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Tobias Sammet avait « promis, juré » qu'Avantasia ne referait plus surface et que les deux excellents derniers albums, The Wicked Symphony et Angels Of Babylon, constitueraient un point d'orgue à son projet parallèle à Edguy. Il n'en a rien été… La faute à une inspiration galopante selon le chanteur, inspiration qui l'aurait lancé vers l'écriture d'un concept album tourné autour du Temps, de la Connaissance et de Dieu, qui serait parfait pour Avantasia. Faisons crédit à Tobias Sammet d'une certaine bonne foi et écartons l'idée de motifs plus « mercantiles » à la remise sur pied d'un projet quand même bien plus inspiré qu'Edguy et sans doute plus vendeur. Et ce alors qu'une suite à ce nouvel album est déjà annoncée. Mais passons. 

Un orchestre… quel orchestre ? …et pourquoi un orchestre ? 

Pour proposer ce The Mystery Of Time aux auditeurs après deux très bons opus qui semblaient avoir fait le tour de la question, il fallait proposer un peu de neuf, sans pour autant décevoir les fans de heavy mélodique qui recherchent avant tout les mélodies réussies, les chœurs majestueux, les orchestrations grandiloquentes mais aussi quelques tempos bien enlevés. Si l'on retrouve bien ces derniers ingrédients à de forte dose, Sammet propose toutefois du neuf sur deux points. 

Tout d'abord il a pu faire appel à un orchestre classique, le Babelsberg Film Orchestra, alors que jusqu'alors les orchestrations étaient « reproduites » par force samples et claviers. Ce qui pourrait sembler une coqueterie de nanti n'en est pas une puisque l'orchestre est ici très bien utilisé. Car il n'est pas trop envahissant sans pour autant se révéler « accessoire ». Sur « Spectres », « Black Orchid » ou « The Great Mystery » l'apport est indéniable. Et il faut dire d'emblée que les deux dernières chansons citées, si on lui adjoint l'autre titre épico-symphonique « Savior In The Clockwork », s'affichent comme des moments forts d'un heavy symphonique de haute tenue en partie grâce à l'orchestre. Par ailleurs, introduire un orchestre a incité Sammet et son producteur, l'incontournable Sascha Paeth, à choisir une production plutôt chaude et organique, à la manière d'un son de batterie qu'on n'entend pas beaucoup dans le metal symphonique. Un son de batterie issu tout droit des baguettes de Russell Gilbrook… d'Uriah Heep.  

Quelques chanteurs fourbus et d'autres plus vaillants

La deuxième nouveauté est le recours à quelques nouveaux chanteurs et l'abandon d'autres comme Jorn Lande qui n'a pas été invité. Parmi les nouveaux venus on trouve Ronny Atkins de Pretty Maids pour un furieux « Invoke The Machine » très enlevé. Ou Eric Martin pour une power ballade très réussie, « What's Left Of Me », sur laquelle il se montre très à l'aise. Voici pour les bonnes surprises. Car ni Biff Byford (sur « The Watchmakers' Dream » ou « The Great Mystery ») ni Joe Lynn Turner (sur « Spectres » trop poussif, ou sur « The Watchmakers' Dream ») ne se montrent franchement à la hauteur. S'ils ont du métier, leur chant me paraît bien fourbu, surtout à côté de celui d'un Michael Kiske ou de Sammet lui-même qui se montre toujours très à l'aise sur ses propres compositions. 

Car c'est sans doute la prestation de Michael Kiske qui s'avère la plus marquante de toutes. Si son chant n'est mis en avant que sur deux titres – « Where Clock Hands Freeze » et « Dweller In A Dream » –, il y fait une apparition de très grande classe, proposant notamment de superbe montées dans les aigus et des lignes de chant à la manière des plus grands moments des Keeper Of The Seven Keys. Manifestement Tobias Samett sait parfaitement utiliser la voix de son idole et maître. C'est peut-être moins le cas pour Turner ou Bifford. Dommage. Et on lui conseillera aussi de cesser de faire appel à Cloudy Yang dont le chant souvent sirupeux s'avère encore une fois assez pénible sur la première partie de la semi-ballade « Sleepwalking », avant qu'un très bon break ne lance enfin le morceau.  

À la fin de cette avalanche de remarques plus ou moins favorables, il faut toutefois faire le constat suivant : ces remarques ne se comprennent que parce que The Mystery Of Time, s'il nécessite un certain nombre d'écoutes pour rentrer pleinement dans son propos musical, justifie aussi par la richesse du travail de composition et de l'interprétation de nombreuses écoutes. Le metal symphonique d'Avantasia, oscillant plus que jamais entre Meat Loaf, Magnum, Savatage mais aussi Helloween ou Gamma Ray, est incontestablement de qualité. Et ce même si certains signes des redites frôlant le pastiche (écouter le deuxième break de « The Great Mystery » fortement réminiscent de « Vigilante » de Magnum) devraient inciter Tobias Sammet à ne pas se reposer sur ses lauriers de compositeur phare de la scène heavy mélodico-symphonique. Attendons de voir… jusqu'à un nouvel opus prévu pour 2015. Nous voici gâtés…

Baptiste (7,5/10)

 

Site officiel

Nuclear Blast / 2013

Tracklist (61:57) : 01. Spectres 02. The Watchmakers' Dream 03. Black Orchid 04. Where Clock Hands Freeze 05. Sleepwalking 06. Savior in the Clockwork 07. Invoke the Machine 08. What's Left of Me 09. Dweller in a Dream 10. The Great Mystery