Archive for avril, 2015

Scorpions – Lovedrive

mini_1316851262mzdIl y a eu trois périodes dans la vie du plus grand groupe de hard rock allemand Scorpions (quatre si on tient à prendre en compte le pénible déclin qu’a vécu les groupes dans les années 1990-2000). La première se limite à un album, The Lonesome Crow, et à un style – planant et psychédélique –  très vite abandonné. La deuxième période, bien plus fameuse, est celle d’Uli Jon Roth ; elle s’achève avec la parution du live-testament qu’est le formidable Tokyo Tapes (1978). Et Lovedrive, paru en 1979, ouvre la troisième période du groupe. Rarement « tournant » fut aussi bien négocié puisque cette troisième période va largement eclipser les précédentes, en terme commercial surtout, puisque l’époque d’Uli Jon Roth conservera des irréductibles, amateur d’un hard rock sophistiqué et recherché.

Des inquiétudes vite dissipées

Il y avait pourtant de quoi être inquiet : Uli Jon Roth, en désaccord avec l’orientation à donner au groupe et tenté par une carrière solo, venait de quitter le groupe. Virtuose au style inimitable, le guitariste allemand était aussi un très bon compositeur, auteur d’à peu près la moitié des titres sur chacun des albums de Scorpions. Alors qu’il était remplacé par l’inconnu total qu’était alors Matthias Jabbs, on avait tout lieu de regretter par anticipation le départ de Roth. Le seul point positif à son départ était bien le fait que dorénavant Klaus Meine serait l’unique chanteur du groupe et que les vocalises geignardes d’Uli Jon Roth nous seraient enfin épargnées.

Les choses avaient été rendues encore plus troubles par un certain mic-mac sur le rôle de Jabbs puisque le frère cadet de Rudolf Schenker, Michael – fraîchement débarqué de UFO – faillit l’évincer. Ayant enregistré trois excellents solos pour Lovedrive il entama la tournée avec Scorpions avant d’être viré en catastrophe du fait de ses problèmes d’alcool et de comportement. Jabbs fut rappelé en urgence et depuis le groupe a compris la leçon puisqu’il est devenu la troisième tête du groupe depuis plus de trente ans.

Un sans faute

Pourtant, au milieu de tout ce bazar, Scorpions a réussi à accoucher d’un album exceptionnel, un album dont régulièrement la moitié des chansons est encore jouée en live. Et cet album est exceptionnel sans doute car il a été celui d’un tournant totalement assumé : à écouter Lovedrive, il ne reste quasiment plus rien du Scorpions au hard rock fréquemment psychédélique, souvent baroque et toujours lyrique de jadis. Enregistré pourtant en 1979, Lovedrive semble totalement entré dans les années 80 tant l’objectif de l’efficacité est au premier plan. Excepté « Holiday » (dont le côté mystérieux et raffiné renvoie en partie à la période ultérieure), les compositions ne dépassent pas les quatre-cinq minutes. Les riffs sont accrocheurs en diable et assez simples. Les refrains très soignés. Quant aux paroles, elles sont à l’image de la couverture grivoise qui fit scandale : sans aucune recherche ni profondeur. Nous sommes loin des « Polar Nights » ou des « Sails Of Charon » de jadis. Le tout est soutenu par une production exceptionnelle de Dieter Dierks qui est peut-être en avance de dix ans sur ce qui se fera par la suite.

À la composition, c’est Rudolf Schenker qui prend désormais tout sur ses épaules : ballades somptueuses comme « Holiday » ou « Always Somewhere », hard rock furieux, à la lisière de ce que commence à proposer la NWBHM (le nerveux « Another Piece Of Meat », le fougueux « Lovedrive », ou « Can’t Get Enough »), hard rock mélodique qui annonce les succès ultérieurs (« Loving You Sunday Morning »), il fait à chaque fois mouche. Schenker s’est tout de même permis une fantaisie : une chanson mixant de manière totalement improbable hard rock et reggae intitulée « Is There Anybody There ? » et ce pour une réussite indéniable. On remarquera tout particulièrement « Coast To Coast » pour sa construction à plusieurs parties de guitare et pour le superbe solo de Michael Schenker remplaçant avantageusement un Matthias Jabs encore loin d’avoir pris ses marques.

Klaus Meine au zénith

On ne peut évidemment parler de Lovedrive sans évoquer Klaus Meine. Certes ses lignes de chant sont globalement moins nuancées que jadis, mais il s’avère totalement impérial, affichant une forme vocale étincelante. C’est en partie en portant parfaitement le tournant de Lovedrive qu’il a confirmé qu’il était avec Dio et Ian Gillan, un des plus grands chanteurs de hard rock.

