La communauté métallique commence à s'agiter autour du phénomène The Darkness, discernant sous les traits du combo anglais les contours du renouveau d'un style sensiblement écrasé sous les productions américaines. Au premier abord il me semblait que le succès et l'accueil accordé à The Darkness en disaient plus sur la situation du heavy métal que sur la musique du groupe lui-même. Pourtant, derrière une attitude fun voire potache, l'exhibition de toute une suite caractéristiques jugées il y a peu complètement dépassées (chant haut perché, soli abondants, bonne humeur exubérante, voire autodérision), The Darkness me semble un peu plus qu'un témoignage nostalgique. Il y a là une vraie identité qui explique la persévérance du groupe à continuer par vents et marées durant des années.
Plus qu'un improbable croisement entre Thin Lizzy, AC/DC, Motley Crue ou Queen, The Darkness réussit à se construire une identité alors que le groupe n'a en rien injecté des influences récentes à l'apport de ces figures historiques. Ce qui frappe, c'est à quel point The Darkness s'est révélé complètement imperméable aux réalisations des années 90'. Plus : qu'ils en prennent outrageusement le contre-pied le plus flagrant. En témoignent, la ribambelle de soli sur le single « I Believe in a Thing Called Love » ou la bouffonnerie des paroles, mises en scène pour le plus grand bonheur lors des clips mémorables. Quant au son général du disque, il est très loin des productions américaines et parfois la saturation des guitares paraît tout droit sortie des premières réalisations d'AC/DC (« Givin' Up »). 

Par ailleurs ce Permission to Land a maints atouts pour représenter autre chose qu'une énième déclinaison d'un héritage glorieux. Énumérons-les :

– Un sens du riff accrocheur, indéniable et qui fait mouche régulièrement, mais aussi celui de la mélodie en solo (atout fort bienvenu car ces derniers fourmillent un peu partout) ;

– Une capacité à varier les morceaux tout en conservant une estampille propre de bout en bout du disque ; 

– Le sens du tube très présent (on peut présumer que les très FM « Friday Night » et son très joli solo harmonisé, ou « Love Is Only a Feeling » puissent se faire aisément une place au soleil dans les charts) ;

– Et puis surtout ce chanteur Justin Hawkins, dont le chant recèle de trouvailles, notamment par ses poussées vocales avec des intonations de fausset (maîtrisées), qui cassent toute linéarité et évidence aux lignes de chant. Ces montées dans les aigus donnent à chaque fois un cachet propre au morceau et font décoller les refrains (« Love On The Rocks with No Ice »). 

Même en admettant que The Darkness prospère au milieu d'un désert musical (ce qui est mon point de vue), il faut leur accorder que la bouffée d'air est d'une fraîcheur, non seulement inattendue, mais très prometteuse. Maintenant croisons les doigts pour que le genre retrouve une nouvelle vigueur et que nous ne soyons pas écrasés sous les clones soporifiques qui ont tué le métal des années 80 !

Baptiste (8,5/10)

 

Must Destroy Music – Warner Atlantic / 2004

Track listing : 1. Black shuck 2. Get your hands off my woman 3. Growing on me 4. I believe in a thing called love 5. Love is only a feeling 6. Givin' up 7. Stuck in a rut 8. Friday night 9. Love on the rocks with no ice 10. Holding my own