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01. Difficile à imaginer mais certains de nos lecteurs peuvent n’avoir jamais entendu parler d’ANTI-FLAG, peux-tu nous présenter le groupe en trois mots et nous expliquer pourquoi ?

Je fais partie de ce groupe et j’imagine aisément que beaucoup n’ai jamais entendu parler de nous. Je suis dans cette aventure depuis 17 ans maintenant. Les trois mots je dirais : internationaliste, anti-sexisme et anti en général. Cela résume bien en fait toutes nos chansons depuis le début (rires). Quand tu penses à mettre au défi et secouer le statuquo et tout ce que cela implique, le croyance profonde que tout ne va pas bien et que nous-mêmes nous ne sommes pas en phase…

Et il s’agit là d’une première étape et c’est pourquoi nous avons trouvé le punk-rock pour nous exprimer et que nous avançons ainsi depuis lors. Nous venons d’un endroit inconfortable et nous sommes à la recherche d’un lieu dans lequel nous aurions notre place. Et pour changer cela nous avons entamé un processus en allant à ces concerts de punk-rock, à travers le groupe en multipliant les contacts… Ces mots résume bien l’esprit punk-rock, il ne s’agit pas d’un groupe, d’une chanson, un t-shirt ou une coupe de cheveux mais bel et bien une croyance.

 

02. Donc pour vous la musique doit être un combat, un moyen de faire changer le monde ? Vous n’imaginez pas cela sans cet activisme, juste à parler des fleurs et du ciel ?

La musique n’est finalement que le medium, le véhicule pour exprimer ce que tu veux dire. Nous pouvons nous exprimer sans colère. A nos débuts peut-être oui, nous pensions que si l’une de nos chansons avait un fort message sociétal, il fallait que cela s’exprime par de la colère, il fallait que cela soit « anti » jamais en faveur de. Et effectivement nous venons de là, et toute la scène est née de ce ferment mais je pense qu’intrinsèquement, en réalité, toutes les chansons possèdent un message politique même si cela ne parle que de la beauté des fleurs.

Ces fleurs et leur beauté existent à ce moment précis à cause de tel ou tel paramètre mais au bout du bout un message politique existe. Je suis conscient que cette idée est difficile à défendre en écoutant le dernier single de ONE DIRECTION (rires) mais même là si tu essayes vraiment et que tu as une certaine imagination pour tracer des parallèles, tu peux y arriver. C’est de l’art et donc qui sommes-nous pour critiquer cela et le risque pris par telle ou telle chanson ?

 

03. Comme tu le mentionnais, tu fais partie du groupe depuis 17 ans alors que le groupe existe lui-même depuis 25 ans environ. Constates-tu des différences quand à vos colères ou protestations entre les membres du groupe ?

Oui tout le temps, pour de petits détails. Cela passe par une vision, une acceptation différente de la technologie, dans la façon dont nous composons… Et cela clashe parfois bien sûr. Je suis plus ouvert à toutes ces nouveautés car j’ai baigné dedans et je les comprends. Voilà pour la forme mais sur le fond, nous partageons énormément au niveau de la philosophie générale, politiquement parlant. Souvent on nous demande si nous sommes d’accord en ce qui concerne la politique et oui c’est bien le cas.

Nous sommes d’ailleurs souvent plus en harmonie au niveau politique que sur la musique au niveau des riffs ou des mélodies. Et nous pouvons utiliser toutes les technologies les plus modernes. Si les SEX PISTOLS avaient eu l’opportunité d’enregistrer dans les meilleurs studios, ils l’auraient fait. Je ne crois pas que le punk-rock soit un son, cela peut donc tout à fait être électronique, pour moi le punk rock c’est vivre avec empathie, avec conscience de la réalité du monde et de la vie. Et donc pour moi des artistes comme Bob Dylan peuvent être punk rock.

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04. J’ai l’impression qu’à la fin d’un album et de la tournée qui suit, les artistes se réunissent et discutent de ce que doit être la suite et de la démarche à adopter pour le nouvel album. Est-ce bien le cas et quelle était alors votre démarche pour American Spring ?

