Le cap du troisième album n’est pas toujours une chose évidente pour une formation qui commence à gravir les échelons de la reconnaissance. Surtout après un nouveau remaniement de line-up (nouveau batteur et surtout nouveau chanteur). Qu’importe, Adagio a écrit un album plus que remarquable. Mais parlons tout d’abord du nouveau frontman, Gus Monsanto, brésilien et qui n’a joué que dans des formations mineures. Il a la lourde tâche de succéder à David Readman qui apportait beaucoup à l’image du groupe. Et le nouveau venu s’en tire haut la main. Adagio continue à nous proposer un metal progressif de très haute volée et avec une marque de fabrique bien à lui. Cette marque de fabrique, le quintet la puise, entre autres dans l’ajout d’éléments issues de musiques plus brutales (blast beats, voix death et black).
C’est Stephan Forté lui-même qui assure les voix gutturales et le moins que l’on puisse dire est que le résultat est convaincant. « Dominate », le morceau qui ouvre les hostilités est un exact condensé de ce qu’on va trouver sur cet album. Un prog’ metal superbement écrit, entraînant, avec un refrain imparable, des voix claires et des voix death se donnent la réplique et se superposent. Les riffs sont excellents : agressifs, mélodiques, c’est une des plus belles pièces de metal prog’ que j’ai eu l’occasion d’écouter depuis fort longtemps. Et surtout la volonté d’émancipation est affirmée avec ce break de black dans la veine de Dimmu Borgir. On ajoute à cela, des soli de guitares et de claviers magistraux.
Maintenant, on peut se demander si Stephan et sa bande ont envie de manger à tous les râteliers et essayer de rallier à sa cause les fans d’autres genres musicaux. Non en fait car ici on a droit bel et bien à un album de metal prog’ pur souche. La seule chose qui est évidente c’est qu’Adagio n’a tout simplement pas envie de se donner de limites et ainsi il agrémente sa musique d’éléments originaux pour le genre. Tout ça ne servirait pas à grand chose si l’ensemble des compostions de cet album ne tenaient pas la route. Or ce n’est pas le cas, bien au contraire.
Comme je le disais plus haut, le groupe a d’abord écrit des chansons avec des refrains pour la plupart vraiment excellents (“Fire Forever”, “Children Of The Dead Lake”, “The Darkitecht” …) et Gus Monsanto est un chanteur fabuleux possédant une palette de registres très riche et sublimant la performance du combo, il est véritablement l’homme de la situation. Musicalement, Dominate est d’une richesse impressionnante et c’est à mon avis Kevin Codfert qui se taille la part du lion car ses arrangements de claviers sont un véritable travail d’orfèvre : donnant magnifiquement la réplique à Stephan dans les soli , il brille surtout par la pertinence de ses accompagnements.
Il sait parfaitement apporter la couleur musicale adéquate (par exemple l’intro de « Dominate » ou l’intro de « R’lyeh The Dead ») ou créer la tension notamment en maniant avec maestria les dissonances (« Terror Jungle » et surtout « Children Of The Dead Lake »). Un autre régal de cet album, ce sont bien-sûr les soli. Les fans de virtuosité en auront pour leur argent même si on ne tombe jamais dans la démonstration interminable. Et surtout, que ce soit Kevin ou Stéphane, on a jamais droit à deux fois le même soli car nos deux maîtres ont en plus le don de la diversification. Il serait injuste de ne pas citer la paire rythmique époustouflante que forment Eric Le Bailly et Franck Hermany dont la basse aurait mérité d’être mixée un poil plus fort (ceux qui ont eu l’occasion de voir Adagio en concert gardent certainement comme moi un grand souvenir du solo de basse totalement hallucinant, dispo dans le DVD bonus) car ses lignes mélodiques valent vraiment le détour.
La prod’ est bien évidemment impeccable : puissante, claire et équilibrée. Alors je comprends qu’on puisse rester perplexe face à un album où on trouve du prog’ à la Symphony X auquel on ajoute des éléments de death, de black, une ballade sirupeuse (“Kissing The Cross”, peut-être le seul élément un peu plus faible de ce disque même si Gus est impeccable dans un registre très FM) du power-metal, des passages où les musiciens jouent aux équilibristes, et même une reprise bien heavy de Fame qui mériterait amplement sa place dans une des compiles des « Musiques de Paris Dernière », pourtant la seule chose que je puisse dire c’est qu’Adagio a écrit une oeuvre majeure du metal prog’ par son audace et par sa justesse.
Vik (09/10)
Replica Records / 2006
Tracklist (47:19)
1. Arcanas Tenebrae/ Dominate 2. Fire Forever 3. Terror Jungle 4. Children Of The Dead Lake 5. R'lyeh The Dead 6. The Darkitecht 7. Kissing The Crow 8. Fame