Mes amis, en ce dimanche matin, je suis fébrile. C'est le mot qui décrit le mieux ma crainte ? mon excitation ? au moment de commencer l'écoute de ce tout nouvel album de DREAM THEATER. Les américains sont bien installés dans le top 3 de mes groupes favoris depuis des années maintenant. J'achète les yeux fermés et je suis très rarement déçu. Mais là, un cataclysme est venu chambouler la petite vie tranquille des américains avec le départ surprise de Mike Portnoy, batteur et pilier du groupe. Gardien d'une certaine orthodoxie et initiateur de l'aspect le plus lourd, le plus agressif de la musique de DREAM THEATER, son absence pourrait-elle avoir eu d'importantes conséquences sur l'orientation musicale choisie par ses comparses rescapés ? Nous allions vite le savoir.
Premier titre, « On The Backs Of Angels », et tout se suite le sentiment de se retrouver en terrain connu. Le son est familier et la patte DREAM THEATER est immédiatement identifiable à travers une composition dans la parfaite continuité de Black Clouds et Silver Linings (chronique ici). On retrouve avec joie un groupe très inspiré, une composition de plus de 8 minutes qui passe comme une lettre à la poste, très mélodique, complexe et aérienne à souhait, une entame parfaite pour remettre les pendules à l'heure. A croire que les américains n'ont pas été plus affectés que cela par le bouleversement des deux dernières années. Cette bonne impression perdure avec « Build Me Up, Break Me Down », un titre fort, racé au potentiel de hit radio. Une rythmique très moderne, syncopée de Petrucci répond à un chant vivant, hargneux de Labrie. Le refrain est imparable et fait immanquablement mouche. Cette chanson reste très accessible et pourrait faire un malheur sur scène. On retrouve les deux visages de DREAM THEATER, tantôt alambiqué et progressif, tantôt résolument direct et métal.
A Dramatic Turn of Event se poursuit ainsi en offrant des compositions inspirées et virevoltantes. Comment ne pas craquer devant les sonorités ésotériques d'un « Bridges In The Sky », le calme et la sérénité d'un « This Is The Life » ? Au grand désespoir de certains, les américains continuent de privilégier les chansons longues, à tiroir, et nous offrent pas moins de 77 minutes de très bonne musique. Le tout servi par un son chaud et clair, fruit du travail de Petrucci désormais tout seul en studio, derrière la console. Tout n'est bien sûr pas parfait. DREAM THEATER pêche par gourmandise sur un « Lost Not Forgotten » confus et déroutant. Les ballades « Far From Heaven » et « Beneath The Surface » sont sympathiques mais elles manquent de consistance, d'épaisseur pour réellement convaincre.
Sans surprise, tout au long de ce disque, les différents musiciens font preuve d'un feeling ébouriffant, intelligemment enrichi par une technique admirable. Soulignons que Mike Mangini assure avec brio et abat un sacré boulot. Impossible de remarquer l'absence de Mike Portnoy tant Mangini se fond à merveilles dans les baguettes de son prédécesseur. On aimerait d'ailleurs qu'il imprime plus nettement sa touche personnelle. Toutes les chansons étant finalisées à son arrivée, on peut penser qu'il n'a pas bénéficié des conditions d'enregistrement idéales pour pleinement s'exprimer. Il sera attendu de pied ferme pour le prochain.
Comme notre rongeur dictatorial préféré a pu justement le faire remarquer au sein de la rédac, Jordan Ruddess ne fait ici pas de la figuration et se taille une part de lion tout au long de ces 9 titres. Les claviers sont très présents (parfois trop diront certains) et tissent une ambiance unique sur chaque composition. Ruddess parvient encore à nous surprendre à coup de soli déjantés et de sonorités sorties d'on ne sait où. Aux côtés de John Petrucci, il a clairement pris en main les rênes du groupe. A Dramatic Turn of Event est un mélange équilibré entre Train of Thought et Octavarium. Toutes les facettes de la musique, la richesse des influences de DREAM THEATER sont bien présentes. Les plus chagrins d'entre vous me feront remarquer qu'il ne s'agit pas vraiment d'un progrès, plutôt une synthèse du passé. C'est vrai, cet album n'apporte rien de nouveau, il ne parvient pas à se hisser au niveau de son précédent mais, à défaut d'innover, les américains ont voulu rassurer et prouver que l'âme et la créativité du groupe ne se résumaient pas qu'à une personne. Mission accomplie. Même sans Portnoy DREAM THEATER reste un très grand du métal progressif.
Oshyrya (8,5/10)
Roadrunner Records / 2011
Tracklist (77:05 mn) 01. On The Backs Of Angels 02. Build Me Up, Break Me Down 03. Lost Not Forgotten 04. This Is The Life 05. Bridges In The Sky 06. Outcry 07. Far From Heaven 08. Breaking All Illusions 09. Beneath The Surface