Archive for février, 2006

L’annonce de l’élaboration d’une suite au fondamental Operation Mindcrime par Queensrÿche m’avait laissé très dubitatif. Alors que le groupe, en l’absence de son principal compositeur, Chris de Garmo, peinait à trouver une inspiration correcte, notamment sur Tribe, comment pouvait-il se porter au niveau d’excellence de son œuvre majeure ? À l’écoute de cette suite si hasardeuse, il s’avérait d’emblée tentant de procéder à une comparaison systématique entre les deux disques. En effet, la comparaison – il suffit de renvoyer le titre d’ouverture « I’m American » au précédent « Revolution Calling » pour le constater – ne se révélerait que trop systématiquement désavantageuse pour ce nouvel opus, tant la première partie est considérée unanimement comme intouchable.

Même si les deux récits s’enchaînent nettement – ce nouveau disque narre la libération de Nikki et sa soif de vengeance contre le Docteur X –, il est plus prudent, pour lui rendre justice, de traiter cette suite comme musicalement indépendante de sa première partie. Et un premier constat s’impose : si le propos construit autour des impasses et des implications dramatiques de l’application du principe de vengeance s’avère très pertinent, surtout au regard des idiosyncrasies de la politique actuelle du pays de Geoff Tate, le contenu musical est, lui, moins cohérent.

En effet, Queensryche peine depuis quelque temps à maintenir un standard de qualité continu sur ses productions : touchant souvent au bon, voire à l’excellent, le groupe vacille très facilement au niveau de son inspiration et ceci parfois à l’intérieur d’un morceau même. La piètre qualité du refrain d’« I’m American », au milieu d’une chanson assez enlevée, témoigne parfaitement de ce travers. Et cela est d’autant plus fâcheux, que manifestement le groupe a beaucoup travaillé : les fines harmonisations de guitare, le travail sur les claviers (écouter le couplet transcendé de la sorte sur « Re-Arrange You ») ou l’appel à plusieurs chanteurs dont Ronnie James Dio pour le duo dramatique de « The Chase »… tout cela relève du meilleur Queensrÿche. Ce travail porte ses fruits sur un bouquet de titres réussis : citons « Hostage », « The Chase » ou le superbe « The Hands » sur lequel Tate élance sa voix presque comme jadis.

Cependant, les défaillances apparaissent vite : outre quelques refrains franchement peu inspirés (« Signs Say Go » est indigne de Tate), la fin du disque souffre d’une vraie poussivité, entraînant le décrochage de l’auditeur et ce d’autant plus que la production est loin d’égaler celle de la première partie. Un album plus ramassé, homogène et dense aurait été donc souhaitable, mais il ne pouvait alors s’agir de créer une suite au plus grand concept album de l’histoire du métal.

Sur ce dernier disque, Queensrÿche se débat donc plus que jamais au milieu de ses contradictions.

Baptiste (6/10)

Addendum : Depuis la rupture entre Geoff Tate et le reste du groupe, les membres restants du groupe ont révélé beaucoup de choses sur les conditions de composition et d’enregistrement de cet Operation Mindcrime II. Hostiles d’emblée au projet, les membres de Queensrÿche en sont quasiment absents, Wilton n’eut son mot à dire et beaucoup de parties musicales furent enregistrées par des musiciens de studio. Operation Mindcrime II doit être donc être pris comme un projet personnel de Geoff Tate épaulé par le producteur et multi-instrumentiste Jason Slater. Tout est plus clair.

Rhino / 2006

Tracklist : 1. Freiheit Ouverture 2. Convict 3. I’m American 4. One Foot In Hell 5. Hostage 6. The Hands 7. Speed Of Light 8. Signs Say Go 9. Re-Arrange You 10. The Chase 11. Murderer ? 12. Circles 13. If I Could Change It 14. An Intentional Confrontation 15. A Junkie’s Blues 16. Fear City Slide 17. All The Promises

Datura – The Darkest Hours

Oshy_-_15052010_-_DatDepuis quelques temps, les amateurs de brutal death metal sont gâtés : Nile, Hate Eternal, Aborted, Debauchery et Devourment ont tous sorti une nouvelle galette l’année passée et 2006 n’échappe pas au carnage avec l’arrivée imminente des nouveaux méfaits de Torture Killer et de Cannibal Corpse. L’horizon semble donc bouché pour les petits groupes tentant de percer dans cette jungle hostile, mais certains sont bien armés pour faire face à cette âpre concurrence.

