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01. Peux-tu présenter à nos lecteurs ORAKLE ? Cinq années de silence discographique c’est long, que s’est-il passé ?

Frederic A. Gervais : Alors la création du groupe a eu lieu dans les années 90, donc depuis assez longtemps, avec Pierre (Pierre "Clevdh" Pethe) le batteur qui est également resté depuis nos débuts et moi-même. Nous étions alors des adolescents et donc il y avait forcément une grosse période de découverte des instruments. Nous avons proposé quelques cassettes mais le premier véritable EP des premières compositions qui s’appelle L’ineffable émoi sorti en 2002. Déjà tous les textes étaient en français et nous avons tenu cette ligne jusqu’à présent.

En 2005, premier album, Uni aux Cimes, comme l’EP dans un style black puissant là où le premier était plus du black atmosphérique avec beaucoup d’éléments très calme, le disque suivant était beaucoup plus massif. En 2008, second opus, Tourments & Perdition, là aussi dans une tendance black un peu symphonique avec déjà pas mal d’éléments progressifs à l’époque. Et donc là, le nouvel album, Eclats, qui sort en 2015 soit sept ans après le précédent. Gros délai on peut le dire.

 

02. Alors tu me tends la perche, donc pourquoi ces longues années de silence ?

En réalité nous avons donné des concerts jusqu’à mi-2009 environ. C’est à partir de 2010 que nous nous sommes remis à composer dans notre grotte. Il y a eu de nombreux événements : nous sommes lents c’est vrai, cela nous caractérise, nous essayons d’aller vers une musique assez recherchée et aboutie et nous sommes très perfectionnistes. Raisons de line-up aussi car dès 2010 nous nous sommes retrouvés à trois car l’un des guitaristes qui a lâché complétement la musique.

Donc là, moi j’avais pris la guitare. Donc c’est vrai que j’ai toujours composé la majorité de la musique au sein d’ORAKLE mais même en répétition je prenais la guitare en délaissant complétement le chant et la basse que je pratique en concert. En plus de cela, une volonté d’emmener la musique ailleurs, d’expérimenter et de laisser mâturer le son, cela prend du temps surtout quand tu as déjà fait deux albums selon certains codes et qu’il est toujours difficile de sortir ainsi de sa zone de confort. Nous voulions évacuer cela, faire vivre une musique contemporaine. Et enfin les aléas de la vie d’un groupe amateurs, les galères et les joies de la vie, avoir une famille, j’ai eu une petite fille en 2013.

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03. Si vous deviez résumer le groupe et sa philosophie en trois mots et pourquoi ?

Profondeur : au sein de creuser, cette volonté musicale et au niveau des textes d’aller au plus loin de nos limites avec nos instruments, réflexion dans les textes.

Ouverture : en particulier sur ce nouvel album, nous avons toujours été un groupe ouvert à d’autres styles, une volonté d’expérimenter.

Curieux : cela nous caractérise, nous aimons découvrir et assimiler de nouvelles choses.

 

04. J’ai pu lire sur votre site “Recorded and mixed by Fréderic A. Gervais at Henosis Studio (Bois d'Arcy, France) / 2012-2014”. Donc l’enregistrement s’est étalé sur deux années ?

Oui les soucis de line-up mentionnées précédemment faisaient que nous nous pouvions plus travailler qu’à trois, un batteur Pierre, moi, et un autre guitariste. Nous avons mis deux ans et demi à finaliser les morceaux de 2010 à l’été 2012, Dès qu’ils ont été terminés en termes d’architecture, capacité à les jouer d’un point A à un point B, nous avons commencé à enregistrer la batterie et les guitares selon le planning et les contraintes de boulot de chacun sauf que ni le chant, ni la basse ni les claviers n’étaient composés j’ai dû mis mettre et bosser sur chacun de ces éléments l’un après l’autre.

Nous à sommes deux à écrire les textes et sur les miens j’ai passé énormément de temps. J’ai voulu aussi creuser beaucoup de choses. Tout se déroulant dans mon studio, que je veux être un lieu facilement accessible, j’ai pu expérimenter et superposer les éléments au fur et à mesure de leur composition. Pour les albums précédents, nous étions plus sur un schéma classique où tout était finalisé, fignolé avant pour ensuite rentrer en studio deux semaines, un mois, et graver tout cela dans le marbre.

