Cette dernière journée du Motocultor s'annonce prometteuse. De gros mastodontes (Opeth, Sepultura, Trivium…) se mélangent à de jeunes pousses (Dopethrone, Verbal Razors…). C'est, de fait, le jour le plus attractif. Malgré la fatigue, nous nous dirigeons d'un pas décidé sur le site de Kerboulard.

Alors que le papier toilette et les poupées gonflables volent pendant le set de Gutalax, les Tourangeaux de Verbal Razors entament leur prestation devant un public clairsemé. C'est bien connu, les absents ont toujours tort. Verbal Razors nous délivre un concert au cordeau. Leur crossover fiévreux est ce qui se fait de mieux sur notre territoire. Les guitares ultrarapides et les mosh-part sont au menu. Le chant, tendu, nous rappelle les plus belles heures du genre. Mieux, le quatuor a la finesse d’inclure une reprise convaincante de S.O.D. (« Sargent « D » and the S.O.D ») qui se fond facilement avec les titres de son premier album. La formation est à surveiller, d’autant plus qu’un nouvel opus est annoncé pour la fin de l’année.

Verbal Razor (99)

Avec Alcest, l'ambiance se fait plus délicate. Comme à son habitude, Neige, leader/chanteur, a le talent pour transporter son public vers un autre univers. Alcest séduit avec son rock planant. Bien peu d’incursions sont faites en terre métallique, mais l’essentiel est ailleurs : post-rock, shoegaze et bien d'autres styles sont à l'honneur. Le public, dont votre serviteur, se laisse emporter par ces mélodies envoûtantes. C'est sublime. Ce concert d'Alcest se savoure comme une vraie pause au milieu de tant de furie musicale. Sa musique fait du bien tant elle est belle, magique, intemporelle…

Alcest (5)

Dopethrone nous fait rapidement retourner sur la terre ferme. La musique du trio canadien nous ressort les poncifs du genre doom/sludge. L'attitude déjantée des membres du groupe est de rigueur, les riffs sont sales et gluants. Et ça fonctionne à plein régime. On ne s'ennuie pas une seule seconde à l'écoute de cette musique âpre et violente. 40 minutes suffisent pour convaincre un paquet de personnes de se ruer sur leur stand merchandising. Le job est fait.

Dopethrone (60)

Après une salvatrice pause syndicale, c'est au tour de Ne Obliviscaris de monter sur scène. Ces Australiens jouent à fond et ont l'air de bien s'amuser. Dommage que leur musique, mélange de prog' et de metal extrême, soit si convenue. On s'ennuie.

Et ce n'est pas le second vocaliste qui pourra, avec son violon, y faire grand chose. Next. Deuxième groupe canadien de la journée, Kataklysm nous prouve qu'il n'est pas là pour figurer. C'est avec une énergie communicative que les troupes de Maurizio Iacono défendent leur bout de gras. Si Of ghosts and gods est réduit à un seul titre, les Canadiens se focalisent plutôt sur leurs derniers albums. Plus accessibles et grand public, des morceaux comme « Push the venom » ou « If I was god… I'd burn it all » sont plus à même de rallier les novices. Au final, c'est une bonne prestation d'un groupe qui se fait trop rare chez nous.

Kataklysm (95)

C'est le premier concert brésilien de la journée. Krisiun n'est pas connu pour sa finesse. Le gang des frères Kolesne le prouve rapidement et opte pour une attaque frontale du public. L'audience s'en prend plein la figure et en redemande. La set-list est efficace (« Ominous », « Vicious warth ») ; elle ne fait pas de quartier. Le morceau tiré du dernier album (« Way of barbarism ») s'impose comme un nouveau classique du groupe. C'est du tout bon. Le groupe surprend en communiquant activement avec ses hordes de fans. Cela le rend d'autant plus sympathique. A l'image de cet excellent concert.

