Nearly Dead Metal
Posted by Mister PatateOct 9
Avant-hier, AC/DC a décidé de faire monter la pression, en dévoilant au monde des extraits de son futur album programmé pour la fin d’année. J’entends déjà les réactions unanimes dignes d’un épisode des Bisounours. Et ça me fout la gerbe.
Wow, directement les grands mots, Patate, tu penses pas que tu exagères un peu ?
Non, absolument pas. Et cette nouvelle relative à AC/DC est à replacer dans un contexte plus large, une tendance qui gangrène le Metal depuis maintenant quelques années et qui, en quelque sorte, en dit long sur la santé du Metal. Cette tendance, c’est celle du comeback, des groupes qui ne savent pas dire stop. Prenez Motörhead, par exemple. Avec une régularité d’horloge suisse, le groupe a aligné les sorties, grossissant petit à petit une discographie déjà bien fournie… Mais quelle est la valeur ajoutée de ces dernières sorties ? En live, on verse même dans le pathétique, avec un Lemmy qui tient à peine debout… et ce constat s’applique aussi à d’autres grands (qui a dit Ozzy ?).
Dans un certain sens, les Metallica, Iron Maiden, Slayer et autres Black Sabbath sont indispensables dans notre monde, ils sont nos « ambassadeurs »… mais si nous étions honnêtes, ne devrions-nous pas reconnaître que leur âge d’or est loin derrière nous ? À quelques rares exceptions près, chaque comeback annoncé à grand fracas s’est soldé par un (semi-)échec, car ces groupes n’ont simplement plus le feu sacré. Le dernier Black Sabbath ? Je me demande encore comment il a pu finir premier de notre classement des meilleurs albums de l’année dernière. At The Gates ? Correct si on le considère isolément, plutôt moyen si on le compare à ses illustres prédécesseurs. Bloodbath ? Le premier extrait avec Nick Holmes au chant m’a plus que refroidi. Loudblast ? Putain, Stéphane, t’avais pas suffisamment de taf en studio ? Dans le cas d’AC/DC, on touche le fond, avec un membre frappé par la démence et poussé vers la maison de retraite… Tous ces groupes écorchent leur mythe, pour la bonne et simple raison qu’ils ne savent pas s’arrêter. « Être et avoir été », comme dirait l’autre… Et mis à part Bolt Thrower qui s’obstine à tourner de temps en temps tout en capitalisant sur ses acquis (Those Once Loyal remonte à quoi… 2005 ?), aucun groupe ne semble à l’abri de ce retour en pétard mouillé, de cet album de trop…
J’en entends déjà quelques-uns dire « Ouais, mais c’est ça le Metal, vieux, jusqu’à la mort ! ». On achève bien les chevaux. J’ai mal au cœur quand je vois Lemmy sur scène, triste parodie du frontman légendaire qu’il était. Je grince des dents quand Slayer joue en live avec l’entrain d’un fonctionnaire communal. Je ris jaune quand Ozzy aligne ses « I can’t fucking hear you » comme une mamy qui aurait perdu son appareil auditif. Ces groupes sont morts et vivent sur leurs acquis, alimentant au passage leur label trop heureux d’avoir une vache à lait aussi intéressante pour se mettre à la recherche de la relève. Dans une industrie de la musique en plein déclin, le rôle principal de ces groupes n’est plus de faire rêver les fans : ils sont une assurance-vie pour leur maison de disques (la preuve : Ozzy, dans l’annonce du prochain album de Black Sabbath, le dit lui-même : « the record company needs a record »). Promo minimale, return on invest maximal. Vous vous souvenez de la dernière fois où Nuclear Blast vous a fait rêver avec un nouveau groupe, de la dernière fois où un label majeur a pris le risque de signer un groupe de Metal inconnu qui vous en a mis plein la gueule ? Presque tous les labels (grands et moins grands) ont leur vache à lait qu’ils flattent exagérément, qu’ils nous survendent… Prenez Slayer qui vient de signer chez Nuclear Blast : Slayer, de par sa renommée, n’a pas besoin de Nuclear Blast. Nuclear Blast, par contre, a fait la bonne affaire en attirant dans ses filets un groupe dont le seul nom suffit pour faire ouvrir son portefeuille au fan de base. Auparavant dénicheurs de talents, ces structures sont devenues des machines qui ne regardent plus à la qualité, mais plutôt à l’argent qu’elles pourront engranger, entre effets de mode éphémères et poules aux œufs d’or. Et le Metalleux moyen est encore assez con pour tomber dans le panneau…
Et pendant ce temps-là, la relève végète dans l’ombre de ces géants. Des dizaines de groupes prometteurs, qui ont peut-être l’étoffe des futurs grands du genre, restent sur le carreau. Les grands occupent le devant de la scène dans une mascarade parodique, et le fan passe malgré tout à la caisse. Vous trouvez que j’exagère ? Vous avez vu les têtes d’affiche du Hellfest de ces dernières années ? Toujours les mêmes grands classiques, toujours ces vaches sacrées. Et quand tous ces mastodontes disparaîtront, que restera-t-il ? Pas grand-chose, et la transition sera rude.
