Ecrire que cet album était attendu de pied ferme par des hordes de fans relève de l’euphémisme ou de la lapalissade. Dix années de silence discographique aiguisent forcément les appétits et suscitent une attente folle. Liebe ist für alle da avait fait des merveilles en 2009 et les tournées assurées dans la foulée avaient fini de convaincre même les plus récalcitrants. Le sextet allait-il encore une fois tout brûler sur son passage comme le suggère cette pochette épurée ?

Une entrée en matière idéale

Histoire de frapper très fort et de rassurer immédiatement, ce septième opus éponyme s’ouvre sur le meilleur titre du disque, un «Deutschland» absolument irrésistible de puissance et de séduction. RAMMSTEIN fixe d’emblée la barre très haut et ne peut que conquérir les cœurs et les âmes. Cette composition est extraordinaire, ultra accrocheuse et fédératrice. Le groupe s’interroge et questionne son identité allemande, son rapport avec un passé à la fois glorieux et honteux. Ajoutez à cela un clip extrêmement impressionnant et vous obtenez un départ rêvé.

« Radio », le second single se présente rapidement à nous. Moins fulgurant que la chanson précédente, nous sommes là en terrain connu avec un RAMMSTEIN très classique: grosse rythmique, ligne de claviers séduisante et refrain facilement mémorisable. Notons une petite ressemblance ici et là avec un «Kein Lust » extrait de Reise Reise. «Zeig Dich» suscite à nouveau une certaine excitation avec des chœurs, une ligne de basse omniprésente et ligne de chant efficace. Et puis les amoureux de la langue de Goethe pourront agréablement réviser les verbes commençant par le préfixe –ver. Plus sérieusement, les allemands semblent vouloir souligner, à travers cette chanson, l’hypocrisie de l’Eglise et les scandales sexuels à répétition. « Ausländer » clôt le premier tiers de cet album sur un ton presque guilleret et dansant. Difficile de résister à cette chanson légère en apparence mais plus sérieuse en réalité compte tenu des débats qui agitent la société allemande contemporaine.

Une suite plus classique

Passons rapidement sur un «Sex» très sage, le sextet ne s’est pas trop foulé et livre une marchandise déjà entendue, pour nous arrêter un instant sur un « Puppe » particulièrement éprouvant. Impossible de ne pas ressentir un profond malaise à l’écoute de cette composition poisseuse musicalement et sémantiquement parlant. La mélodie va vous prendre à la gorge et vous faire lentement suffoquer. Il faut avoir le cœur solide pour ne pas frissonner face à cette ligne mélodique lancinante et le chant possédé de Lindemann sur le refrain. L’horreur de la situation transpire et les paroles claquent. Amis dépressifs passez votre chemin.

L’humeur de l’auditeur ne risque pas de vraiment s’arranger car l’album rentre alors dans un ventre mou qui peine à susciter le moindre enthousiasme. «Was Ich Liebe» et «Diamant» sonnent assez quelconques, passe-partout et sans bravoure particulière. L’approche très typée krautrock d’un «Weit Weg» apporte une variété et une fraîcheur bienvenues. Dommage que les allemands soient restés sur un rythme mid-tempo car nous aurions eu besoin de plus de vitesse pour nous sortir de la torpeur. «Tattoo» va se charger de nous réveiller avec un son martial et indus très proche du style déployé sur les deux premiers opus du groupe. Enfin «Hallomann» se charge finir le travail sans feu d’artifice ni fanfare. C’est dommage mais nous sommes habitués, RAMMSTEIN a rarement su bien terminer ses disques.

Bilan mi-figue mi-raisin

Alors bonne cuvée 2019 ? La réponse se doit d’être assez contrastée. L’excellence côtoie ici le très moyen. Les allemands possèdent assez de talent et d’expérience pour faire le boulot et livrer une marchandise plus que correcte mais après un premier tiers flamboyant et digne d’éloges, la lassitude s’empare progressivement de l’auditeur. Il faut le côté dérangeant «Puppe» où la surprenante touche électro old-school de «Weit Weg» pour rallumer la lumière. Le sentiment de déjà entendu et une certaine indifférence prédominent sur la moitié des chansons. Ce constat s’avère rageant après une décennie d’attente.

RAMMSTEIN semble être tombé dans la facilité après avoir tout donné dans un «Deutschland» ébouriffant. Dans la discographie du groupe, ce disque se place, avec Rosenrot, dans la catégorie des albums mineurs et ne peut rivaliser avec Mutter ou Reise Reise. Cependant, les allemands n’ont peut-être pas dit leur dernier mot avec les tournées à venir. Qui sait, certaines de ces chansons un peu fades sur disque vont réussir à prendre une nouvelle dimension une fois transposées sur scène ? Ihr werdet schon sehen.

Oshyrya (07/10)

 

Site Officiel
Facebook Officiel

 

Universal Music / 2019
Tracklist (46:25 mn) 01 Deutschland 02. Radio 03. Zeig Dich 04. Ausländer 05. Sex 06. Puppe 07. Was Ich Liebe 08. Diamant 09. Weit Weg 10. Tattoo 11. Hallomann