malemortCombiner le rock et une identité française est assurément une tâche délicate. Et ce constat est encore plus valable pour le hard rock. Comme si la provenance anglo-saxonne du rock et du hard rock formait un obstacle quasiment insurmontable pour les musiciens de ce côté de la Manche. On comprend que beaucoup choisissent de surmonter la difficulté en « anglicisant » totalement leur propos à la manière de ce qu'on sut faire très tôt nos cousins allemands (Scorpions et Accept n'ont jamais chanté en allemand tout comme la majorité des groupes de thrash germains). C'est assurément le chemin qu'a pris Gojira et on ne peut leur donner tort tant le succès est manifestement là. 

Un groupe différent

Certains groupes font différemment. Malemort est de cela. Peut-être parce que ce « jeune » groupe dont c'est le premier essai est l'œuvre de musiciens expérimentés, qui ont longtemps bourlingué entre hard rock et rock. On imagine que ce qu'ont pu réaliser à une époque Trust, Satan Jokers ou Vulcain n'est pas indifférent à Xavier (chant et guitare) et les siens. Mais ce French Romances n'est en rien une redite et malgré l'hommage qu'il contient aux groupes des années 80, il n'y a rien là de passéiste. 

On pourrait plutôt parler de « nostalgie » à voir l'habillement des musiciens, l'imagerie « art déco » affichée et les photos en noir et blanc des années 20/30 présentées dans un livret intérieur très soigné. Mais cette nostalgie est aussi une manière particulièrement intelligente d'intégrer une identité française sans sombrer dans la facilité. Car on sait que chanter en français est sans doute bien plus aventureux que chanter en anglais : la superficialité sombre vite dans le grotesque et les assonances et les allitérations sont plus difficiles à maîtriser que dans la langue de Shakespeare. Un gros travail a été fait au niveau des textes par Xavier, les fils conducteur étant tour à tour la nostalgie pour une époque révolue (« Le Domaine »), mais aussi l'ironique sarcastique (« Atomatique Diplomatie ») voire la romance (« Diamond »). Le sens des images, la capacité à créer des atmosphères, le jeu avec la langue sont là et corroborent ce que je pense depuis longtemps : le chant en français peut être un atout si on le prend au sérieux. 

Météore dans un ciel bien terne

Quand on parle de « paroles » (et non de lyrics, un mot d'ailleurs piqué au français), on en vient très vite à la question du chant. Celui de Xavier étonne d'abord par son énergie presque punk, son timbre plutôt aigu et personnel, mais aussi par son rythme très nerveux dont le rapide « Home Sweet Home » donne d'emblée un aperçu. Au final, il est un gros point fort de ce French Romances. Il s'associe à une hard rock très immédiat (Twisted Sisters, Motley Crüe première époque voire parfois Iron Maiden sont là), fortement imprégné de ce que le rock français a produit de meilleur (Noir Désir, les Rita mais aussi des combos de rock alternatifs) et d'énergie punk (les Beruriers noirs ne sont pas loin parfois).

Le cocktail semble improbable mais s'avère au final totalement capiteux. Malemort prend ainsi, en France, la forme d'un OVNI entre quelques groupes de metalcore conformistes et les disques de quelques grands anciens plus ou moins vaillants (Satan Jokers, ADX…). On espère qu'il intéressera un public large, ouvert aux démarches personnelles et à contre-courant, aux voies détournées et aux chemins de traverse en quelque sorte.   

Baptiste (8/10)

 

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Brennus (distribution) / 2012

Tracklist (42:00) : 01. Home Sweet Home 02. Insoumission 03. Atomique Diplomatique 04. La Meute 05. Le Domaine 06. L’Enfant-Machette 07. Jamais ! 08. Japan Airline 09. Nous Les Barbares 10. Diamond 11. Les Derniers 12. Fils D’Eve