Pour Eclats, le processus fut incrémental, élément par élément. Agir ainsi est dangereux car tu peux vraiment te perdre, ne jamais parvenir à finir les morceaux. Mais là nous la situation était lié à la situation du groupe. Le schéma traditionnel ne fonctionnait pas.

 

05. Comment s’opère la magie au sein du groupe et nait une nouvelle chanson ? Quelle est la dynamique interne ?

Pratiquer des jams ne fonctionne pas vraiment chez nous, et ceci depuis le début, car comme nous avons une musique riche, rien que les conditions parfois des répétitions avec un son pas forcément optimal n’aident pas. Je suis personnellement plus favorable à une écriture introspective en solitaire. En étant ainsi au calme, nous sommes dans les meilleures conditions pour composer et amener des idées. Ensuite cela n’empêche pas que cela mute, évolue et se transforme en répétition à partie de cette base.

En pratique, c’est souvent moi qui écris une grosse partie de la musique mais sous différentes formes. Parfois ce sont des riffs enregistrés à l’unité ou parfois le squelette est plus construit avec des enchainements de riffs. Je les donne alors à chacun pour qu’ils s’en imprègnent et parfois Pierre me dit tient cela me rappelle tel riff… Je produis de la matière brute qui ensuite et retravaillée et polie ensemble. Maintenant ma situation a changé puisque l’année dernière j’ai quitté mon job à plein temps et je vais me consacrer à cette activité d’enregistrement. Avant mon studio n’était pas ouvert aux autres, il était dédié à mes projets et à ORAKLE. Et donc je bossais quand je le pouvais d’où les sept années précédemment évoquées.

Je travaillais de nuit, quand j’avais un peu d’énergie, entre 1h et 3/4 heure. Donc je donne des cours de guitares et je développe l’activité du Studio Henosis. Il y a un Facebook dédié. Je fais des enregistrements mais aussi du mixage.

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06. Comme tu le disais la musique du groupe s’assagit passant d’un black à des ambiances beaucoup atmosphériques. Comment expliquer cette évolution ?

Déjà cela se sentait dans nos précédents opus qui n’étaient pas 100% black pur et dur. On vieillit oui et pourtant sur cet album, et ce n’est pas ce que les gens ressentent, nous écrit certaines des parties les plus extrêmes jamais proposées. Sur « Incomplétude(s) » par exemple, tu trouveras ce côté chaotique, avec des dissonances ou des sons typiquement black comme à la batterie par exemple. L’extrême est bien présent mais ce qui change c’est bien que nous sommes de moins en moins exclusifs. C’était bien cela notre démarche au moment de recommencer à composer.

Nous ne sommes pas en train de remplir un questionnaire, à cocher toutes les cases de tel ou tel genre. Là nous n’avons rien coché, nous partons d’une base métal car c’est notre culture mais nous y ajoutons de nombreux éléments, du black oui mais pas que. Réussir ce grand écart entre extrême et mélodique, rock prog, pop… Nous avons beaucoup été comparé à ACTURUS sans que je comprenne vraiment pourquoi. A nos débuts pourquoi pas avec cette empreinte black omniprésente. Surtout que ce groupe a montré tellement de visages que oui c’est un groupe que nous avons écouté avec Pierre et apprécié depuis longtemps.

Nous ne cachons pas cette influence. Les trois premiers albums d’ARCTURUS ont beaucoup tourné chez nous, l’avant-dernier par contre ne m’avait pas du tout plu. Et je n’ai pas encore écouté le tout dernier récemment sorti. Nous n’avons pas de modèle absolu.

 

07. Comprends-tu la démarche d’un OPETH passant du black au rock prog des années 70 ou l’évolution d’un ANATHEMA ?

Je trouve cela normal et l’inverse et plutôt, je ne veux pas dire inquiétant, mais c’est vrai que certains groupes très respectables continuent de faire la même musique depuis des décennies. Donc oui je comprends de telles métamorphoses, qui sont parfois assez radicales. Pierre et moi nous sommes fan depuis bien longtemps d’ULVER qui pour le coup a tout changé du sol ou plafond.

