Tommy Denander est assurément un musicien qui gagnerait à être plus connu. Incontournable sur la scène AOR actuelle, dont il anime un certain nombre de projets intéressants (Rainmaker ou Prisoner), le guitariste reste malheureusement trop inconnu hors de ce milieu un peu étroit. Avec le deuxième opus de son projet principal, Radioactive, tous les ingrédients sont là pour que ce relatif anonymat soit dissipé une fois pour toute. 

Car ce nouvel album de Radioactive est tout d'abord celui de l'émancipation par rapport à l'influence de Toto, bien moins présente que sur son premier disque Ceremony of innocence, sur lequel étaient largement intervenus les musiciens du groupe de Lukather. Sur Yeah !, c'est avant tout la voix de Fergie Frederiksen, notamment sur l'un des titres « Demon », qui suggère quelques réminiscences du Toto de l'époque Isolation. La chose s'arrête là. 

Une classe indéniable… sur tous les plans

Le son colossal et très puissant dont jouit l'album accentue cette distanciation, et si c'est d'AOR qu'il s'agit ici, c'est un rock FM fortement mâtiné de métal qu'offre maintenant Radioactive. La guitare de Tommy Denander est très mise en avant, dotée un son tranchant pour appuyer des riffs heavy (« Yeah », « Don't Give Up », « I Should Have Known Better » etc.). La teinte AOR est conservée par la présence régulière des claviers (très bien placés sur le titre d'ouverture « Yeah » dont ils ne cassent pas la dynamique), ou par le choix de baisser un peu le volume de la distorsion, mais sans nuire à l'énergie des morceaux concernés (par exemple sur « Fire Within »).

Cependant cette remarquable production ne sert pas uniquement la guitare mais aussi les multiples chanteurs ayant posé leur voix sur ce disque. Tour à tour c'est Geir Ronning, Mikael Erlandsson, Fergie Frederiksen, Matti Alfonzetti ou Kimmo Blom d'Urban Tale qui ont interprété de un à quatre titres. Et la variété des voix, qui s'étend du haut perché (Fergie Frederiksen) à des timbres plus chauds et à des intonations plus basses (Geir Ronning), fonctionne à chaque fois à merveille sans nuire à l'homogénéité de l'album. 

Il faut dire qu'un grand soin a été apporté aux lignes vocales souvent riches et fouillées, en tout cas accrocheuses (le refrain de « Until I Change You Heart » ou le couplet somptueux de « Don't Give Up »), soutenues par des chœurs de haute qualité de Chris Demming (voir le résultat très heureux sur « Not That Innocent »), mais aussi par un gros travail de composition à la guitare lors des refrains pour que musique et chante se combine au mieux (« 7 Am »).

Des chanteurs hors norme mais aussi un guitariste au diapason

D'ailleurs le travail à la guitare de Denander sur tout l'album est exempt du moindre reproche. Son sens de la mélodie instantanément mémorisable (« Not So Innocent ») ou du riff simple mais tout ce suite entraînant (« 7 Am ») se dispense généreusement ici à foison. Mais il alterne aussi avec créativité les rythmiques plus syncopées, les successions de riffs voire les accélérations frôlant la virtuosité, non seulement en solo mais aussi sur certains breaks, comme celui de « 7 Am ». On lorgne alors avec bonheur en direction du métal progressif contemporain, sans jamais dégager le moindre relent d'opportunisme, car c'est avant tout la grande aisance des musiciens qui se manifeste alors.

En fait, Tommy Denander est un guitariste qui aime les contrastes et ainsi sur « Lies Feeds On Lies », il fait se succéder avec bonheur un solo acoustique avec des parties plus stridentes dotées de quelques harmoniques et bends attaquées de manière virulente. Un tour de force plus révélateur encore caractérise la ballade « Over You », dépourvue des grosses ficelles du genre : la voix de Ronning ; succédant à un arpège sombre, se fait tour à tour sensuelle, légèrement cassée, pour éclater sur un refrain plus rugueux sans jamais paraître être téléscopé. Le morceau culmine sur le solo vigoureux irréprochable.

Il est temps d'arrêter là la description car c'est en fait chacun des morceaux de qui devrait se prêter à une analyse détaillée, tant Yeah est un album à la richesse systématique. Une pièce de maître en quelque sorte. Sans doute un chef d'œuvre du genre. En tout cas, une parution qui devrait faire date.

Baptiste (9/10)

 

MTM / 2003

Tracklist (44:24) : 1. Yeah 2. Demon 3. Dont Give Up 4. Lies Feed On Lies 5. I Should Have Known Better 6. Over You 7. Fire Within 8. Not That Innocent 9. Make It Mine 10. Souls On Fire 11. 7 am 12. Until I Change Your Heart.