Sans jamais chercherfail to feel safe à devenir "the next big thing", Enabler s'est quand même taillé une place de choix dans les playlist d'amateurs de violence crasseuse. Car c'est avant tout de cela qu'il s'agit quand on parle de ce trio. Avec son second album, l'essentiel All hail the void, le groupe s'est fait remarqué en 2012 en proposant une musique violente, tranchante, directe, dissonante et sans concession. Au carrefour du métal (pour les sonorité et les mélodies), du punk (pour l'intention), du hardcore (pour la violence et la voix et un petit côté groovy); Enabler pouvait théoriquement foutre tout le monde à l'amende. Au terme de l'écoute de cet album on avait une telle sensation de richesse, de cohérence et d'intensité, que le groupe ne pouvait pas laisser indifférent. L'éternel problème quand on provoque ce genre de bonheur violent chez ses auditeurs, c'est de reproduire l'orgasme auditif sur les galettes qui suivent…

En 2014, La fin absolue du monde initiait selon moi, une légère évolution du groupe. Le trio du Wisconsin naviguait toujours au croisement des mêmes influences mais avec une légère tendance à rendre le propos plus facilement accessible. Un bon album, certes, mais affaire à suivre…. En 2015, c'est l'année de tout les risques pour Enabler. Un changement de label (Century Media ayant flairé la bonne affaire), et un changement de line-up puisque la bassiste, Amanda Daniels, et compagne du frontman Andy Hurley quitte le groupe. Sans rentrer dans les détails sordides, et en évitant prudemment de porter le moindre jugement dans un sens ou l'autre, il est important de savoir qu'à l'heure de la sortie du nouvel album du groupe, ce dernier est en hiatus. Je vous laisse le soin de vous renseigner personnellement sur les raisons qui entourent cette décision. On retrouve dans cette nouvelle plaque les éléments qui font la force d'Enabler: l'efficacité des riffs, une section rythmique qui bucheronne à la canadienne, des gimmicks de voix qui font mouche et une utilisation spécifique des effets sur les grattes qui donnent à leurs albums une touche reconnaissable. Dès le premier morceau, Suffer to survive donne le ton: une intro qui ressemble à déclaration de guerre et une entrée immédiate dans la matière: c'est rapide et à nouveau limite groovy. Ca donne irrémédiablement envie de remuer du cul avec l'expression d'une teigne sur la tronche. Le morceau Fail to feel safe fait encore moins dans la dentelle. C'est rapide, c'est méchant. Et puis arrive déjà le premier signe de la touche "Century Media" (ou pas): après un break plus aéré, la fin du morceau se conclu sur une envolée ou voix gueulées et voix claires se mélangent.

En soi, rien de bien grave, c'est même assez finement amené en fait. By Demons Denied poursuit, toujours dans la plus pure tradition de distribution de mains dans la tronche. Les riffs sont bien foutus, Hurley est en forme et parsème méthodiquement des couches d'effet mélodiques pour rendre le tout encore plus intense. A nouveau, le morceau se termine par un mélange voix claires/ voix gueulées… la limite n'est toujours pas franchie selon moi. L'entame d'Euphoric revenge est lourde et abrasive. Cela permet clairement de ne pas être écœuré par la succession de riffs rapides et donne une bonne "respiration" (si respirer du kérosène s'apparente à une respiration). Le morceau tabasse de bout en bout. Isolation sickness, commence comme un morceau de metalcore un peu facile. La rythmique du riff centrale est moins typique de ce à quoi Enabler nous habitue. Un nouveau passage mélodique ponctué de voix claires s'intercalent. Moins réussi que ses prédécesseurs. De manière générale, ce n'est pas le morceau le plus inspiré. Sinister Drifter et Sail the sea of fire s'inscrivent dans cette nouvelle tendance qu'à Enabler à rendre ses riffs plus accessibles. Cette tendance initiée sur l'album précédent me gâche un peu mon plaisir. Entendons nous, c'est bien fait, c'est burnés, mais on sent trop qu'on tente d'accrocher l'oreille. Et comme pour me donner tort, haunted arrive avec une odeur qui sent bon All hail the Void. Couleur, vélocité, alternance de rapidité et de lourdeur, tout y est. Sauf qu'il est foutrement court…..Drownage continue la progression de l'album dans la même veine que le morceau précédent. Les gimmiks de grattes sont sympas, pas trop présents. Le morceau est bien équilibré, entre le groove, le méchant, le tout dans un esprit qui va droit au but. Demolition Praise est direct, pas très original, mais tellement direct et court qu'il passe comme un trou normand avant la dernière ligne droite de l'album.

Et au moment où on se dit que les chevaux sont lancés et que ça va tabasser à mort…. Enabler se mange méchamment le tapis. Le cas de Malady, c'est un peu l'histoire du gars à qui tu veux dire "ca sent l'oignon ton bazar". Dès le début, on sent que ça va partir vers de l'émotion pure jus et même si Hurley tente de donner le change sur une mélodie de grattes franchement facile, l'arrivée du refrain me fait penser à une mauvaise blague, résultat d'une soirée biture avec le chanteur de Bring me the horizon (pour vous dire…). Ce truc a été fait pour permettre au groupe de passer en radio, c'est certain. Dommage. La Furia, avant dernier morceau de l'album, ne fait pas dans la grandiloquence ni l'originalité. On n'a de nouveau un morceau servi un peu trop facilement et ça commence à faire chier. Pour clôturer ce cinquième album, Sabotage Within commence par une intro qui laisse pas mal de possibilités, et pourtant….. cela se poursuit et se termine sur un morceau lent pas trop original non plus. Au terme de l'écoute, on en sort avec une bonne moitié d'album qui vaut clairement la peine d'être écoutée et qui donne envie de remuer dans tous les sens. La seconde moitié des morceaux s'inscrit dans la continuité des premiers signes détectés sur l'album précédant. L'arrivée des voix claires passent dans un premier temps mais deviennent trop répétitives. Dans le cas de Malady, j'ai l'impression d'entendre un morceau de cette vilaine période où Architects foutait de la voix claire partout et donnait envie de leur faire mal avec des objets diverses.

Au final, on se retrouve avec un album en demi-teinte. Je suis peut-être un peu sévère, mais quand on est capable de pondre des boucheries frolant le perfect combo, le mauvais goût (et il y en a parfois dans cet album) n'est pas réellement pardonnable. Enabler reste un groupe avec une patte et une sonorité, mais il faudra selon moi, abandonner les voix claires et autres gérémiades et éviter ce genre d'aventures qui se révèlent réellement facheuse.  

Kadaf (6,5/10)

enablerband.com

Century Media Records / 2015
Tracklist (42 min.) : 1. Suffer to survive 2. Fail to feel safe 3. By demons denied 4. Euphoric Revenge 5. Isolation sickness 6. Sinister Drifter 7. Sail the sea of fire 8. Haunted 9. Drownage 10. Demolition praise 11. Malady 12.La Furia 13. Sabotage within