L’alternative peut-être de changer le nom du groupe avec ta nouvelle identité mais c’est toujours difficile. OPETH la révolution n’a pas eu lieu du jour au lendemain, ils ont toujours eu ces éléments progressifs dans leur musique. Je trouve cela sain si tu sens que tes goûts te portent ailleurs. Aucune loi n’impose des carcans de ce type. Nous ne nous interdisons rien.

 

08. Vos paroles sont très complexes et recherchées, pas de dragons ici. Comment travaillez-vous cet aspect-là ?

Oui nous faisons un gros travail sur les textes et ils sont bien souvent très personnels. Cela fait longtemps que nous sommes des lecteurs de Nietzsche et en particulier Pierre qui a fait des études de philosophie. Il a bossé pour son mémoire sur cet écrivain et donc a appris à bien le connaître. Et nous échangeons beaucoup entre nous. Pour ce disque, j’ai beaucoup lu et donc été grandement influencé par l’œuvre de George Bataille. Cette œuvre est tellement vaste que j’ai essayé d’aller au bout du tuc en lisant presque tout.

Pierre et moi nous nous connaissons depuis très longtemps, très bien, et donc nous parlons énormément et échangeons sur des idées, nos lectures du moment. Et nous ne sommes pas toujours d’accord et tu trouveras donc sur Eclats différentes perspectives sur un même thème. Nous pouvons avoir une autre réponse. Et ce processus ce fait vraiment de manière découplée par rapport à la musique.

 

09. Le chant en français fut-il une évidence, pas de limitation commerciale ?

Nous avions besoin d’un haut niveau de langue pour pouvoir creuser et exprimer nos idées sur parfois des concepts et des thèmes très difficiles. Ce n’est déjà pas aisé dans ta langue maternelle alors si nous devions passer par des traductions vers l’anglais par exemple, le message pourrait-être brouillé. Le choix se fait aussi eu niveau des sonorités, ce n’est pas simple de faire sonner correctement le français. L’anglais est moins heurté et cela passe mieux. Cela nous limite commercialement peut-être mais cela fait partie de notre identité.

Et puis je n’en suis même pas certains, beaucoup de fans écoutent des groupes s’exprimant en russe, suédois ou allemand et cela n’empêche pas la diffusion et le succès. Les critiques viennent en fait de France et moins de l’étranger.

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10. Comment avez-vous travaillé l’aspect visuel comme la pochette ? (sculpture de Robert Le Lagadec)

Pierre habite à quelques pas du jardin ou expose l’artiste Pierre Le Lagadec et donc connaissait ses œuvres. C’est un artiste atypique décidé en 2002. Nous avons rencontré sa femme et son fils qui laissent accessible le jardin ou il créait ses statues. Le type était torturé et amateur donc il s’enfermait, sa femme nous racontait, lançait ses outils de chauffe et créait en déformant le métal… Des sortes de demi-dieux, c’était un passionné de mythologie. Pierre avait déjà pris des clichés dans le passé du travail de l’artiste et en les regardant il nous les a proposés.

Et cela a fait tilt, cela correspondait au contenu des textes, à la tension qui parcourt l’album. Elles sont ancrées dans le sol et s’élèvent vers le ciel. Cella là elle fait 4/5 m de hauteur. Elle n’est pas dans le jardin, l’artiste l’a donnée à une ville voisine qui l’a faite installée dans un collège. Et nous sommes allées voir la veuve et le fils très simplement, directement via Pierre qui avait déjà rencontré Mme Le Lagadec. Ils ont été très accueillants et veulent faire vivre les œuvres de l’artiste disparu. Ils ont trouvé notre démarche intéressante avec nos textes…

 

Et enfin "Le Quizz De Metal Chroniques Quizz" pour terminer cette interview:

01. Quelle est votre chanson préférée (tous artistes, époques…) ?

Je dire une chanson très longue avec plein de chose dedans, PINK FLOYD avec « Atom Heart Mother ».

 

02. Premier album acheté?

Michael Jackson

 

03. Dernier album acheté ?

Les derniers SOLEFALD et DØDHEIMSGARD, A Umbra Omega

 

04. D’où est venue l’étincelle qui t’as donné envie de devenir musicien ?

J’étais un gros fan de METALLICA à partir de 13 ou 14 ans. Mon frère était allé au concert à l’hippodrome de Vincennes.

 

Tous nos remerciements à Roger WESSIER (Replica Promotion)

 

Chronique de l'album ici

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