ACH003524752.1401394279.580x580Parmi les critiques rock il est bien vu de porter au pinacle Led Zeppelin et de débiner ELP et les autres dinosaures du rock progressif. Dans le même esprit, il est de bon ton de railler le Chicago actuel pour son âge avancé, ses albums ratés, son tournant « radio » durant les années 80, ses ballades très (trop ?) entendues… tout en hypocritement se réclamant du tout premier Chicago : celui des sept premiers albums environ. Je serai un très mauvais critique rock, car j'aime toute la carrière de Chicago, même si j'admets une baisse de qualité globale des disques à la fin des années 80, le fond étant touché par un XXI, un disque que d'ailleurs les membres du groupe n'avait quasiment pas composé. 

Depuis Chicago s'est doucement remis en forme et a enregistré un disque, XXX (2006), inespéré. Eût égard à l'âge d'un groupe né en 1967, ce XXXVI Now arrive en fait assez vite : huit ans après son dernier prédécesseur en studio. Comme le groupe a été très occupé à tourner durant tout ce temps, XXXVI Now a été enregistré sur la route avec le propre matériel du combo américain. D'où peut-être une vraie fraîcheur ici et un allant indéniable : Chicago ne sonne pas du tout comme un groupe poussif de vieilles gloires mais comme un groupe en forme et à l'énergie intacte. C'est assez rare pour être mentionné. L'écoute du premier single, « Now », et de ses rythmes cuivrés, donne un très bon indicateur de cette bonne tenue : le groupe semble se porter comme un charme. Il est d'ailleurs bluffant de constater la qualité sonore du disque dans de telles conditionnements d'enregistrement. 

Inspiration originelle ?

L'autre signe de regain de forme est le retour à la composition des membres de Chicago et de Robert Lamm notamment. Rappelons que le claviériste et chanteur, auteur de la majorité des grands titres de Chicago dans les années 70, s'était mis en retrait dans les années 80, alors que Perte Cetera prenait de plus en plus plus de poids. Les compositeurs extérieurs sont donc moins présents sur ce XXXVI alors que Robert Lamm est crédité sur la moitié des morceau. De telle sorte que XXXVI sonne sur certains points comme un retour aux sources, notamment du fait de la grosse présence des cuivres. Avec « Naked In The Garden Of Allah » et ses guitares saturées et ses mélodies orientales, on retrouve même un peu de l'ambition musicale des débuts. 

Par ailleurs, même si les cuivres prédominent ici, on remarquera que le guitariste Keith Howland commence à marquer le groupe de son empreinte : il cosigne un rock cuivré et groovy très vitaminé comme « Free At Last » et propose un beau travail avec son bassiste Jason Scheff sur le jazzy « Nice Girl ». On remarquera le regain de forme du trompettiste originel Loughnane sur « America », beau titre un peu désabusé sur le pays de Chicago, mais qui souffre d'un refrain un peu en deçà de la qualité globale du morceau. Quant au remplaçant de Bill Champlin, Lou Pardini, sa présence est relativement imperceptible, même si le titre aux influences latinos qu'il cosigne avec Robert Lamm, « Watching All The Colours » est très agréable.  

Quelques fautes de goût

Il est dommage que toutes ces qualités ne se retrouvent pas à chaque instant sur XXXVI car quelques titres de mauvais acabit plombent quelque peu l'album. Le morceau très AOR qu'est « More Will Be Revealed » n'en fait pas partie, car il s'avère de très bonne facture et n'aurait pas dépareillé sur un album comme XVI ou XVII par exemple. Mais on pouvait sans doute se dispenser de la ballade commerciale de service qu'est « Love Lies On », malgré le beau travail de Jason Scheff en voix de ténor. Et « Another Trippy Day » souffre de loops de batterie qui n'ont rien à faire sur un disque de Chicago. C'est dommage car la ligne de chant de Lamm est agréable et les cuivres sonnent bien. Quant à « Crazy Happy », elle serait assez belle si elle était dispensée d'une vilaine boîte à rythme et d'un refrain trop sirupeux qui gâchent un morceau pourtant bien porté au début par la jolie trompette de Loughnane. Quelle faute de goût qu'aurait dû faire éviter le producteur Hank Linderman là !

Tout n'est donc pas au-dessus de tout reproche ici, mais la forme est globalement là et il est réconfortant de constater que Lamm et les siens font toujours honneur à la réputation et à l'histoire du groupe avec un disque qui tient bien la rampe. Une confirmation du regain créatif entrevu sur XXX

Baptiste (7,5/10)

 

Frontiers / 2014

Tracklist : 1. Now (4:57) 2. More Will Be Revealed (5:15) 3. America (4:16) 4. Crazy Happy (5:03) 5. Free At Last (5:13) 6. Love Lives On (5:18) 7. Something's Coming, I Know (3:45) 8. Watching All The Colors (4:13) 9. Nice Girl (3:59) 10. Naked In The Garden Of Allah (4:24) 11. Another Trippy Day (4:00)