Kreator_Extreme_AggressionExtreme Aggression est à mon avis un des disques les plus mésestimés dans le thrash metal. Ainsi parmi les incontournables du genre on trouve généralement cités un The Legacy de Testament, un Bonded By Blood  d'Exodus ou un Reign In Blood de Slayer voire, pour les plus puristes, Darkness Descends de Dark Angel ou Survive de Nuclear Assault. J'ai tout ces disques que j'aime beaucoup mais j'ai toujours été surpris qu'on ne loge parmi eux (voire au dessus d'eux) Extreme Aggression de Kreator, le quatrième disque du combo d'Essen. Certes, on lui reconnaît des qualités et on note les progrès faits par les musiciens allemands mais on ne va pas au-delà dans l'appréciation.

Un groupe qui défend mal son chef d'œuvre

Toutefois, Extreme Aggression est assurément le meilleur disque de Kreator, clairement devant l'immédiat mais encore mal dégrossi Pleasure to Kill (1986) ou le trop prévisible Coma Of Souls, voire l'habile synthèse à laquelle correspond Violent Revolution. Il y a encore une fraîcheur dans la musique de Kreator qui se perdra rapidement et que cherchera à retrouver Mille Petrozza à partir de Renewal, via des expérimentations, à mon avis légitimes mais rejetées par des fans globalement conservateurs. Il est vrai que le groupe défend mal son chef d'œuvre ne jouant en live que deux classiques, certes incontournables, « Extreme Aggression » et « Betrayer », mais ne s'aventurant pas au-delà.

Lorsque Kreator enregistre en 1989 aux États-Unis ce Extreme Aggresion avec Randy Burns aux manettes de producteur, le groupe est encore plein d'assurance, une assurance qui transparaît sur la pochette qui pour une fois délaisse l'habituel démon pour afficher une photo de quatre jeunes musiciens au regard bien présomptueux. Il est vrai qu'il n'y avait pas lieu d'être modeste : la popularité des Allemands allait croissant, le niveau technique des quatre musiciens avait énormémement progressé et grâce à Randy Burns, Extreme Aggression allait enfin être doté d'un son de qualité. Bien un son u peu sec, la puissance et la clarté de la production d'Extreme Aggression jouent inconstablement un rôle dans le succès du groupe, tout comme les progrès techniques qui permettent au groupe de varier plus nettement les tempos, entre les chansons mais aussi au sein des chansons, tout comme à s'adonner à des solos enfin de qualité (« Extreme Aggression », « Fatal Energy »…) loin des horreurs produites par Kerry King et feu Jeff Hanneman.

Homogénéité qualitative surprenante

Et pourtant Extreme Aggresion reste incontestablement un album de thrash très peu mâtiné d'éléments heavy : les morceaux déboulent à tout vitesse (« Bringer Of Torture », « Betrayer », « Extreme Aggression »). Et les paroles regorgent d'une violence qui délaisse totalement les références démoniaques ou dark fantasy pour prendre une connotation personnelle bien plus suggestive (le nihilisme de « No Reason To Exist », « Love Us Or Hate Us »). Le recours à des chœurs nerveux sur un « Don't Trust », par exemple, outre son côté naturellement fédérateur, souligne le caractère collectif de l'agressivité exprimée, même s'il faut insister sur la hargne que portent les vocalises très maîtrisées de Mille Petrozza.

Le plus patent est toutefois ce qui fait la caractéristique des grands disques : la qualité et l'homogénéité de l'inspiration. Il n'y a aucune titre à jeter ici. De l'entame fulgurante qu'est « Extreme Aggression » jusqu'à la clôture un poil plus sophistiquée qu'organise « Fatal Energy », on ne trouve pas de faille. Pour avoir produit le riff d'« Extreme Agression », le break de « Love Us Or Hate Us » ou les harmonisations à la guitare de « Some Pain Will Last », Mille Petrozza doit assurément être classé parmi les meilleurs compositeurs de thrash aux côtés de Dave Mustaine ou de Jeff Hanneman. 

Kreator a une carrière longue, fournie en nombreux disques, dont la majorité est incontestablement de qualité, voire excellente. Il est donc parfois difficile d'y déceler le meilleur, à la manière des disques d'Iron Maiden des années quatre-vingt. À mon avis, bien qu'un peu caché, le joyau est là et rayonne encore. Il serait temps que Petrozza et les siens le ressortent de son écrin plutôt que de nous asséner encore et toujours « Tormentor » et « Flag Of Hate ». 

Baptiste (10/10)

 

Noise / 1989

Tracklist (37:32)  : 1. Extreme Aggresion 2. No Reason To Exist 3. Love Us Or Hate Us 4. Stream Of Consciousness 5.Some Pain Will Last 6. Betrayer 7 Don't Trust 8. Bringer Of Torture 9. Fatal Energy