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Annulation en Allemagne, annulation en Norvège, concert secret en France : si Peste Noire fait parler de lui aujourd’hui, ce n’est pas par la qualité de sa musique, mais uniquement en raison de remous extra-musicaux liés à sa réputation. Depuis le Ragnard Rock Festival et mon article sur la complaisance de ce festival envers une frange de son public attirée par certains groupes, je reçois régulièrement des messages d’antifas m’invitant à faire barrage face à des groupes comme Peste Noire. Je ne réponds jamais à ces messages. Parce qu’en optant pour la voie de l’annulation, des pressions envers les orgas et autres menaces à peine voilées, ils aggravent encore la situation.

Soyons clairs : je ne partage pas les avis de Famine (la personne) et de son entourage. J’ai vu le documentaire « À La Chaise-Dyable »  et plusieurs de leurs positions me hérissent le poil. Par contre, je respecte beaucoup Famine (l’artiste). Dans la scène BM actuelle, il fait partie des rares artistes qui osent. Un des rares qui sortent des sentiers battus, qui brisent les codes, qui métissent sa musique. Ses albums valent la peine d’être écoutés, bien plus que 95 % des sorties actuelles.

En poussant des orgas respectables à annuler la venue de Peste Noire, les antifas poussent ce groupe dans la clandestinité. Est-ce une bonne chose ? Non, certainement pas. Au contraire, ces rares concerts « clandestins » se transforment de facto en meetings de « personnes aux idées bien tranchées ». Dans un festival comme le Blastfest, la concentration de telles personnes aurait été réduite, et il y a fort à parier que l’orga aurait réagi vivement à tout débordement ou signe extérieur incitant notamment à la violence. Pareil en Allemagne. Là-bas, un « simple » salut nazi fait l’objet de poursuites (ça peut monter jusqu’à 3 ans de prison). Plutôt que d’exposer le problème, ces annulations et ces pressions le dissimulent. Parce qu’en fait, le problème n’est pas vraiment Peste Noire, mais une partie de son public. « Pour vivre heureux, vivons cachés » : en étant poussés dans la clandestinité, ce public est libre de faire ce qu’il veut. Est-ce souhaitable ? Certainement pas. Rendre le problème invisible ne le résout pas, au contraire.

KPN flirte avec les limites. Mais ce n'est pas en plaçant le groupe dans la posture de la victime que la "Lumière" va triompher. Parce que les petits procureurs antifascistes ne sont pas des phares de la pensée. On peut aussi faire appel à l'intelligence de ses auditoires. Si quelques crânes rasés ne sont pas dupes. Les autres non plus.

Après l’édition de l’année passée et la controverse Nokturnal Mortum (un de ces groupes pour lesquels il est difficile de faire la part des choses entre génie musical et idéologie douteuse qui évolue sur un terrain bien glissant avec plein de marques de bottes dessus), le Ragnard Rock Festival se retrouve à nouveau au centre d’une polémique – XXL cette fois – en raison de la présence sur son affiche de plusieurs groupes aux idées tranchées. Je dis « tranchées » pour ne pas brusquer le public sensible de ce festival. Alors que bon, dans le tas, y’a quand même Naer Mataron, dont un des membres fait partie de l’Aube Dorée. Un fasciste de merde, donc

UN FASCISTE DE MERDE

Et l’orga se la joue apolitique, « nous, c’est la musique qui compte blabla », « aucune idéologie, blabla » et lave plus blanc que blanc (forcément, vu le public). Mais bon, à une époque où un seul artiste (Philou, pour ceux qui ne suivent pas) a réussi à déclencher une tempête de merde avec un White Power aviné, il était pour ainsi dire acquis que le RRF ferait des vagues avec des groupes comme Graveland à l’affiche.

On me dira : « oui, Patate, mais bon, il faut savoir faire la part des choses entre la musique et l’idéologie ». Et c’est vrai. Par exemple, j’apprécie beaucoup la musique de Nokturnal Mortum. Je ne m’en cache pas, et je suis persuadé que bon nombre de personnes qui se rendront au Ragnard Rock Festival seront là pour la musique. Et uniquement pour la musique. Enfin, non, ils seront aussi là pour picoler et montrer aux filles qu’ils ne portent rien sous leur kilt. Les beaufs.

