Archive for mars, 2016

Nordjevel – Nordjevel

« On en avait marre d’attendre le prochain Dark Funeral, alors on l’a fait »

Je devrais créer un nouveau concept, le « slogan-chronique », une phrase accrocheuse qui résume parfaitement l’album. Après, tout dépend de l’album abordé, mais ici, l’occasion était tellement belle, le slogan tellement facile à trouver que je n’ai pas pu m’en empêcher. Oui, Nordjevel fait du Dark Funeral, mais putain il le fait bien.

Tout d’abord, cette section rythmique, ou plutôt devrais-je dire ce batteur (parce que la basse, on s’en fout, elle est noyée dans le tas) : que ce soit dans les (rares) passages posés ou dans ses envolées blastbeatesques, il domine les débats avec une affolante régularité. Bordel, ces enfilades de toms ! Foutredieu, ces blasts venus de nulle part ! Et ces avalanches de double-pédale accompagnées d’une caisse claire un poil ralentie…  Tout le manuel du petit cogneur black metalleux y passe, et le bougre le connait sur le bout des doigts.

Puis, il y a le chant, bien haineux, qui n’est pas sans rappeler celui d’un Emperor Magus Caligula (Dark Funeral, bien entendu). À ce niveau-là aussi, rares sont les petites folies ou les expérimentations. Le frontman connaît son taf et a su trouver le timbre qui colle parfaitement au propos. Rien d’audacieux, donc, mais efficace en diable.

Et enfin, la guitare. Nordjevel est une vraie usine à riffs. Et vas-y que je te balance un bon riff qui tronçonne, et pan la petite ligne de gratte un poil mélodico-vicieuse dans les dents, et boum le riff entrainant as fuck qui vient se loger dans ton cortex et n’en décolle plus. Toujours rien de vraiment audacieux, ça titille le subconscient « mais j’ai déjà entendu ça quelque part… non, je me trompe, c’est du neuf… mais si bordel, j’ai le morceau sur le bout de la langue… ».

La performance de Nordjevel est impressionnante, parce que Nordjevel vient de sortir le meilleur album de Dark Funeral depuis 10 ans. Pis encore : Dark Funeral s’apprête à sortir son nouvel opus d’ici quelques semaines / mois, et j’oserais parier que Nordjevel sera un cran au-dessus, tant il a su s’approprier le son de Dark Funeral pour en faire quelque chose d’à la fois neuf et de familier. On appelle ça « l’élève qui dépasse le maître ».

Mister Brute Porn (8,5/10)

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Osmose Productions / 2016
Tracklist (45:46) 1. The Shadows of Morbid Hunger 2. Sing for Devastation 3. Djevelen i Nord 4. The Funeral Smell 5. Denne tidløse krigsdom 6. Blood Horns 7. Det ror og ror 8. Når noen andre dør… 9. Norges sorte himmel

 

Agoraphobic Nosebleed – Arc

À quoi reconnaît-on un grand groupe ? Pour beaucoup d’entre vous, la réponse à cette question se concentrera sur des données purement objectives et quantifiables : nombre de followers, taille du public, chiffres de vente…

Mais tout ça, c’est du vent. Vous devriez le savoir. Certains petits groupes proposent des albums grandioses qui, faute de moyens, restent dans l’ombre, tandis que des groupes médiocres parviennent, grâce à une machine marketing bien huilée, à se faire une place au soleil. Pour moi, la meilleure indication du talent du groupe, c’est sa capacité à sortir de sa zone de confort, à se transcender, à faire tout autre chose. Et c’est précisément ce qu’Agoraphobic Nosebleed vient de faire en se lançant dans une entreprise peu commune : 4 EP, chacun étant dirigé par un membre du groupe selon ses goûts. Pour ce premier effort de la quadrilogie, c’est Kat (ex-Salome) qui a pris les commandes. On oublie le cybergrind d’Altered States Of America ou la brutalité d’Agorapocalypse. ANB se hasarde sur un terrain tout à fait différent, celui du doom, du sludge, du stoner, des riffs groovy as fuck, des rythmiques écrasantes, le tout sublimé par les hurlements déchirants de Kat.

Et c’est énorme (et je pèse mes mots). L’opener « Not A Daughter » vaut déjà son pesant de cacahuètes, mais « Deathbed » en rajoute une couche, avec une noirceur et une lourdeur à couper le souffle avant de se relancer vers la 5e minute avec un riff et une rythmique plus légers, presque bluesy. Ça, du ANB ? En s’écartant à des lieues de son terrain de jeu habituel, le groupe aurait pu s’égarer ou montrer ses limites. C’était mal les connaître. ANB fait du doom sludgy comme s’il en avait fait depuis des années, avec une facilité insolente. À tel point que je regrette que cet ep soit un one-shot et non la nouvelle orientation musicale permanente du groupe.

Kat nous a livré « son » EP. J’ai hâte de voir ce que ses compères nous réservent, mais une chose est sûre : nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Mister Brute Porn (9/10)

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Relapse Records / 2016
Tracklist (xx:xx) 1. Not A Daughter 2. Deathbed 3. Gnaw

 

Rotten Sound – Abuse To Suffer

Mine de rien, ça faisait longtemps que je n’avais pas écouté un album de Rotten Sound, un de ces groupes qui avaient pourtant outrageusement squatté mes platines à une époque. À vrai dire, je n’avais même pas suivi l’actualité du groupe, et il aura donc fallu un mail de leur label me signalant l’envoi d’une copie promo du nouvel album pour que je me repenche sur leur cas. L’avantage d’un tel « oubli », c’est justement la possibilité de s’intéresser à cet album sans avoir trop d’attentes, sans a priori. Alors, « Abuse To Suffer » va-t-il m’inciter à raccrocher les wagons avec les fils spirituels de Nasum ?

Oh que ouais.

Parce que Rotten Sound, malgré son discours promo et l’annonce d’ajouts de nouveaux éléments visant à faire évoluer le son du groupe, n’a pas changé son fusil d’épaule et délivre encore et toujours un grindcore qui fait mal, avec un son de guitare à la scandinave, bien grésillant et épaulé par une basse bien grasse et groovy. Que ce soit pied au plancher ou en mid-tempo, la bande à Keijo n’a rien perdu de sa force de frappe et délivre une performance solide. 

Vous me direz peut-être que le groupe n’a pas inventé quoi que ce soit et qu’il se contente de colorier bien gentiment dans les lignes, mais il le fait bien. En alternant suffisamment les différents tempos, Abuse To Suffer, malgré son agressivité, reste un album presque digeste selon les normes du genre. Je l’ai écouté trois fois de suite sans ressentir la moindre lassitude, ni ce sentiment que l’on ressent parfois à l’écoute de certains albums monolithiques et presque « épuisants ». 

Une formule simple sur le papier et pourtant plus compliquée qu’il n’y parait, une recette bien exécutée : Rotten Sound tient le bon bout. Certes, la discographie du groupe est déjà bien fournie, mais nombreux sont ceux dont le talent s’effrite avec le temps. Ici, la force de frappe reste intacte. 

Mister Brute Porn (8/10)

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Season Of Mist Records / 2016
Tracklist (28:06) 1. Lazy Asses 2. Intellect 3. Fear of Shadows 4. Trashmonger 5. Crooked 6. Time for the Fix 7. Slave to the Rats 8. Brainwashed 9. Cannon Fodder 10. Yellow Pain 11. Machine 12. The Clerk 13. Caged 14. Retaliation 15. Inhumane Treatment 16. Extortion and Blackmail