C’est un album délicat à aborder que voila: se contenter d’une écoute pour se faire un avis serait une grosse erreur, car Mammal est le genre d’albums qui se dévoilent sur la longueur et qui demandent un effort particulier de la part de l’auditeur. Le décrire n’est d’ailleurs pas plus évident que l’apprivoiser, car Altar of Plagues démontre une personnalité complexe qui se ressent dans sa musique, et qui donne à son Black Metal des allures polymorphes difficilement saisissable. Black Metal n’est d’ailleurs pas à prendre dans son sens le plus strict. On va dire que la base est indéniablement Black, mais qu’en lorgnant vers l’ambiant, l’atmosphérique et même légèrement le Doom, elle s’est étirée, s’est ouverte, à élargie son champ d’action tout en se nuançant. Il s’agit donc d’un Black Metal à prendre avec des pincettes car il est ouvert et très nuancé.
Les irlandais n’hésitent pas un seul instant à proposer des compositions très longues (plus de 18 minutes pour la plus longue, environ 9 minutes pour la plus courte) avec des ambiances très travaillées. Sur ce point Mammal est particulièrement réussi, car les ambiances valent le détour et sont, elles aussi, très nuancées, sombres et oppressantes, voire foutrement bizarre et dépaysantes par moments (l’excellent duo « When the sun drowns in the ocean » / « All life converges to some center» est le point paroxystique de l’album et en même temps le plus improbable et le plus hypnotisant). La musique d’Altar Of Plagues se démarque également par une lenteur prépondérante : il n’y a finalement que peu de violence pure et dure sur cet album, et les quelques accélérations ou vocaux typiques du Black sont sporadiques et minoritaires dans l’ensemble, l’intérêt de l’album ne ressort pas de ces passages là.
Mammal est avant tout un album que l’auditeur ressent, vit, plus qu’il ne le subit comme ceux d’un registre Black Metal violent qui assènent leur noirceur à coup de hurlements ou de blast beats. C’est aussi en partie pour cela qu’il s’adresse avant tout, selon moi, à ceux qui aiment également le Black atmosphérique ou ambiant, ou encore le Black progressif. Les fans inconditionnels d’un Brutal Black à la suédoise n’y trouveront donc pas leur compte, car Mammal prend son temps pour se déployer : les ingrédients de base ne sont pas la brutalité, la vélocité ou encore la misanthropie. Au contraire, Altar Of Plagues arrive à accrocher l’auditeur avec des compos vicieusement longues et hypnotiques dont certains passages particulièrement redondants font penser à du Blut Aus Nord, d’autres à du Xasthur, mais toujours d’assez loin. Le groupe à en effet sa personnalité, et sa propre façon d’aborder le Black Metal, qui donne à un tel album un goût vraiment particulier, qui frôle parfois le Post Metal (Cf. « Feather and bone »).
Mammal est un album original, profond et varié, qu’il faut aborder avec précaution : si vous arrivez à y entrer, vous risquez d’avoir du mal à en sortir tant il est prenant. Voilà un groupe dont l’approche sort des sentiers battus, gardons-le à l’œil.
Sheol (07.5/10)
www.facebook.com/altarofplagues
Candlelight Records / 2011
Tracklist (52min) :
1.Neptune is Dead 2.Feather and Bone 3.When the Sun Drowns in the Ocean 4.All Life Converges to Some Center