Mais (et ça, on ne peut pas le nier non plus), le Ragnard Rock Festival risque aussi d’être un aimant à connards extrémistes, un gros caca bien brun autour duquel gravitera une nuée de mouches. Et la question qui me turlupine le plus est : l’orga aura-t-elle les couilles de ramener gentiment mais fermement ces connards vers la sortie ? La sécu veillera-t-elle à ce que ce festival soit une fête de la musique et de la fraternité métallique (oui, j’ai écrit ça, et mes doigts picotent déjà d’avoir utilisé ces deux mots d’une mièvrerie absolue, mais à en croire pas mal de monde, c’est bien ça, l’esprit des fests) ? Après avoir lu quelques témoignages de l’année passée, j’ai déjà quelques doutes. Le RRF n’en est pas à son coup d’essai. Voir des zines supporter inconditionnellement ce festival me turlupine un peu.

Comme je le disais au sujet de Phil Anselmo « ce qui me gêne le plus, c’est ce raz-de-marée de personnes qui prennent la défense de Phil, qui banalisent ces propos (même s’ils n’étaient pas pensés et, je le répète, j’accorde le bénéfice du doute), une marée humaine face à quelques-uns qui ouvrent leur gueule pour dénoncer cette banalisation du racisme, cet « humour » qui n’en est pas et une écrasante majorité de gens qui ferment leur gueule. Je suis moins dérangé par l’auteur du geste que par cette foule silencieuse qui ne lève pas le doigt et s’en fout royalement ». On assiste exactement au même phénomène, sans la moindre remise en question.

Au Ragnard Rock Festival, tout n’est pas noir, tout n’est pas blanc, mais nier l’existence d’un problème en se retranchant derrière des arguments naïfs n’est pas une solution. Si l’orga était honnête avec elle-même, elle reconnaîtrait que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur de ses mondes.

 

 

Pay Me, I’m an Artist

C’est grâce à Sven d’Aborted (ou à cause de Sven, je n’arrive pas à me décider) et un de ses posts sur Facebook que j’ai pris connaissance de l’initiative des Australiens de Ne Obliviscaris. Une initiative qui vise à révolutionner l’industrie de la musique. Un crowdfunding récurrent, avec mensualités et contreparties plus ou moins intéressantes en fonction du montant. Il existe même un pack à 250 boules par mois. DEUX CENTS CINQUANTE BOULES. CHAQUE MOIS. Je pense que je ne dépense même plus ce montant en achats musicaux divers et variés, tous groupes confondus. Mais nos amis les kangourous partent sincèrement du principe que quelqu’un sera prêt à leur verser 250 euros par mois… mais pour quoi, au fait ?

La raison sous-jacente de cette initiative est la décision du groupe de pouvoir se consacrer intégralement à la Musique avec un grand M, sans devoir se soucier de ces considérations futiles que sont l’argent et un travail annexe pour en gagner (parce que bon, ils sont de moins en moins nombreux, ceux qui peuvent vivre de leur musique, et c’est en grande partie à cause de nous, de l’évolution de notre comportement vis-à-vis de la musique et de sa consommation, mais c’est un autre point qui mériterait à lui seul un article). Ce sont des Artistes, pas de vulgaires tâcherons réduits à devoir travailler comme le vulgum pecus et à y mettre de leur poche pour concrétiser leurs projets. À l’instar d’un Wintersun, Ne Obliviscaris donne l’impression d’un groupe avançant des arguments certes compréhensibles pour justifier leur décision, mais aussi détachés de la réalité. Certains y voient un nouveau type de mécénat ; d’autres, une nouvelle forme de mendicité.