On sait que les groupes qui ont connu des tournants musicaux marqués ont été l’objet de bien de controverses et ont souvent produit leurs pires albums dans ce cadre. Mais c’est tout l’inverse pour ce Lovedrive qui sera la pierre de touche autour de laquelle se construira le succès des Blackout et Love At First Sting à venir.

Baptiste (9/10)

EMI / 1979

Tracklist (36:58) : 1. Loving You Sunday Morning 2. Another Piece of Meat 3. Always Somewhere 4. Coast to Coast 5. Can’t Get Enough 6. Is There Anybody There ? 7. Lovedrive 8. Holiday

Le Sludge Metal est un courant du Metal contemporain au champ vaste et aux nombreuses ramifications. Aux croisements du Doom Metal, du Crust Punk, du Postcore, du Southern Rock/Blues ainsi que d’une certaine scène Metal alternative incarnée par des groupes comme les Melvins par exemple. Dès le départ j’ai adoré un groupe comme Acid Bath qui faisait déjà cohabiter son Sludge avec le Grunge et le Doom pour un cocktail détonant et dépressif. Dans le même temps (début des 90s) le Sludge trouva un terreau très favorable dans le Sud des États-Unis notamment en Louisiane avec des groupes comme Eyehategod ou Crowbar.

 
Le gang de L’Arkansas Rwake fait partie de la seconde vague de la fin des 90s/début des 2000s à l’instar de Kylesia ou Mastodon. Comme ce dernier Rwake cultive un héritage Southern Rock/Blues mais là où Mastodon le métisse à son Sludge ainsi qu’au Postcore et au Rock Progressif, lui le fusionne à un Sludge Metal poisseux prenant des contorsions Doom Metal agrémentées de distorsions avant-gardistes, psychédéliques et acides. On peut même desceller chez eux des propensions Funeral Doom à quelques rares occasions. J’ai tendance à dire que Rwake est la face sombre et dépressive voire maladive de Mastodon pour décrire grossièrement la musique du groupe aux néophytes.


Comme vous l’aurez compris Rwake ne débarque pas de la dernière pluie et bénéficie d’une forte notoriété chez les passionnés de Sludge Metal dont je fais partie ! Je pense que la démarche extrémiste et très dépressive de leur propos musical explique en grande partie le fait qu’ils soient un peu méconnus d’un publique plus large. J’en veux pour preuve qu’il ne bénéficiait jusqu’à présent d’aucun article ici à Metalchroniques.fr.


Xenoglossalgia : The Last Stage of Awareness n’est pas le sixième album studio de nos joyeux drilles puisque il s’agit de leur démo cinq titres agrémentée de deux inédits datant de la même période (près de 45 minutes en plus). Le tout a été enregistré en 1998 soit il y a près de quinze années maintenant ! C’est la raison pour laquelle cet enregistrement sonne plus chaotique que les  derniers enregistrements du groupe que sont Rest (2011) et le single Forge (2012). Rwake de manière déjà très audacieuse y explore des sonorités symphoniques et modernes. En effet dès le second morceau « Stairwell » qui succède à une intro Southern acoustique dont le groupe est coutumier on remarque des claviers et des samples aux sonorités presque Coldwave et industriel qui viennent soutenir une composition mixant  avec brio Southern Sludge & Doom Metal. Le ton est donné par Rwake avec ces deux premiers titres éloquents et il est glauque de chez glauque ! Le très funèbre mais bluesy « Or Die », la troisième plage de ce skeud, ne déroge pas à la règle ! Mon dieu que j’aime ce son de carillon en arrière-plan ! C’est grandiose et tout simplement bluffant !


Vient le tour de l’intermède ambient et bruitiste « Xenoglossalgia » qui introduit le morceau « Nagarachi » qui est du Rwake pur jus : c’est un véritable délice. Les deux derniers titres sont « Interlude » qui comme son nom l’indique est un intermède instrumental et une monstrueuse plage de quarante-quatre minutes. Un énorme pavé qui reprend tous les éléments précisés plus haut, c’est une sorte de synthèse qui se désagrège et vire de la dixième minute jusqu’à son milieu en un gros Funeral Doom. Ce morceau est ultime et il convaincra tous les admirateurs de musique Doom et extrême car on n’est pas loin de Skepticism, Tyranny ou de dISEMBOWELMENT ! Les vingt dernières minutes ne sont que bruit Ambient et torpeur Harsh Industriel où émergent des cris terrifiants. Le tout fini sur un fracas Drum & Basse avec des cris : un véritable exercice de terrorisme sonore. A noter l'artwork inédit en visu 3D qui est très réussi !


