Archive for janvier, 2015

Qu’on le veuille ou non, le crowdfunding fait maintenant partie des pratiques utilisées par les groupes pour réaliser leurs projets. Ventes d’albums décevantes, labels frileux… Il ne faut pas chercher loin pour comprendre les raisons de cette évolution. En quelque sorte, le crowdfunding est une planche de salut pour bon nombre de groupes, mais voir certains récupérer cette démarche à des fins parfois questionnables me laisse perplexe.

Et pourtant, à la base, le crowdfunding en tant que mode de financement de l’enregistrement d’un nouvel album est séducteur sur le papier : le fan permet au groupe de partager – dans un premier temps avec les participants au projet de financement, et ensuite avec le monde – la musique qu’il a créée. The Project Hate fonctionne de la sorte depuis deux albums, en toute indépendance, et au final, cette démarche leur convient parfaitement. Le hic, c’est qu’un tel projet est voué à l’échec si le groupe en question n’est pas connu. Vous en connaissez beaucoup, vous, des personnes qui miseraient 20 euros sur un groupe inconnu ? Même les labels ne misent plus un kopek sur les jeunes talents ! Le crowdfunding n’est donc, en quelque sorte, qu’une solution pour les groupes établis qui, pour une raison X ou Y, souhaiteraient supprimer quelques intermédiaires… Et encore, des gros poissons comme Exivious (chez Season Of Mist) et Obituary (pourtant signé chez Relapse) ont eu recours au crowdfunding pour leur nouvel album… de là à dire que la pratique, un jour, se généralisera et que les labels se contenteront de promouvoir les albums que « leurs » groupes auront composés/enregistrés sans la moindre intervention financière du label, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas.

Cependant, d’aucuns ont vite compris que le fan, à condition d’être correctement amadoué, est une vache à lait en puissance, bien plus généreuse qu’un label. Vous avez vu les montants dépensés par certains lors des enchères organisées par Megadeth quand Dave a vidé son grenier ? Apparemment, dépenser 50 euros pour une setlist signée (un bout de papier, quoi) n’est pas choquant pour un fan… mais revenons au crowdfunding…

Comme premier exemple (le plus récent en date), je pourrais citer celui de Loudblast, un « pilier du Death Metal français » (c’est pas moi qui le dis, d’où les guillemets) qui, en deux jours, a récolté 4.000 euros en vendant des goodies à ses fanboys pour aller faire la bamboche sur la route avec Death To All. « Partir en tournée » n’a jamais aussi bien rimé avec « mendicité », d’autant plus que le groupe en question laisse la campagne courir malgré l’objectif déjà atteint, histoire d’ajouter du pognon pour des « projets ultérieurs ». « Soutenons le groupe, donnons-lui de l’argent, il le mérite bien ». Il faut vraiment vous rappeler que le dernier album vraiment intéressant de Loudblast remonte au siècle dernier ?

Mais il y a bien pire.

Il y a ainsi le Kickstarter à 1.000.000 de dollars mené par Sepultura pour pouvoir sortir un documentaire sur les 30 ans du groupe. Un putain de million de dollars. Il va être réalisé par Michael Bay ? Il fallait acheter le silence de la femme de Max Cavalera ? Là aussi, mission accomplie, des fans du monde entier ont mis la main à la poche pour récolter ce montant. Dans un monde où on préfère laisser un clodo crever de faim dans la rue, voir des personnes du monde entier amasser un million pour un documentaire retraçant l’histoire d’un groupe qui vivote depuis des années (qui a dit « bientôt 20 ans » ?) me laisse songeur. Ou plutôt nauséeux.

EDIT (23/01) : Il faut savoir reconnaître quand on s'est planté. Le Kickstarter pour le documentaire sur les 30 ans de Sepultura visait à récolter 100.000 $ et il a échoué. Violemment échoué. Pour cette erreur, j'ai été fouetté 15 fois. Et j'ai aimé ça, grrrrr !

