fort à un album de très bonne facture, c’est sans compter sur les petits extras que Nasty a pris soin d’élaborer. Ils prennent la forme de morceaux remixés ou inédits, disponibles  dans le box collector, ou sur spotify. Le clip Zeit sorti moins d’un mois avant la sortie est un superbe exemple de contrepied dont le groupe à l’habitude. Les mecs se transforment le temps de ce morceau en groupe de rap tendance PNL. Quand on sait les débats qui existent autour de ce même groupe de rap français au sein même des acteurs de ce mouvement, on mesure plus ou moins que l’initiative de Nasty est un superbe contrepied à leur propre marketing ultra codifié. Un second degré implicite que l’on remarque également dans ce remix eurodance de leur morceau d’intro, F.Y.W.. Le reste est à découvrir sur spotify ou en s’offrant le box édition limitée.

Realigion est donc un putain de bon album pour tous les amateurs de méchanceté. Il est un album dingue pour tous ceux qui aiment la méchanceté et le second degré. Sur la forme, ce nouvel album ressemble donc à une sorte d’ode à la liberté de penser et au fait d’assumer intelligemment ses choix jusqu’au bout.

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Kadaf (8/10)

Tracklist (28min): 1. F.Y.W.  2. RockBottom  3. At war with love  4. Drty FNGRZ II  5. Forgiveness  6. Realigion (feat jj, Deez Nuts) 7. At Night  8. Interlude 9. Prediction 10. Welle (feat Samis, Reduction) 11. In defeat (Alex & Konan, Malvolence) 12. Outro  13. Babylon (feat Makoto, Sand)