Aujourd’hui je vais vous parler d’un groupe qui bénéficie d’une bonne réputation au près des connaisseurs et activistes de la scène Pagan Folk Black Metal. Il s’agit de Darkestrah qui est en activité depuis 1999  avec une discographie déjà bien fournie, visez un peu : deux démos Pagan Black Act (1999) et Through the Ashes of the Shamanic Flames (2000) ainsi que cinq albums Sary Oy (2004), Embrace of Memory (2005), Epos (2007), The Great Silk Road (2008) et Манас (2013) mais également deux EP The Way to Paganism (2005) et Khagan (2011). Chose assez rare pour ce mouvement on note également la parution d’un album live Everything Becomes Fire l’année dernière. Je ne connais pas la musique de Darkestrah mais comme je le stipule plus haut, j’en ai souvent entendu parler et c’était le plus généralement en bien. 

C’est donc pour moi un baptême du feu et je découvre l’univers de Darkestrah avec Turan, le sixième album studio sorti au mois d’avril de manière indépendante via Bandcamp ( il est d’ailleurs en écoute intégrale tout comme le reste de la discographie du groupe ici) pour ce qui est de sa version digitale et par le biais du vénérable Osmose Productions pour ce qui est des versions cd et vinyle.  Bien qu’actuellement installé et opérant d’Allemagne, Darkestrah est une formation originaire de Kirghizie (République kirghize ou Kirghizistan). Le Kirghizistan est un pays d’Asie centrale (ancienne république de l'URSS), bordé au nord par le Kazakhstan, à l'est par la Chine, au sud par la Chine et le Tadjikistan et à l'ouest par l'Ouzbékistan. Le noyau dur de Darkestrah reste kirghize puisque il est constitué du claviériste, guitariste Resurgemus ainsi que du batteur et percussionniste Asbath (qui joue aussi de nombreux instruments folkloriques sur les albums de Darkestrah). Le line-up de ce sixième album studio est complété par le bassiste Cerritus un russe également auteur des textes de Turan, du guitariste allemand Ragnar qui est depuis peu remplacé par une compatriote Scythe et enfin du chanteur Merkith également allemand. On peut aussi citer les participations au violon du kirghize Sharthar (faisant partie du line-up de Darkestrah par le passé) et à la mandoline d’une allemande Särä

L’artwork et le coverart sont bien sympa ! Tout a été dessiné et agencé par un libyen Essam Bouder qui a effectué un bon travail : très professionnel ! La partie son de Turan a aussi bénéficié d'un traitement très professionnel avec un confort d’écoute surprenant pour le genre pratiqué, le tout en gardant un cachet abrasif et raw. Je tiens à saluer le travail de Andy Schmidt alias Vurtox musicien et chanteur de Disillusion une formation de Meodic Death / Prog Metal allemande (Facebook ici). Il s’est occupé de l’enregistrement, du mixage et du mastering au ECHOLUX Studio à Leipzig (site ici). Du bel ouvrage et un atout majeur de cet album puisque la couverture sonore est très ample couvrant autant les larges pans atmosphériques et folkloriques acoustiques de la musique de Darkestrah que ses accentuations purement Black Metal sans que l’un ne se développe au détriment des deux autres. Le rendu de la production est vraiment équilibré, homogène en restant percutante à un point que votre serviteur va dès à présent s’intéresser de plus près aux autres travaux de Andy Schmidt en matière de productions !

Musicalement Darkestrah pratique un Pagan/Folk Black Metal toujours rythmiquement varié et qui s’étale sur de longues compositions oscillant entre sept et dix minutes. Il arrive parfois qu’il s’attarde en terres Black Metal Atmospherique avec des nappes de clavier s’accaparant l’espace sonore et du mid-tempo comme c’est le cas sur le langoureux « Bird of Prey » avec sa magnifique fin sur des envolées de violons. Mais globalement la couleur prédominante reste ce Black Metal racé et volubile où règne une forte ambiance shamanique et rituelle. Pour ce faire il agrémente ses compositions de divers instrumentations folkloriques avec des violons, des mandolines mais également dans une démarche rituelle avec l’apport de multiples percussions et de temir-komuz (guimbarde kirghize). On peut même dire que l’aspect purement « shamanique » complète à merveille les tempêtueuses bourrasques Black Metal pour un résultat des plus epic comme sur les réussis « One with the Grey Spirit », « Erlik-Khan », « The Hidden Light » ou « Gleaming Madness ». Trois compositions où on remarque même l’utilisation de chants narrés et de chants diphoniques (vous savez ce type de chant harmonique qui utilise une technique vocale ancestrale permettant à une personne de produire un timbre vocal caractérisé par deux notes de fréquences différentes, on en retrouve chez les peuples d’Asie central comme les Mongoles, Touvains, Khakasses, Bachkirs ou Altaïens). Turan tout du long est vraiment super bien balancé, on comprend d’ailleurs l’importance du rôle des rythmiques et de la batterie de Asbath qui n’ont de cesse que de rebondir en allant même de façon bien belliqueuse sur des blastbeats opportunistes et utilisés avec science ! Côté chant, certains habitués du groupe pourront regretter les vocaux féminins Black Metal de Kriegtalith qui occupait le poste de chanteuse de Darkestrah de 1999 à 2014 mais pour ma part je trouve la prestation de Merkith tout à fait convaincante avec un chant plein de conviction et de véhémence !

On tient au final avec Turan un très bon album de Pagan Folk Black Metal carré et maîtrisé de A à Z. C’est bien simple là où je trouve qu’un album comme la dernière réalisation de Himinbjorg (voir ce que je disais à propos dans ma chronique ici) avait tendance à se vautrer un peu dans l’exercice d’un Pagan Black Metal vindicatif et contemplatif, ici Darkestrah remplit le cahier des charges haut la main ! Cerise sur le gâteau, Darkestrah nous apporte un souffle d’air vivifiant de leurs montagnes du Kirghizistan  pour un dépaysement garanti ! Moi je dis bravos !

FalculA (8/10)


Facbook Officiel
Bandcamp Officiel(toute la discographie de Darkestrah est en streaming ici)
Site Officiel


Osmose Productions / 2016
Tracklist (52:24) :1. One with the Grey Spirit 2. Erlik-Khan 3. Conversions of the Seer 4.    Gleaming Madness 5. Bird of Prey 6. The Hidden Light.