Oui cela s’est bien déroulé ainsi mais bien plus tôt, bien en amont, même avant que The General Strike ne soit publié. Nous planifions en avance et nous avons même eu cette discussion pour savoir si nous allions tout simplement faire un nouvel album. Et là la démarche a pris forme : ok nous avons fait notre deuxième album chez SideOneDummy Records, nous ne cherchons pas à toucher tout le monde, nous nous adressons d’abord à nos fans et qui veut bien nous écouter. Il n’y a pas de stratégie à mettre en place pour partir à la conquête… Nous avions accepté cela avec une certaine complaisance peut-être au niveau des chansons, de la façon d’enregistrer, de la façon dont nous étions travaillés par notre label…

Et donc si vous voulons faire un nouvel album, le dixième, après l’anniversaire de nos vingt ans de carrière, il faut ce ce disques soit très bon, bien pensé… Et cette conversation a donc débuté, comment faire un meilleur album d’ANTI-FLAG ? Et puis nous avons regardé le paysage politique autour de nous et nous avons réalisé que peut-être plus que jamais, il est important qu’ANTI-FLAG existe de nos jours car il n’y a pas tant de groupes que ça qui parle de ce qui se passe en ce moment dans le monde. Certains critiquent ou dénoncent dans certains genres musicaux mais cela reste en surface et ne touchent pas au fond des choses. Nous devons peut-être nous repositionner d’une certaine manière. Pour beaucoup, les groupes de punk-rock se caractérisent désormais par le fait qu’ils sautent partout une fois sur scène, la conscience, l’aspect protestataire a souvent disparu.

Et donc nous voulions récupérer cet esprit et être sûr qu’en revenant avec un nouvel opus nous serions concentrés sur ce que qui reste l’essence de punk-rock : oui tout le monde sait que la NSA c’est mal, que les brutalités policières sont une honte cependant à nous de secouer le cocotier pour que les choses bougent.

 

05. Quel est votre message avec cet album et ce titre par exemple référence au printemps arabe ?

Oui bien sûr la référence est évidente. Tu regardes ce mouvement et tu constates les hauts et les bas, les succès et les échecs… Du point de vue historique les révolutions qui sont tombées dans la violence n’ont pu générer, en fin de compte, que plus de violence. Et ce fut le cas en Egypte par exemple. Mais à l’origine, dans des endroits où les réseaux sociaux n’existaient pas, soudainement Twitter est apparu a été utilisé et à permis de mobiliser tout un peuple dans un même mouvement. Comme pour Occupy Wall Street, avant on pouvait penser qu’il n’y avait de discussion et de débat interne à la société et ces nouveaux outils ont fait émerger cela à la surface, à la lumière.

Et que l’on soutienne ou non ces mouvements, le fait que cela émerge reste un aspect extrêmement positif. Cela a changé la façon dont nous parlons de ces phénomènes désormais. Nous pouvons déplorer la suite de ces mouvements ils ont changé les choses pour de bon. Et nous voulions tirer un coup de chapeaux à ces événements, chaque fois que les gens se mobilisent pour une cause à laquelle ils croient pour la paix ou la démocratie. La première invasion de l’Irak n’était pas justifiée, la seconde non plus et la situation inextricable dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui vient d’un usage inconsidéré de la violence à l’origine.

 

06. Tu mentionnes ces réseaux sociaux et ces nouveaux outils comme Twitter mais cela sert avant tout à faire du fric ? S’agit-il de bénédictions ou de malédictions ?

Oui tu as raison de souligner cet aspect des choses. Avec ce disque et les chansons nous avons vraiment essayé de nous concentrer sur le ressenti immédiat, les sentiments provoqués sur tel ou tel aspect. Qu’est-ce que la réalité et qu’est-il possible de faire et impossible de faire. Tout joue comme la pochette par exemple. Tu vois un femme musulmane et certains penseront terroriste, certaines penseront fondamentalistes, tu obtiens uniquement par le visuel des émotions. Et c’est la même chose pour ces nouveaux outils comme Twitter à la fin de la journée quand tu te connectes en cherchant le hashtag Arab spring pour connaître le lieu de la prochaine manifestation, tu subis également une publicité pour Toyota.

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07. Une partie de votre public vous écoute et s’imprègne de vos paroles et du message que vous diffusez et une autre partie s’en moque éperdument en appréciant uniquement e la musique, les riffs et les rythmes. Est-ce que cela vous travaille ?

