oshy_14072015_OrakJ’en vois déjà crier au scandale face à une musique élitiste et absconse en voyant arriver ce nouvel album des parisiens d’ORAKLE. Comme quoi la connerie n’a pas vraiment de limite si essayer d’être un peu plus subtil et fin que 75% de la production contemporaine devient une tare. Car effectivement, nos compatriotes ont une conception assez tranchée de leur musique et n’hésitent pas à mettre tout leur cœur dans un prog métal extrême exigeant et toute leur tête dans des paroles recherchées, emplies d’une certaine profondeur. Eclats s’avère être le troisième opus du groupe qui avait un peu disparu de nos radars depuis la publication de Tourments & Perdition (en 2008 et Holy Records) et Uni aux cimes (en 2005 chez Melancholia Records). Après sept ans de silence, les voici de retour au sein de l’écurie d’Apathia Records.

Cet album aura nécessité, de la bouche même de ses auteurs, près de cinq années de travail afin de peaufiner les chansons et mener à bien toutes les expérimentations prévues. Car oui, en sept ans, bien de l’eau a coulé sous les ponts, le groupe a gagné en maturité et en bouteille sans renier le passé. Les marques de fabrique d’ORAKLE restent bien présentes et les fans auront plaisir à retrouver quelques clins d’œil au passé (le début « d’Incomplétudes »). Cependant, le black métal épique et sophistiqué des débuts a subit une grosse mutation au profit d’une approche plus atmosphérique et accessible. Le chant se veut plus varié, clair et hurlé, les rythmiques délaissent les blast-beats pour des structures plus imbriquées, surprenantes. Chaque chanson ouvre de nombreuses portes en même temps et il faudra une certaine dose de courage et d’ouverture d’esprit pour percer tous les mystères d’Eclats. ORAKLE a clairement pris une orientation expérimentale et fait voler en éclats tous les cadres habituels. Ils jouent des dissonances, prennent un malin plaisir à désorienter l’auditeur à travers des structures particulièrement tortueuses. Finalement, les défenseurs de la vague djent à la PERIPHERY devrait trouver ici de quoi se satisfaire.

Eclats contient deux pièces de résistance sous la forme de composition plus longues que sont « LE sens de la Terre » et « Humanisme vulgaire ». En chaque fois plus de dix minutes, les franciliens déploient sous nos yeux une tapisserie d’une grande richesse mais encore une fois d’une belle complexité. Nous sommes lâchés sans boue dans un maelstrom touffu fait d’arabesques mélodiques imbriquées au possible. Peureux s’abstenir car le voyage risque d’en laisser plus d’un sur le carreau. Ce n’est qu’après plusieurs écoutes qu’un schéma général transparait en filigrane. Cela se veut ténu et seuls les plus courageux seront récompensés. ORAKLE n’a encore pas choisi la facilité et ne peut s’adresser qu’à une petite niche de fans téméraires au sein du public métal. Votre serviteur continue de s’interroger et l’écoute d’Eclats ouvre plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

Terminons enfin cette chronique en soulignant la beauté simple de la pochette du disque. Cette sculpture signée de l’artiste français Robert Le Lagadec s’avère être tout simplement superbe et interroge chacun de nous sur notre identité et notre place dans ce monde. Il s’agit d’un magnifique écrin pour un album déroutant.

Oshyrya (07/10)

 

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Apathia Records / 2015

Tracklist (59:53 mn) 01. Solipse 02. Incomplétude(s) 03. Nihil incognitum 04. Apophase 05. Le sens de la terre 06. Aux éclats 07. Bouffon existentiel 08. Humanisme vulgaire