Set The World On Fire a un statut un peu spécifique dans la discographie d’Annihilator. Tout d’abord car durant quelques temps, on put penser qu’à la sortie de ce troisième opus du combo de Jeff Waters, ce dernier avait enfin accepté de transformer Annihilator en un vrai groupe et pas en projet totalement personnel. En effet avec des photos intérieures montrant un line-up sur un pied d’égalité et la participation de musiciens à la composition des morceaux – le second guitariste Neil Goldberg semble même avoir été le principal compositeur de « Don’t Bother Me » –, Set The World On Fire incitait à envisager qu’Annihilator fut devenu désormais un projet collectif. Las, il n’en sera en fait rien : une fois la tournée bouclée, Jeff Waters limogea tout son personnel, allant même jusqu’à prendre lui-même le micro sur le bien moyen King Of The Kill.

Cette forme de « retour en arrière » s’explique sans doute par les ventes décevantes de Set The World On Fire ; Annihilator fut d’ailleurs abandonné par son label Roadrunner à la suite du disque. Le contexte musical de l’époque pourrait expliquer ce relatif insuccès : malgré un excellent premier single ouvrant le disque, Set The World On Fire souffrait du recul du metal des années 80 – dont le groupe était lui-même une sorte de queue de comète – face au grunge. Par ailleurs, il faut bien dire que Set The World On Fire adoptait un profil musical si mélodique qu’il rompait quelque peu avec l’image du groupe. Si l’on met de côté le puissant et syncopé « Set The World On Fire », quelques riffs de « Knight Jumps Queen » et le baroque « Bats In Belfry », il reste peu de choses du style d’Alice In Hell sur ce nouveau disque. Tout est ici beaucoup plus mélodique et simplifié, même si les compositions ne sont pas indigentes : « No Zone », « The Edge » œuvrent dans un métal mélodique racé mais accessible et de qualité.

La voix du nouveau Aaron Randall est parfaitement en osmose avec le propos : s’il est caricatural de dire que Jeff Waters venait d’embaucher un chanteur de Hair Metal, il est clair qu’il n’a pas l’agressivité de Randy Rampage ou la rugosité vocale de Coburn Pharr. Il n’est reste pas moins un chanteur compétent au timbre agréable mais qui peut se montrer puissant quand le propos le justifie (« Set The World On Fire »). Il signe quelques bons refrains (« Sounds Good To Me ») et s’avère très à l’aise sur… les ballades. C’était ainsi la première fois que Jeff Waters se lançait dans ce style et il fut beaucoup critiqué pour cela. « Phoenix Rising » a été l’objet de nombreux quolibets que je trouve exagérés. La mid-tempo « Sounds Good To Me » passera mieux mais surtout « Snake In The Grass » doté d’un d’une structure plus complexe à tiroirs et d’un refrain franchement hard rock.

Si on ajoute une tableau une excellente production, très claire et léchée, œuvre de Jeff Waters même, on pouvait imaginer que ce dernier devait concevoir les plus grandes attentes envers ce Set The World On Fire. Elles furent bien douchées et l’on connait le tournant alors opéré par Jeff Waters. Il faudra attendre plusieurs années pour voir Jeff Waters restabiliser son projet autour d’un autre chanteur que son auguste personne. Set The World On Fire a donc un statut un peu à part et une image trop négative car c’est un bon disque, s’inscrivant dans une première séquence musicale très féconde pour Annihilator.

Baptiste (8/10)

 

Roadrunner / 1993

Tracklist : 1. Set The World On Fire 2. No Zone 3. Bats In The Belfry 4. Snake In The Grass 5. Phoenix Rising 6. Knight Jumps Queen 7. Sounds Good To Me 8. The Edge 9. Don’t Bother Me 10. Brain Dance