Il y a aussi – et c’est certainement le projet plus ridicule – la volonté de Wintersun de récolter des fonds auprès de ses fans pour construire son propre studio. Et pas un studio en carton, hein, non, le studio cosy, avec toutes les commodités, dont l’indispensable (ouais, ils sont finlandais) SAUNA ! Oui, vous ne rêvez pas. En précommandant l’album Time II au format MP3 (sortira-t-il un jour, d’ailleurs ?), le fan de Wintersun participe aux frais de construction d’un studio avec lequel le groupe pourra récupérer ses billes (en le louant à d’autres groupes, par exemple). Si quelqu’un a l’adresse du frontman de Wintersun, qu’il me la fasse parvenir et je lui enverrai deux briques. Ou un sac de ciment.

Alors, le crowdfunding, remède miracle ou attrape-nigauds ? Chacun se forgera sa propre opinion. En quelque sorte, certains pourraient considérer cette démarche comme du chantage. « Filez-nous votre caillasse, sinon vous n’aurez pas de nouvel album / de tournée qui passe dans votre pays ». Chacun est libre de faire ce qu’il veut de son argent, et s’il s’y retrouve au final, pourquoi pas ? Personnellement, je reste plus que mitigé. On peut être fan et soutenir un groupe sans pour autant lui payer tous ses caprices.

Alpha Tiger – iDentity

oshy_18012015_Alph_TigLes allemands d’ALPHA TIGER ne cherchent pas à nous enfumer en inventant un sous-genre musical spécifique pour eux, ils parlent tout simplement de Heavy Métal et l’écoute de ce nouvel album leur donne raison dans cette démarche. Appelons enfin un chat un chat et arrêtons ces masturbations stériles. Ils aiment le métal joué lors de sa période dorée des décennies 80 et 90 et ne s’en cachent pas. ALPHA TIGER n’est pas ici à son coup d’essai. De 2007 à 2011, ils se font appeler SATIN BLACK et proposent un album et une démo dans un registre thrash. Ils changent finalement leur fusil d’épaule en 2011 adoptant le patronyme d’ALPHA TIGER et publiant avec régularité un album tous les deux ans. iDentity succède donc à Man or Machine (2011) et Beneath the Surface (2013) qui montrent un visage beaucoup plus Power Métal.

Ils ont été nourris au sein de la NWOBHM et cela se ressent immédiatement dès les premières secondes de « Lady Liberty » ou encore « Scripted Reality ». Les riffs simples mais bien couillus s’enchainent rapidement et imposent d’entrée le respect. Les mélodies vont à l’essentiel pour impressionner durablement l’auditeur. Ajoutez à cela le chant assez haut perché de Stephan "Heiko" Dietrich et vous aurez un aperçu assez précis de ce qui vous attend. Les recettes utilisées ne sont pas nouvelles et elles ont fait leur preuve depuis quelques décennies maintenant. Les plus chagrins diront qu’il n’y a rien ici de bien nouveau et les plus optimistes rappelleront que c'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe. A vous de choisir selon votre état d’esprit du moment. Les chansons d’iDentity s’enchaînent avec naturel sans temps mort ni faute de goût majeure. Tout amateur de métal trouvera ici de quoi passer un bon moment même si une certaine lassitude devant ce déjà-entendu des dizaines de fois ne tardera pas à apparaitre. ALPHA TIGER proposent des compositions assez ambitieuses avec près de cinq minutes en moyenne au compteur. C’est bien sur le principe mais certaines longueurs auraient quand même pu nous être épargnées.

Reconnaissons que les allemands d’ALPHA TIGER livrent ici un travail sérieux et appliqué. iDentity ne brillera pas par son originalité débordante mais fait le boulot en offrant de bons moments inscrits dans la grande tradition du heavy métal classique. Il faudra maintenant voir le groupe sur scène pour s’assurer qu’il passe le test ultime de la scène.