Oui nous y pensons et je suis bien sûr bien incapable de de te donner des statistiques quant à la répartition entre les deux catégories. Nous avons la chance de pouvoir être accessible vis-à-vis de notre public, avant ou après les concerts nous ne disparaissons pas et nous aimons nous mêler et discuter avec les fans. Même lors des festivals nous multiplions les rencontres et ils nous disent des choses. Certains nous ont dit, alors que je découvrais votre musique, je pensais sérieusement à rejoindre l’armée. Et ce genre d’exemples dont des petites victoires tangibles pour nous. Et avec le groupe qui existe depuis plus de décennies maintenant les exemples de ce type se multiplie. Un fan m’a dit qu’il était devenu un avocat d’ACLU (American Civil Liberties Union) etc…

Ils sont venus à nos concerts et ont pu en repartir avec un petit plus, un message dans leur tête et leur cœur les faisant agir pour une société meilleure. Et c’est le but de chacune de nos chansons, il serait naïf de croire qu’une chanson peut changer le monde à elle toute seule. Mais ces petites victoires nous font dire que tout cela vaut la peine. Et maintenant, nous pouvons grâce aux réseaux sociaux être en contact plus que jamais avec nos fans via Twitter ou Instagram. Les fans peuvent directement s’adresser à nous et échanger. Nous faisons en ce moment un mini-film sur l’activisme et nous interviewons pour cela certaines de ces personnes. Un bon exemple reste le fan qui s’occupe de notre site web. Il habite à Winnipeg et au début il n’aspirait qu’à gérer un forum de nos fans. Mais depuis il multiplie les actions politiques, ses contributions à diverses associations. Son activisme en a été décuplé.

Et nous faisons cela pout ces petits moments magiques, nous ne vendons pas des millions de disques, nous ne sommes pas RAGE AGAINST THE MACHINE ou GREEN DAY avec American Idiot… Bien sûr nous voulons que notre disque soit le plus écouté possible mais là s’arrête notre ambition artistique. Mais ce n’est pas simple. Ces groupes ont effectivement su proposer de vrais petits bijoux, des hits, mais le succès s’avère aussi être une question de timing. Mais nous n’avons pas choisi la voie la plus simple en proposant un punk-rock engagé.

 

08. Au niveau business vous avez été signé sur des structures de taille et de d’importance bien différentes, de Spinefarm Records à SideOneDummy Records en passant par RCA. Qu’en avez-vous retiré ?

Nous sommes chez Spinefarm car nous sentons profondément que nous écrions des chansons pour le monde. Il s’agit d’une démarche globale, d’un agenda mondial. Et jusqu’à présent, nous manquions d’une couverture aussi large, que nous soyons à même d’être disponible et accessible un peu partout. Et Spinefarm nous apporte cela. Nos précédentes maisons de disques mettaient tout l’accent sur l’Amérique du Nord et pas ailleurs. Et à l’opposé, chaque fois que nous venions nous produire en Europe nous ressentions une connexion plus intense que jamais avec le public européen. Mais nous n’avions personne ici, pas de relais locaux nous disant pourquoi ne viendriez-vous pas à Paris pour parler de votre musique ?

 

09. Un mot sur WHITE WIVES ?

Oui c’est un groupe que j’ai monté avec l’autre guitariste, Chris et nous avons sorti un 7inch l’année dernière. Le chanteur n’est autre que Roger Harvey. Il s’agit d’une activité de détente pour se changer les idées et s’amuser. Cela me permet de m’aérer l’esprit de rester en forme et créatif lors des périodes de repos d’ANTI-FLAG. Et chacun est sur la même longueur d’onde, tous comprennent que quand l’agenda le permet il faut profiter des opportunités et qu’ensuite nous devons nous consacrer à autre chose.

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10. Quelles nouvelles sur le front ANTIFest, votre propre festrival ?

Nous espérons redémarrer l’aventure cette année car l’année dernière nous avons mis cela entre parenthèses car nous avons cessé nos activités toute l’année en fait. Cela devrait avoir lieu en Allemagne même dans d’autres villes à l’automne.

 

Et enfin "Le Quizz de Metal Chroniques Quizz" pour terminer cette interview:

01. Quelle est ta chanson préférée (tous artistes, époques…) ?

SAM COOKE avec “Don’t Fight It Feel It” la version live à Harlem Square Club 

 

02. Premier album rock acheté ?

GREEN DAY avec Dookie

 

03. Dernier album acheté ?

J’ai précommandé notre nouvel album mais à part ça, un disque d’Abner Jay, un musicien du Mississipi dans les années 70, des vieux trucs de blues…

 

04. D’où est venue l’étincelle artistique ?

L’envie de devenir un musicien professionnel est venu d’un show de GREEN DAY à Chicago, cela s’appelle Jaded in Chicago que j’ai vu étant jeune sur MTV je pense. Cela avait l’air tellement réel ! Mais même alors que j’apprenais les chansons de NIRVANA à la guitare, je ne pouvais m’imaginer faire partie d’un groupe. Mais cela semblait accessible et donc pourquoi pas moi !

 

Tous nos remerciements à Roger WESSIER (Replica Promotion)

 

Chronique de l'album ici

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