Au final, quand Devin Townsend annonce que « SYL ne reviendra pas. Et plus vous le demanderez, moins il y aura de chances que j’envisage ce comeback », je suis presque heureux. Et pourtant, Dieu sait que je rêve de voir SYL, ne fût-ce qu’en live. Devin Townsend a su mettre à mort un de ses projets, et au final, malgré la tristesse de la disparition du groupe, le monde du Metal a poursuivi sa route. Notre monde n’a plus besoin des AC/DC, Motörhead, Iron Maiden, Metallica, Slayer, At The Gates et consorts. La relève est là. Il suffit de lui donner sa chance, de lui faire confiance et laisser nos idoles prendre une retraite bien méritée, plutôt que de prétendre qu’ils sont toujours aussi fringants que par le passé. Aucun maquillage ne pourra dissimuler leurs rides, aucun studio ne pourra masquer leur affaiblissement…
(vous noterez l'ironie de choisir un morceau de Death pour illustrer cet article, juste après l'annonce d'une nouvelle tournée européenne de Death To All, la tournée « hommage-oeuvre de charité » qui prend de plus en plus des relents mercantilistes…)
4 comments
Commentaire by Hamster Forever on 10/10/2014 at 10:07
Tu touches à quelque chose d'un peu irrationnel pour les fans, enfin c'est le sentiment que ça me donne. On touche pas à des groupes mythiques qu'on a connus dans sa jeunesse, tant pis s'ils ne sont plus que l'ombre d'eux mêmes. Les seuls qui ont une vision rationnelle de tout cela ce sont les maisons de disques, tourneurs qui s'en tiennent à une démarche comptable. Et tant que le pognon rentre, ils jouent la gagne. L'intérêt artistique c'est très relatif. Et puis c'est la légende coco. Et personne n'y échappe, suffit de voir comme on étaient comme des gosses avec Obibuary en concert alors que le groupe n'a pas sorti un album qui dépote depuis un bail. Quelque soit le genre, on est confronté à ça. Mais bon nous on on se soigne avec tous ces groupes qu'on écoute, si les amateurs de décibels pouvaient être plus curieux…
Commentaire by misterpatate on 10/10/2014 at 13:00
Pour Obituary : 1. C’était un set purement old school et 2. j’étais bourré comme un coing, pas étonnant que tout me semblait génial
Commentaire by Michel on 11/10/2014 at 13:28
1 : AC/DC, Metallica, Sab’ et consorts ont le droit de continuer à faire leur musique, ils ne savent faire que ça, et ce n’est plus une question de blé arrivé à leur niveau. Du moins, pas uniquement… Même Loudblast, qui gagne peut être à peine de quoi remplir son quota d’heure intermittence… Personne ne nous oblige à aller les voir ou à acheter leurs disques. Pire, il y a même des gens à qui ça fait plaisir.
2 : c’est le boulot du chroniqueur de défricher. Les maisons de disques ne le faisant plus, Internet est là, à lui de se bouger le cul plutôt que de se plaindre.
Si la relève est là, à vous de la mettre en avant, on peut facilement écouter de la musique pour pas cher de nos jours. Et donc découvrir des groupes !
Commentaire by Hamster Forever on 11/10/2014 at 17:45
1. Bien sûr que les dinosaures ont le droit de résister plus ou moins bien à l’extinction. Si la question du blé devient accessoire pour les groupes concernés, cet aspect ne l’est jamais pour l’industrie du disque. Labels, promoteurs, tourneurs, eux ne l’entendent pas ainsi et font tout pour que la poule aux oeufs d’or persiste. Et comme tu le dit il se trouve encore un large public pour suivre. On aimerait juste que le public qui possède internet comme nous fasse preuve d’un poil plus de curiosité.
2. C’est tout à fait vrai. C’est notre boulot de défricher comme tu le dit. Et d’ailleurs je prends plus de plaisir a découvrir de nouveaux groupes qu’à écouter un exercice convenu d’une vieille gloire. On peut tout de même déplorer le fait que les labels au fil de la crise de la profession ne sont pas revenus aux fondamentaux et ne prennent pas le moindre risque à découvrir eux mêmes de nouveaux groupes. Pour autant nous nous ferons le plaisir de mettre en avant des groupes dès lors que leurs efforts valent plus que le silence. C’est le cas notamment pour le dernier Atroxentis qui vaut le détour.