J’ai découvert Machine Head avec le clip de « From This Day ». Vous vous souvenez, Dave McClain et sa teinture léopard, Robb Flynn en jumpsuit et avec une coiffure de virus du SIDA… Le premier album du diptyque Nu Metal, principale cause de descente d’organes chez les fans inconditionnels de Burn My Eyes. Puis il y a eu Supercharger, LA galette qui m’a définitivement scotché, qui a propulsé la bande à Robb au sommet de mes groupes préférés de l’époque. Et paf, le doigt dans l’engrenage, la découverte tardive des premiers méfaits du groupe, puis Through The Ashes of Empires en guise de retour à du « vrai » Machine Head, une belle ascension sur quelques albums avant la déconvenue Bloodstone And Diamonds. Machine Head était tombé bien bas. Le groupe allait-il trouver les ressources nécessaires pour taper du pied au fond de la piscine et revenir à la surface ?

J’ai rarement été aussi déçu par un groupe. Vraiment. J’ai beau me raccrocher à un riff ou une mélodie ici et là, j’ai du mal à concevoir que cet album est bel et bien une galette de Machine Head. Enfin, si, c’est une galette de Machine Head, mais en mode « concentré de tout ce que nous avons fait de pire » agrémenté de quelques pincées de fausses bonnes idées. En quinze titres et plus de 70 minutes, Robb a su cristalliser tout ce qui polarisait les fans du groupe : morceaux trop longs et peu inspirés, bouffées de Nu Metal avec chant rappé (putain Robb, on est en deux mil putain de 18, t’es pas Jon Davis, tu ne sais pas pondre du Nu Metal encore pertinent… pour autant que le Nu Metal soit encore pertinent), poussées geignardes, grognements pseudo-menaçants (comme sur « Trephination », mais avec quelques balais en plus et beaucoup moins de conviction).

You’re gonna watch me crumble

Robb, tu crois pas si bien dire. Je peux compter sur les doigts d’une main de Hollandais victime d’un accident de feu d’artifice le nombre de morceaux dignes d’intérêt. Et encore, quand je dis « digne d’intérêt », je ne parle même pas d’un morceau entier, mais plutôt de bonnes idées qui auraient mérité d’être utilisées différemment. « Volatile », par exemple. Si on fait abstraction des trois premiers mots des lyrics, cet opener tient la route… jusqu’au refrain ou Robb beugle comme un veau qui se serait coincé les couilles dans une porte d’étable. Ou « Kaleidoscope » après son entrée en matière sur fond de claquements de mains… Ca tient presque la route, malgré le refrain pas forcément mémorable et l’ajout de violons (nan, mais c’est une manie, ces putains de violons). Le reste est un naufrage, avec un frontman quinqua qui balance des « fuck the world » et des « middle fingers in the air » comme un ado attardé. C’était déjà ridicule à la fin des nineties, ça en devient clairement pathétique.

Vous me direz que je suis dur, qu’il faut être ouvert d’esprit, qu’il faut respecter l’audace d’un groupe qui ose se remettre en question, explorer de nouvelles voies… Et je respecte cette orientation. Je respecte cette volonté de Machine Head de ne pas s’enfermer dans un carcan rigide. Mais par cette audace, le groupe expose le flanc aux critiques, et il doit à son tour accepter que tout le monde ne se secoue pas la verge jusqu’à l’explosion séminale à l’écoute de cet album médiocre. Oui, cet album est médiocre. Entre un « Beyond The Pale » et sa resucée du riff d’entrée de « Love ? » de SYL, un « Bastards » qui ajoute une touche celtic punk improbable et mal maîtrisée à l’album, un « Triple Beam » qui pue la B-side coupée au montage de Supercharger et l’obligatoire intermède « larme à l’œil » – malheureusement bien pauvre – sur l’enchainement « Behind A Mask » – « Heavy Lies The Crown » (et je ne soufflerai même pas un mot sur les purges que sont « Eulogy » et « California Bleeding »), il n’y a pas grand-chose à sauver.

Il y a quelques années déjà, j’avais évoqué la théorie des diptyques Machine Head. Burn My Eyes – The More Things Change formaient la première paire, deux bonnes baffes dans la gueule. Puis The Burning Red et Supercharger, le duo Néo. Ensuite TTAOE et The Blackening, le retour en force. Unto The Locust et Bloodstones & Diamonds formaient, selon moi, le diptyque « grandeur et décadence ». Si ma théorie se vérifie, Catharsis est le premier volet d’une douloureuse période de disette pour les fans du groupe.  Rendez-vous dans quelques années pour vérifier si cette théorie tient la route. Pour autant que le groupe parvienne encore à nous convaincre de jeter une oreille à leurs prochains méfaits.

Mister Patate (Smash All Your Sacred Cows/10)

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Nuclear Blast Records / 2018
Tracklist (74:17) 1. Volatile 2. Catharsis 3. Beyond the Pale 4. California 5. Triple Beam 6. Kaleidoscope 7. Bastards 8. Hope Begets Hope 9. Screaming at the Sun 10. Behind a Mask 11. Heavy Lies the Crown 12. Psychotic 13. Grind You Down 14. Razorblade Smile 15. Eulogy