Silence est un groupe complètement inclassable sur la scène française tant son style de prédilection mais aussi son profil en font une formation à part, largement décalée par rapport aux goûts de l'heure. Sous l'impulsion du guitariste-producteur confirmé Bruno Levesque, la musique de Silence est passée de l'instrumental à une AOR léchée, magistralement interprétée et produite élaguant les aspects originels les plus hard rock et typiquement guitaristiques. Le disque précédent Utopia œuvrait dans un Hard FM plutôt classique et de bonne facture sur lequel Jérôme Cazard affûtait ses armes de chanteurs. Ici, un pas est franchi, tant du point de vue de la production (moins datée), que de la qualité du chant (un cran au-dessus) voire de la composition, via une évolution musicale vers un registre nettement plus AOR et rock FM, un peu à la manière d'un Street Talk. En témoigne le très beau morceau d'ouverture, « Stupid Man », opérant dans un style beaucoup plus planant et mélodique que de coutume. La voix de Jérôme se fait douce et émotive sur les titres successifs (« Electric Harps », « My Sight ») démontrant une maîtrise à chaque fois croissante ; l'homme s'avère bien une des plus belles voix de la scène française et il porte par son sens de la mélodie et par sa pureté apaisée ce Nostalgia en ses aspects fondamentaux (« Chrome & Glass » au refrain poppy et entêtant). C'est dire que l'apparition de Faustine Bosson au chant, sans que sa voix ne soit en elle-même en cause, ne s'imposait pas sur un « Where No One Lives », plutôt joli mais que la perspicacité eût plutôt dû renvoyer en fin de disque. 

Le deuxième pilier du groupe est évidemment Bruno LeVesque impérial à la composition, en solo (superbe envolée sur « Stupid man » ou « Time »), ou à la production, choisissant une approche souvent complexe, non par la technicité des parties rythmiques que par un sens de l'arrangement, de l'ajustement des parties guitares et claviers dans un tout aux harmonies manifestes (« A Passing Show »). Peut-être pourrait-on regretter que l'homme ne se soit pas autorisé plus d'échappées virtuostes et habiles tant celui-ci s'avère un technicien accompli. N'importe : il a tout l'espace sur l'instrumental « Oceana » ou sur des titres plus hargneux, plus marqués Hard rock (« Chrome & Glass » et son break riche et réussi et surtout « Family Home ») pour s'exprimer. En fait c'est tout son travail de composition et d'interprétation qui mériterait d'être remarqué sur l'ensemble du disque. 
Du très bel ouvrage à écouter absolument. 

Baptiste [8/10]

 

Vinny records / 2005

Tracklisting (60:00) : 1. Stupid man 2. Electric harps 3. My sight 4. Where no one lives 5. A passing show 6. Chrome & glass 7. Brother 8. Family home 9. Time 10. Just us 11. In between days 12. Easy way 13. Ocean