L’annonce de l’élaboration d’une suite au fondamental Operation Mindcrime par Queensrÿche m’avait laissé très dubitatif. Alors que le groupe, en l’absence de son principal compositeur, Chris de Garmo, peinait à trouver une inspiration correcte, notamment sur Tribe, comment pouvait-il se porter au niveau d’excellence de son œuvre majeure ? À l’écoute de cette suite si hasardeuse, il s’avérait d’emblée tentant de procéder à une comparaison systématique entre les deux disques. En effet, la comparaison – il suffit de renvoyer le titre d’ouverture « I’m American » au précédent « Revolution Calling » pour le constater – ne se révélerait que trop systématiquement désavantageuse pour ce nouvel opus, tant la première partie est considérée unanimement comme intouchable.
Même si les deux récits s’enchaînent nettement – ce nouveau disque narre la libération de Nikki et sa soif de vengeance contre le Docteur X –, il est plus prudent, pour lui rendre justice, de traiter cette suite comme musicalement indépendante de sa première partie. Et un premier constat s’impose : si le propos construit autour des impasses et des implications dramatiques de l’application du principe de vengeance s’avère très pertinent, surtout au regard des idiosyncrasies de la politique actuelle du pays de Geoff Tate, le contenu musical est, lui, moins cohérent.
En effet, Queensryche peine depuis quelque temps à maintenir un standard de qualité continu sur ses productions : touchant souvent au bon, voire à l’excellent, le groupe vacille très facilement au niveau de son inspiration et ceci parfois à l’intérieur d’un morceau même. La piètre qualité du refrain d’« I’m American », au milieu d’une chanson assez enlevée, témoigne parfaitement de ce travers. Et cela est d’autant plus fâcheux, que manifestement le groupe a beaucoup travaillé : les fines harmonisations de guitare, le travail sur les claviers (écouter le couplet transcendé de la sorte sur « Re-Arrange You ») ou l’appel à plusieurs chanteurs dont Ronnie James Dio pour le duo dramatique de « The Chase »… tout cela relève du meilleur Queensrÿche. Ce travail porte ses fruits sur un bouquet de titres réussis : citons « Hostage », « The Chase » ou le superbe « The Hands » sur lequel Tate élance sa voix presque comme jadis.
Cependant, les défaillances apparaissent vite : outre quelques refrains franchement peu inspirés (« Signs Say Go » est indigne de Tate), la fin du disque souffre d’une vraie poussivité, entraînant le décrochage de l’auditeur et ce d’autant plus que la production est loin d’égaler celle de la première partie. Un album plus ramassé, homogène et dense aurait été donc souhaitable, mais il ne pouvait alors s’agir de créer une suite au plus grand concept album de l’histoire du métal.
Sur ce dernier disque, Queensrÿche se débat donc plus que jamais au milieu de ses contradictions.
Baptiste (6/10)
Addendum : Depuis la rupture entre Geoff Tate et le reste du groupe, les membres restants du groupe ont révélé beaucoup de choses sur les conditions de composition et d’enregistrement de cet Operation Mindcrime II. Hostiles d’emblée au projet, les membres de Queensrÿche en sont quasiment absents, Wilton n’eut son mot à dire et beaucoup de parties musicales furent enregistrées par des musiciens de studio. Operation Mindcrime II doit être donc être pris comme un projet personnel de Geoff Tate épaulé par le producteur et multi-instrumentiste Jason Slater. Tout est plus clair.
Rhino / 2006
Tracklist : 1. Freiheit Ouverture 2. Convict 3. I’m American 4. One Foot In Hell 5. Hostage 6. The Hands 7. Speed Of Light 8. Signs Say Go 9. Re-Arrange You 10. The Chase 11. Murderer ? 12. Circles 13. If I Could Change It 14. An Intentional Confrontation 15. A Junkie’s Blues 16. Fear City Slide 17. All The Promises