Quel paradoxe que voilà ! Les musiciens de The Night Flight Orchestra sont de grands amateurs de science-fiction – comme en témoigne leur phénoménal dernier clip « Gemini » – alors que leur démarche est totalement rétro. Si on met de côté la qualité de la production toujours aussi claire, chaleureuse et dynamique, la musique de ce qui est bien plus que le side-project de membres d'Arch Enemy est toujours un somptueux et authentique hommage au classic rock américain de la fin des années 70 et des années 80. Une époque et un genre haïs par les rock critics pontifiants mais qui est révérée par une foule d'aficionados que drainent encore les concerts de Styx, de Kiss et de Foreigner. 

Avec ce Amber Galatic, the Night Flight Orchestra va encore aggraver son cas auprès des rock critics en poursuivant dans sa remontée du temps : plus encore que ses deux précédents opus, le groupe plonge franchement dans l'AOR et la West Coast qui monopolisaient le box office à la sortie d'Escape de Journey ou de IV de Foreigner. La mise de côté revendiquée de l'orgue hammond pour des synthétiseurs et des claviers « modernes » vont totalement dans ce sens. 

En route… vers 1981

Pourtant le brûlant « Midnight Flyer » qui ouvre le bal et que n'aurait renié le Deep Purple de Burn sonne encore assez seventies avec notamment ses duels de guitare et de claviers et de haute tenue. Puis « Star Of Rio » nous renvoie à l'époque du Kiss de Love Gun. Dans les deux cas de figure la qualité est totale et l'on ne peut regimber. « Gemini » forme lui un forme de speed rock disco totalement improbable et… irrésistible. Voilà encore une grande réussite du groupe qui témoigne de sa capacité à mêler les éléments les plus irréconciliables et d'en faire un recette savoureuse. 

Puis nous rentrons dans les années 80 : « Sad State Of Affairs », « Jennie », « Domino », « Josephine » ou « Something Mysterious » auraient parfaitement trouvé leur place sur les magnum opus de Toto, de Journey ou de Surivor. Et en conservant le meilleur : le groove de folie sur « Domino », l'entremêlement des guitares et des claviers sur « Josephine », le brio épique sur « Something Mysterious ». Le tout se mêle d'influences plus pop comme Supertramp ou Santana (le langoureux solo de « Domino »). Le dernier titre du disque est lui par contre totalement inclassable : « Saturn Velvet » est de facture ambitieuse du haut de ses sept minutes, et on pourrait y voir une ambition « progressive » s'il n'y avait un refrain totalement orienté radio, voire l'influence d'Abba ! D'où l'art de fouler des sentiers déjà battus en en sortant régulièrement.   

Tirer son chapeau à Björn Strid

Nous parlons beaucoup musique et tirons un chapeau aux cinq musiciens, mais il faut quand même s'attarder sur la star du groupe. Certes, les crédits de composition sont partagés, la section rythmique fait un très beau travail et les solos de David Andersson et de Richard Larsson de haute tenue, mais  c'est bien Björn Strid qui est l'astre musical sur Amber Galactic. Technique, versatile, inspiré voire transcendé, il est simplement parfait. Et ce dans tous les registres, sur ses couplets ou ses refrains, que ce soit en optant pour un falsetto sur « Just Another Night » ou pour la sensualité sur une semi-ballade comme sur « Jennie ». Bravo à lui. Il s'impose assurément comme un des meilleurs chanteurs de sa génération. Je dirais même qu'il est finalement plus convaincant que dans Soilwork, « son » groupe par excellence. C'est dire.

Finalement l'effet « The Night Flight Orchestra » s'est fait assez sentir pour que Nuclear Blast signe enfin ce bijou et que de vrais moyens lui soient accessibles. Espérons que le groupe puisse enfin jouer ailleurs qu'en Suède dans de toutes petites salles et puisse enfin soulever les foules au quatre coins de l'Europe et des États-Unis. Je serai là !

Baptiste (8,5/10)

 

Nuclear Blast / 2017

Tracklist (56:00) : 1. Midnight Flyer 2. Star Of Rio 3. Gemini 4. Sad State Of Affair 5. Jenny 6. Domino 7. Josephine 8. Space Whisperer 9. Something Mysterious 10. Saturn In Velvet 11. Just Another Night (bonus track)