Oshyrya (5,5/10)

 

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Steamhammer – SPV / 2015

Tracklist (49:36 mn) 01. Intro 02. Lady Liberty 03. Scripted Reality 04. Long Way Of Redemption 05. iDentity 06. We Won`t Take It Anymore 07. Revolution In Progress 08. Closer Than Yesterday 09. Shut Up & Think 10. This World Will Burn

Satan Jokers – Sex Opera

SATAN-JOKERS_Sex-OperaLe Satan Jokers mark II eclipsera-t-il un jour la première formation du groupe, celle qui a donné lieu à Fils du métal (1983), à Trop fou pour toi (1984) et au fameux EP, III (1985) ? Car il faut reconnaître que les récentes sorties de Satan Jokers s'avèrent d'un cran au-dessus des premiers essais du groupe : Addictions (2011) ou Psychiatric (2013) étaient d'excellents disques, d'un hard rock à la fois traditionnel mais durci et toujours extrêmement virtuose dans l'interprétation. Ils étaient en outre portés par des paroles intelligentes et bien écrites, donnant une envergure à la musique. Parfois les paroles en français, lorsqu'elles s'associent à une vraie exigence, portent la musique plusqu'elles ne la desservent. 

Un thème insolite

Pour ce Sex opera, on retrouve toujours l'ami et le thérapeuthe de Renaud Hantson aux paroles pour un album concept qui ne s'attarde pas sur l'addictions aux drogues ou sur la folie mais sur la dépendance sexuelle. Suivant le parcours d'un « sexaholoic » narré par Brigitte Laghaie, des premières obsessions jusqu'aux pratiques les plus extrêmes (le sadisme dans « Asphyxie érotique ») et jusqu'aux conséquences les plus sombres (la marginalisation sociale sur « Milfs » ou « Vip-Hiv »), le propos ne se veut pas grivois. Il est intéressant de voir traiter la sexualité de cette manière dans le rock, où l'on se contente généralement d'allusions salaces de bas niveau. Encore une fois, ce Sex Opera est porté par un thème fort et, de plus, inattendu.  

Toutefois, ce disque se veut aussi un opera rock, un sous-genre que maîtrise bien Renaud Hantson puisque ce sont certaines comédies musicales qui lui ont ouvert les portes de la notoriété vers le grand public. Cela signifie qu'une histoire se développe : de la rencontre d'un diabolique « King Sodom » interprété par un Stéphane Buriez parfait dans l'emploi, à la fréquentation d'un club de débauche « Club 6 Six 6 » jusqu'à la contraction de la maladie. Et qu'on rencontre de nombreux personnages tels que cette Cassandra interprétée par Virginie Goncalves (Kells), ou que cette transexuelle parfaitement peinte par Céline Lacroix (« Transex » très accrocheur). Autant les personnages féminins donnent lieu aux titres parmi les plus réussis, autant je suis plus réservé sur la participation de certains chanteurs (Boban Milojevic de Snake Eyes ou Olivier La Valle de Shannon).

Haute tenue globale

Il faut bien reconnaître que ces invités n'arrivent pas à faire de l'ombre à un Renaud Hantson très en forme qui enchaîne les refrains prenants (« Milfs » ou « Préliminaires à l'infini ») et les mélodies captivantes, le tout avec une volonté de varier les angles d'approche, du presque pop (« Exhibition ») au très venimeux (« Promis »). Hantson est encore et toujours la puissance créatrice du groupe même si les prestations de ses trois compères, Pascal Mulot, Aurélien Ouzoulias et Michaël Zurita sont de haute tenue. Et quand ces derniers s'effacent derrière d'autres exécutants comme Christophe Godin (sur « King Sodom ») ou Sébastien Bizeul (sur « Promis ») ou Gildas Arzel (« Vip, Hiv »), nous ne perdons pas au change. 

Si Renaud Hantson exécute sa promesse de mettre en sommeil Satan Jokers et d'abandonner définitivement le heavy metal, nous y perderons beaucoup. Ce nouveau disque de Satan Jokers le confirme encore une fois.

Baptiste (8/10)

 

Brennus / 2014

Tracklist (56:00) : 1. Intro 2. Préliminaires à l'infini 3. Sexaholic 4. King Sodom 5. 666 (diction Brigitte Lahaie). 6. Club 6 Sex 6 7. Asphyxie érotique 8. Charnel déclic 9. Professionnelle 10. Mothers I'd Like To Fuck (diction Brigitte Lahaie) 11. Milfs 12. Promis 13. Voyeurs (diction Brigitte Lahaie) 14. Exhibition 15. Transex 16. Royaume décadence 17. Outro 18. Vip-Hiv