J’ai un peu de mal à me positionner face à ce phénomène. J’ai déjà participé à des projets de crowdfunding, parce que le projet m’intéressait, parce qu’il permettait de concrétiser un objectif précis (un nouvel album, par exemple), parce que le groupe avait décidé de s’affranchir de tout label, de tout intermédiaire… Ici, ce n’est pas le cas. Aux dernières nouvelles, les Aussies sont toujours bien au chaud chez les Phocéens de Season Of Mist, et cette nouvelle forme de financement vient s’ajouter à leurs « revenus » actuels (difficiles à estimer). Comment cet argent sera-t-il concrètement utilisé ? N’y a-t-il pas un risque d’utilisation abusive au vu de la description somme toute très vague du projet (parce qu’au fond, ils cherchent un financement suffisant pour ne plus devoir travailler et pour se consacrer à 100 % à leur musique, on n’est pas dans le financement d’un album comme l’a fait The Project Hate MCMXCIX à trois reprises) ? Ce confort financier est-il vraiment nécessaire, surtout lorsque l’on voit ce que d’autres groupes établis arrivent à faire malgré leur « vrai » job ? Prenez Suffocation, par exemple : Frank ne peut tourner que deux semaines par an en raison de son boulot. Le groupe s'est-il pour autant arrêté ? Non. Il fait appel à d'autres chanteurs. Depuis trois ans, c'est Ricky Myers qui aide le groupe en live. En creusant un peu, je pourrais trouver des dizaines d'exemples similaires à celui de Suffocation…

Je me souviens d’une discussion avec deux membres du groupe Red Fang qui me racontaient les conditions de tournée aux States, les salles pourries, la bouffe dégueu, les congés pris pour pouvoir partir en tournée sans la moindre certitude d’avoir toujours son job en rentrant… J’avais pris une claque dans la gueule ce jour-là. J’avais compris que le monde du Metal, ce n’était pas forcément trois semaines de fiesta en backstage avec binouzes à volonté. Et Ne Obliviscaris, aujourd’hui, me donne l’impression d’un groupe qui veut se faire payer son confort (par ses fans) sans pour autant s’affranchir de la main qui le nourrit (son label). Et je comprends tout à fait la réaction de certains artistes choqués par cette démarche.

« On peut être fan et soutenir un groupe sans pour autant lui payer tous ses caprices ».  C’est sur ces mots que j’avais fini mon article sur le crowdfunding. Ne Obliviscaris a ouvert une nouvelle porte, et d’autres groupes risquent bien de s’engouffrer dans cette voie. Une bonne idée ? Oui, pourquoi s’en priver si ça fonctionne ? L’avenir de l’industrie musicale ? Seul le temps nous le dira… Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : on aura jamais autant parlé de Ne Obliviscaris que depuis qu’ils ont lancé cette idée…
 

Addendum (09/03) : à la suite de la remarque d'un confrère qui me faisait remarquer que Ne Obliviscaris est un groupe australien et que cela implique des dépenses imcompressibles, j'ai contacté Psycroptic, un groupe dont la situation géographique est comparable et qui tourne souvent. Voici la réponse de Dave :

well, can still tour as we do things on the cheap – cheap van rental, minimal crew, cheap flights etc. It is still VERY expensive and we all still work day jobs to help pay for it. But when done smart, we can make some money from it. While Im not for or against what NeO are doing, it doesnt feel right for a band such as psycroptic to go down this path. we are hard working, and working other jobs helps us appreciate the touring side more and the effort we put in to make it happen.

Pour ceux qui ne parlent pas anglais : on arrive à toujours tourner parce qu'on fait attention à nos réponses : on loue un van pas cher, on a une équipe réduite au minimum, on prend des vols pas chers, etc. Oui, ça reste TRÈS cher, et nous avons tous un job qui nous aide à payer ses frais. Mais si on fait les choses intelligemment, on arrive tout de même à se faire un peu d'argent. Je ne suis pas pour ou contre l'initiative de NeO, mais ce serait bizarre, pour un groupe comme Psycroptic, de s'engager sur cette voie. On travaille dur, et nos jobs nous aident à encore plus apprécier les tournées et les efforts consentis pour pouvoir partir en tournée.

En bref, c'est une question de choix, de volonté. Comme le disait Airbourne, un autre groupe australien : There ain't no way but the hard way so get used to it