On y est presque, dans quelques semaines, le 23 juin 2009 exactement, DREAM THEATER sortira son DIXIEME album studio Black Clouds & Silver Linings. Il s'agit là d'une étape importante pour la formation américaine. J'étais très excité à l'écoute de ce disque car malgré ses nombreuses qualités j'avais été un peu déçu par le précédent opus Systematic Chaos, le groupe me paraissant être en mode automatique et ne parvenant plus à surprendre ses fans. Dès la lecture du tracklisting, on ne peut avoir que l'eau à la bouche: six titres, donc quatre dépassent les douzes minutes ! Comme d'habitude, les américains ne se moquent pas de nous et nous propose un album gavé de musique Allez, let's press PLAY.
Premier titre et déjà une belle surprise. L'introduction de « A Nightmare du Remember » est très étrange, inhabituelle pour DT. L'atmosphère est sombre, pesante, grandiloquente…. Le riff de guitare et la rythmique sont très pesant et rappellent certains groupes plus extrêmes. On s'attend presque à entendre chanter Shagrath ou Dani Filth. Très surprenant mais très réussi. Lors d'une interview Jordan Ruddess a mentionné le terme "gothique", même si ce mot est contesté par Mike Portnoy par exemple, on comprend ce que le claviériste a voulu dire à l'écoute de cette introduction. Nous sommes cependant vite rassurés par le développement plus conforme à nos habitudes de ce titre par la suite. On reste quand même sur un DT inquiétant et rapide à l'image des plus beaux passages de l'album Train of Thought par exemple. Mike Portnoy n'a pas hésité à donner lui-même de la voix sur cette chanson pour accentuer l'agressivité de certains passages. Bien sûr ce n'est pas un chanteur extrêmement doué mais cela apporte une touche originale. Les ambiances et les rythmes s'enchainent naturellement, c'est un bonheur sans cesse renouvelé. Eh bien, quelle entrée en matière fabuleuse pour ce nouvel album !
On se remet tranquillement des émotions suscitées avec la seconde chanson « A Rite of Passage », plus classique. Elle me rappelle un peu « In the Name of God » d'un précédent opus. Les paroles, écrites par John Petrucci, abordent le thème de la franc-maçonnerie. Un très bon morceau. DREAM THEATER décide de calmer le jeu et de ralentir le tempo avec « Wither ». Ce troisième titre d'apparence simple est un condensé de mélodies ciselées et dévoile le visage le plus doux des américains. Le thème est grave et la performance de James Labrie est ici admirable. Il parvient à faire passer énormément d'émotions. Cette chanson est la plus courte mais apporte une grande fraîcheur et une pause salvatrice au sein de Black Clouds & Silver Linings.
Les choses sérieuses reprennent avec l'excellent « The Shattered Fortress ». Je pèse mes mots car je trouve que cette chanson illustre parfaitement l'incroyable talent de ce groupe. Elle représente la touche finale à ce que le groupe appelle la "Twelve-step Suite". Chaque chanson: « The Glass Prison » (Six Degrees of Inner Turbulence), « This Dying Soul » (Train of Thought), « The Root of All Evil » (Octavarium), « Repentance » (Systematic Chaos) représente un certain nombres d'étapes du programme mis en place par les Alcooliques Anonymes. Mike Portnoy aborde ici les deux dernières étapes menant à la guérison. Les américains ont réussi le coup de force de nous proposer une excellente chanson reprenant intelligemment et harmonieusement tous les thèmes musicaux utilisés lors précédents morceaux de cet ensemble. On se surprend donc et on s'amuse même à essayer de retrouver les thèmes de « The Glass Prison », « The Root of of Evil » etc et c'est génial ! Je ne peux imaginer meilleure clôture pour une « saga » d'une telle complexité. Wahou ! C'est la classe.
Le cinquième titre « Best of Times » est une chanson surprenante car le thème est entrainant et joyeux ! Ce n'est pas si commun au sein de la discographie de DT. L'introduction est magnifique, piano, guitare sèche et violon, tout simplement. Les différentes mélodies sont légères et accrocheuses, cette composition fait souffler un vent de fraicheur sympathique. Si on voulait vraiment faire la fine bouche, « Best of Times » est le titre le plus faible de l'album. Il est très bon mais il ne dégage pourtant pas la même intensité que les autres.
Nous terminons finalement cet album par une chanson, la plus longue de l'album, au titre énigmatique « The Count of Tuscany ». La longue introduction instrumentale m'a fait penser à Satriani avant que le groupe ne passe la seconde et accélère le rythme. La guitare est tranchante, les rythmiques basse et batterie savent être puissantes et subtiles. J'ai trouvé que ce titre trainait un peu ne longueur sur la fin mais rien de rédhibitoire.
Evidemment tout au long de ce disque les différents musiciens font preuve d'une maitrise technique effarante et d'une maestria admirable. Tout parait simple avec eux. Mention spéciale pour Jordan Ruddess qui a encore réussi à déniché des sons de claviers très surprenants et improbables qui apportent une richesse supplémentaire aux différentes chansons proposées. James Labrie brille également de mille feux et il n'a pourtant pas été épargné avec des passages allant du plus calme au plus agressif.
Lors de ma chronique du précédent album, j'avais été assez critique vis à vis de la production. Cette fois encore, elle est assurée par le duo Portnoy/Petrucci. Ici, rien à redire, le son de ce disque est clair, puissant, un excellent travail. La pochette signée à nouveau Hugh Syme (Systematic Chaos et Octavarium) est magnifique et rappelle un peu Awake. Elle semble bourrée de symboles et références, un beau défi pour les fans.
Je dois avouer avoir été ensorcelé par ce Black Clouds & Silver Linings, la magie a été immédiate contrairement aux précédents albums qui avaient nécessité de très nombreuses écoutes pour être assimilés. Et cette "accessibilité" n'a pas été obtenue par la simplification des mélodies ou un formatage des différentes chansons proposées. DREAM THEATER a réussi à me surprendre tout en gardant son âme et fait preuve d'une santé et d'une créativité insolentes. Pour conclure cette chronique, je laisse la parole à Mike Portnoy qui a su parfaitement résumer ce disque "Imagine a DREAM THEATER album with 'A Change Of Seasons', 'Octavarium', 'Learning To Live', 'Pull Me Under' and 'The Glass Prison'… all on one album… COULD YOU HANDLE IT ?? Excited ? I sure am !!!!" A noter que cet album sera commercialisé en plusieurs versions, le « Coffret collector » comportant 4 CD + 2 LP !
Oshyrya (9,5/10)
Roadrunner Records / 2009
Tracklist (75:06 mn): 01. A Nightmare to Remember 02. A Rite of Passage 03. Wither 04. The Shattered Fortress 05. The Best of Times 06. The Count of Tuscany