Datura en fait partie et nous propose, avec son Darkest Hours, une des bonnes surprises de l’année 2006. En effet, non contents de nous balancer un bon droite-gauche bien sanglant dans les dents, ces petits Français ajoutent quelques éléments permettant d’accueillir cette claque avec le sourire et d’en redemander.

Même si la recette est classique, Datura frappe juste avec des morceaux implacables et ne se limitant pas à gronder des textes gore sur fond de blast continu et de guitares, loin de là, ces petits Frenchies se permettant même d’ajouter une petite ambiance tribale sur fond de bruits d’orage à la fin de leur titre Chapter’s End ou de ralentir le jeu et se faire presque mélodique sur Wargods (même s’il ne s’agit qu’un répit de courte durée avant une nouvelle avalanche de décibels).

Mais le clou de l’album est Contemplate the Depth, intermède plus calme, courte respiration entre deux assauts à la manière de Nile, spécialiste de l’interlude annonciateur d’une nouvelle montée en puissance. La seconde moitié de l’album est à l’image de la première, violente et ne laissant aucun quartier, et se clôture magistralement sur le titre éponyme.

Malgré le bon niveau de cet album, Datura risque malheureusement de passer relativement inaperçu à cause de la sortie imminente des nouveaux albums des ténors du genre, ce qui serait dommage, tant ce groupe propose bien plus qu’une énième fournée de brutal death…

Mister Patate (07/10)

 

Deadsun Recs / Adipocère Records – 2004

Tracklist (36:36 mn) 1. Fearless 2. From Icons to Flesh 3. Chapter’s End 4. Wargods 5. Contemplate the Depth 6. Dead Works 7. Believer’s Ruin 8. Desevolution 9. The Darkest Hours…

 

Toto – Falling In Between

totofallingbetweenToto fait toujours l'actualité au Japon et dans certains pays européens, alors que son aura et sa popularité ont connu ailleurs, depuis une dizaine d'années, une chute vertigineuse. Et même si Toto connaît encore beaucoup de fans, en France par exemple, au point d'y envisager d'effectuer plusieurs dates de concert, il semble exclu que le groupe obtienne le moindre passage radio. Son choix de signer chez Frontiers, enregistrerait peut-être ce sombre constat d'avenir.

La supposition paraît plausible car le nouveau disque de Toto s'avère avoir été composé dans l'optique de satisfaire les fans, plus que dans la perspective d'un hit improbable. Cela expliquerait pourquoi on ne trouvera pas sur ce Falling In Between de chansons aptes à forcer l'indifférence des grands médias, ni morceau très marquant au sein d'une discographie impressionnante par sa qualité. Alors que Mindfields, malgré une certaine hétérogénéité, contenait quelques titres très forts et mémorables, les choses sont différentes sur ce nouvel opus. Malgré les volontés plus commerciales sur le single « Bottom Of Your Soul », sur le refrain duquel Joseph Williams fait sa réapparition, on ne trouvera jamais ici, tant du point de vue des ballades que des titres rocks, un successeur à « Hold The Line » ou « Pamela ». Et on remarquera l'absence de mélodies aussitôt accrocheuses ou de refrains mémorisables ; il s'agit d'un travers auquel Toto ne nous avait pas habitué. 

Mais si le groupe n'a pas forcé son écriture dans un sens très orienté radio, il en a gagné une quiétude artistiques qui lui permet de s'exprimer dans des eaux musicales très riches. Chacun constatera les influences plus rock et progressives que de coutume sur ce disque dont certains morceaux lorgnent vers les sept minutes : la technicité est plus démonstrative, les sonorités plus fouillées et raffinées, les jeux de voix entre Kimball, Lukather, Paich et le nouveau venu Greg Phillinganes, harmonieuses et raffinées. Lukather brille à plusieurs reprises, notamment lors du solo de « Dying On My Feet », sur un album faisant la part belle à son instrument.  

Il y a une sérénité et une limpidité musicale sur ce disque, qui nous enveloppe d'une douce langueur notamment sur les titres les plus lents : le très court « Simple Life » – qui joue le rôle d'une articulation entre les deux parties du disque – et la très belle ballade « Spiritual » en sont de parfaits exemples. Même les titres les plus furieux (« Falling In Between », heurté, syncopé et virtuose ou « Hooked »), révèlent une mâturité maintenant bien assise. 

Au fur et à mesure des écoutes, on découvre ainsi un album exigeant mais finalement très gratifiant.

Baptiste (7,5/10)

 

Frontiers / 2006

Tracklist : 1. Falling In Between 2. Dying On My Feet 3. Bottom Of Your Soul 4. King Of The World 5. Hooked 6. Simple Life 6. Taint Your World 7. Let It Go 8. Spiritual Man 9. No End In Sight