Krisiun (37)

Sepultura fête ici 30 années de bruit et de fureur. Menés par un charismatique Derrick Green, les Brésiliens prennent le public à bras le corps. Sepultura a le bon goût d'entamer les hostilités avec l'antique « Troops of doom ». Le ton est donné. S'ensuit une tripotée de tubes réjouissants (« Inner Self », « Kairos », « Refuse/Resist »). La tribu prend un évident plaisir à satisfaire le remuant public du Motocultor. L’interprétation est sans faille. Andreas Kisser s'éclate et on s'étonne de voir Paulo Jr. bouger, sourire et hurler. Mention « très bien » au jeune Eloy Casagrande qui fait oublier Igor en deux coups de caisse claire. C'est brutal et précis, tout en restant joyeux et communicatif. Le groupe n'a jamais aussi bien joué. Bien loin de ce qu'est devenu Max Cavalera, Sepultura reste une valeur sûre. Le groupe se bonifie avec l'âge.

Sepultura (19)

Qu'on l'adore, ou qu'on le déteste, une constatation s'impose : sur scène, Trivium est imparable. Cette grosse machine fonctionne à plein régime. Pas un riff ne déborde. On remarque la maîtrise de tous les aspects d'un show « à l'américaine ». Matt Heafy, en bon Mr loyal, se démène comme un beau diable et rend supportables les compos de son dernier album Silence in the snow. Mais c'est quand il regarde en arrière que Trivium reste le plus convaincant, à l'image de cet « Anthem (we are the fire) » qui fait remuer les premiers rangs. Excellent show d'un groupe qui, hélas, peine à convaincre sur album. Le festival touche presque à sa fin.

Trivium (92)

Pendant que Septic Flesh produit un spectacle pathétique, nous préférons nous diriger vers la chaleur d'un bon concert de heavy-rock à l'ancienne. Les Britanniques d'Orange Goblin proposent une prestation haute en couleurs. Le groupe de Ben Ward et de Joe Hoare est généreux. Il donne au delà de ce qu'on peut espérer. C'est fou, dingue et purement rock'n'roll. Les morceaux, à l'image du terrible « The devil's whip », sont d'une coolitude absolue et envoient du bois. Rajoutez à cela une bonne attitude et des riffs « killer » et le bonheur est complet. Le public a assisté au concert le plus enthousiasmant de la journée. Il n'en demande pas plus et ressort, prêt à en découdre avec Opeth…

Orange Goblin (1)

Depuis l'excellent Heritage, Opeth s'est pris une volée de bois vert. Au mieux, le groupe s'est fait traiter de hippie ; au pire, les « fans » obtus sont restés bloqués sur les années où le groupe révolutionnait le death metal. Cependant, certains pensent, comme votre serviteur, que Mikael Åkerfeldt a eu le courage d'assumer un radical changement de direction musicale… Et de s'en tirer avec talent. Mais ses prestations divisent toujours autant. Avec cette set-list piochant pour moitié dans Heritage et Pale Communion, Opeth a encore occasionné de vifs débats à l'issue de ce dernier concert. Pourtant, nous avons assisté à un remarquable tour de force de la part des Suédois. Paisibles mais déterminés, ces fiers musiciens ont combiné technique et émotion. L'interprétation est sans défaut, ré haussant la profondeur des compos de Pale Communion ; elle confirme aussi la qualité de « The devil's orchard » et de ses fabuleux « God is dead ». Le groupe touche au sublime. Par bonheur, il ne renie pas son glorieux passé. « The drapery falls », « The grand conjuration » et « Delivrance » sont joués avec conviction. Cette rencontre musicale entre deux époques nous prouve qu'Opeth reste un grand groupe.

Opeth (40)

Le festival se termine donc sur une note positive. Si tout n'a pas été parfait (mais quel festival peut se targuer de l'être), le Motocultor nous a offert une affiche imparable. Judicieuse et aventureuse, la programmation nous a permis de découvrir de jeunes espoirs (Verbal Razors, Mars Red Sky, Dopethrone) et de remarquer que les grosses têtes d'affiches (Carcass, Opeth, Sepultura) n'ont pas usurpé leur statut de valeurs sûres. Nous attendons maintenant avec impatience les annonces concernant le Motocultor 2016. Édition qui devra faire le plein pour que ce festival indispensable continue de nous proposer une ambiance unique.

Nico.

Toutes les photos du Motocultor 2015 sont ici.