Xenoglossalgia : The Last Stage of Awareness s’adresse aux plus extrémistes d’entre vous, moi je suis conquis à 100% ! Malgré le fait que ce soit de vielles compositions ce recueil est parfait pour faire découvrir l’étendue du talent de Rwake à de nouvelles oreilles tout en faisant patienter les aficionados du groupe qui attendent une nouvelle sortie depuis trois ans à présent. Enfin en guise de conclusion sachez que Rwake fait partie de ces groupes exceptionnels qui jamais ne déçoivent. C’est la raison pour laquelle je vous encourage grandement à suivre ce groupe et à vous procurer tous leurs albums !


FalculA (9/10)


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Bandcamp Officiel où Xenoglossalgia est disponible en streaming intégral ainsi que des albums plus anciens.


Relapse Records / 2015
Tracklist (68 minutes) : 1. Intro 2. Stairwell 3. Or Die 4. Xenoglossalgia  5. Nagarachi 6. Interlude 7. Calibos/So Fucking Tired

Vamps – Bloodsuckers

oshy_20042015_VampsAidés d’une major (Universal), les japonais de VAMPS se sont présentés au public européen en 2013 à travers un album best-of, florilège de leur travail jusqu’à présent. Ce Sex Blood Rock n’Roll (chronique ici) nous avait agréablement surpris, faisant la preuve d’un réel savoir-faire de la part des deux capitaines de ce navire, Hyde et K.A.Z. Contrairement à ce que la pochette pourrait suggérer, le côté sulfureux du groupe reste très largement de l’ordre du gimmick. Musicalement, les chansons de VAMPS restent sages et accessible au plus grand nombre.

Les premières écoutes de ce Bloodsuckers confirme les qualités dévoilées sur Sex Blood Rock n’Roll. Les nippons ont l’art de pondre à la chaine des compositions accrocheuses, très mélodiques, capturant clairement l’air du temps. Les gros riffs côtoient de larges touches électros et tous les éléments pour faire danser les amateurs de rock sur les dancefloors du monde entier sont bien là. Des compositions comme « Ahead » ont un petit côté rock alternatif américain, le type de chansons à même de faire un malheur sur les campus outre-Atlantique. Hyde continue d’impressionner par son chant, assez varié mais surtout avec un accent irréprochable. Il ne s’économise pas et insuffle une vraie belle dose d’énergie à toutes ces chansons. Sans doute habilement conseillés par leur management et label, VAMPS déploie son univers à travers des titres calibrés autour des quatre minutes histoire de maximiser leur potentialité de passage en radio.

Malgré toutes ces qualités, vous ne trouverez pas sur Bloodsuckers de hit absolument imparable, les compositions s’enchianent avec naturel, sans faute de goût mais peu parviennent vraiment à émerger. Citons « Evil » ou « Damned » qui frappent par leur côté dark et comme un miroir un « Reincarnation », beaucoup plus lumineux et presque léger. VAMPS s’amuse ainsi à varier les plaisirs, n’hésitant pas à tomber malheureusement aussi dans la ballade un peu mièvre avec « Vampire’s Love ». Cela sent un peu beaucoup la to-do list du service marketing et VAMPS a consciencieusement cocher toutes les cases. Vu d’Europe, il est difficile de s’en rendre compte mais le groupe connait un gros succès dans son pays et malgré de belles choses, se plient aussi aux nécessités du music-business.

La bonne impression laissée par Sex Blood Rock n’Roll se voit validée, corroborée par Bloodsuckers. Dommage qu'ils jouent sur des clichés et une image un peu sulfureuse pour s'extraire de la masse. Ils n'ont pas forcément besoin de tous ces artifices, ils ont quelques arguments artistiques à faire valoir. Le disque étant déjà sorti depuis plusieurs mois au Japon, VAMPS se consacre désormais à l’Amérique du Nord et à l’Europe. Bien aidés par leur label, les japonais ont réussi à se greffer sur la tournée à venir en compagnie de SIXX:AM et APOCALYPTICA. Pas mal non ?

Oshyrya (07/10)

 

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Spinefarm Records / 2015

Tracklist (50:15 mn) 01. Reincarnation 02. Zero 03. Lips 04. Ahead 05. Evil 06. Ghost 07. Vampire’s Love 08. Damned 09. Get Away 10. Replay 11. Bloodsuckers 12. The Jolly Roger 13. Inside Myself