Le Hellfest est le plus gros festival metal français. Adulé par les uns, honnis par les autres, la création de Ben Barbaud est un modèle du genre. De petit festival indépendant, il est devenu un mastodonte incontournable. Cette treizième année le confirme encore : organisation au cordeau, fluidité des mouvements de foules, bouffe excellente, j’en passe et des meilleures… Niveau programmation, le festin est titanesque. Voici le résumé, non exhaustif, de trois jours de folie.
Sous l’Altar, les réussites sont au rendez-vous.
Misanthrope met le feu avec un set énergique. Le quartet déborde d’enthousiasme ; S.A.S et ses acolytes sont heureux d’être de retour à Clisson. Le programme est généreux (le rare « Roman noir ») et se finit sur un « Bâtisseurs de cathédrale » orgiaque.
Benighted confirme en quelques morceaux son statut de fer de lance du metal extrêmement extrême.
Nile offre une prestation efficace. C’est rassurant, le groupe va mieux malgré de sacrés changement de line-up. Les trois chanteurs font le boulot ; le death-metal « égyptien » des Américains se porte très bien.
Les Allemands d’Exumer nous gratifient d’un thrash old-school. Classique, rapide, efficace.
The Lurking Fear démontre qu’il est un groupe à prendre au sérieux. La formation emmenée par Jonas Stålhammar et Tomas Lindberg (At The Gates) distille son death lovecraftien suédois avec une volonté et une assurance forçant le respect.
Restons dans le domaine des musiques noires avec la programmation de la Temple.
Solstafir nous offre une set-list imparable. « Otta », « Fjara », entre autres, emportent le public vers les terres islandaises. La musique du groupe est belle et pleine d’émotion. C’est une jolie pause dans cet océan de fureur.
Les Danois de Heilung décrochent la timbale : leur concert remporte tous les suffrages. La Temple est bondée. Le collectif laisse bouche bée avec cette musique païenne, tribale et sauvage. C’est un magma d’énergie primitive fascinant, à l’image de la prestation d’un Pierrick Valence habité. Le meilleur concert du week-end ? On en est pas très loin.
Au-dessus se pose clairement comme « le groupe avec lequel il va falloir compter », tandis que The Great Old ones confirme tous les espoirs qui ont été placés en eux.
Batushka démontre par A+B que les compos de Litourgia passent, haut la main, le test de la scène. Le rituel est réussi.
La Warzone est un monde à part. Sa configuration pénitentiaire accueille le meilleur du hardcore et du punk.
The Hard-Ons fait remuer l’assistance avec son punk-rock véloce. Le groupe australien prouve qu’il fait encore partie de l’échiquier punk et enchaîne les riffs jusqu’à plus soif.
Les costauds de Terror enflamment la Warzone. Le hardcore « over the top » du groupe occasionne un pogo sans fin et une série infinie de slams. Terror est une valeur SOLIDE !
La prestation de Madball ronronne, malgré un dernier album convaincant (For the cause).
Cro-Mags ne fait pas le plein. Dommage, car la prestation de John Joseph et de ses boys répond aux attentes. Cro-Mags puise son répertoire dans Age of Quarel et Best Wishes. Il ravive les grandes heures du hardcore made in New-York (deux reprises des Bad Brains). Un grand merci à Mr Joseph pour cette démonstration de style. Nous avons assisté au meilleur concert de la Warzone.
Cette année, peu de concerts vus sur la Valley.
Celeste nous offre, en pleine journée, un concert TITANESQUE et s’impose comme le groupe à suivre. Ce groupe et cette musique intense le méritent.
Eyehategod se la joue cradingue. Mike Williams est une version clochardisée d’Ozzy Osbourne tandis que le débonnaire Jimmy Bower se la joue sludgeux à mort. La musique de Eyhategod est un crachat à la face des institutions bien pensantes. Eyehategod a encore fait de Clisson un nouveau Vietnam.
Ayons aussi une pensée émue pour Mike Patton qui, avec Dead Cross, commence à se faire vieux. Il serait peut-être temps pour lui de faire une pause pour recharger ses batteries.
Finissons enfin avec la programmation musicale de ces aimants à public : les mainstages.
S’il est de plus en plus difficile de se déplacer, la faute à certains malotrus se croyant dans leur salon, les mainstages ont répondu aux attentes de tous, malgré quelques déceptions.
Megadeth foire son concert dans les grandes largeurs (écrans éteints, voix absente, son discutable). Une set-list imparable et le groove infectieux de « Symphony of destruction » n’y feront rien. C’est un Dave Mustaine, digne d’un frère Gallagher, qui quitte la scène sans aucun respect pour son public.
Converge laisse bouche bée. Jacob Bannon aboie plus qu’il ne chante. Comme d’habitude. Mais pire, le groupe est brouillon. Les Bostonniens ont joué à « quitte ou double ». Cette fois ci, ils ont perdu.
Chris Slade nous la fait : « je fais des reprises du groupe qui m’a apporté mon quart d’heure de gloire ». C’est sans intérêt.
Body Count déçoit aussi. Thé glacé semble perdu sur cette grande scène. Seul Ernie C reste digne et riffe avec efficacité. Pour le reste, on passera.
Sur les grandes scènes, d’autres groupes « confirmés » se portent plutôt bien.
Rose Tattoo fait le minimum, mais il est plaisant de réentendre ce bon vieux hard-rock made in Australia. Les mauvais garçons savent encore jouer du rock’n’roll.
Limp Bizkit, véritable trublion du néo-metal choisit l’attaque frontale : « Hot dog », « Rollin’ » et « Nookie » ouvrent le bal. S’il est intéressant de commencer par un rappel, c’est prendre le risque de proposer une suite plus faiblarde. C’est le cas ici, mais le fun est là.
Si Joey Tempest fait de plus en plus penser à Hugh Grant dans le film « Le come-back », les Suédois de Europe ne sont en rien des ringards. Leur prestation est sans faille. Tempest y croit et fait partager son enthousiasme. Le groupe ne joue pas que sur la nostalgie et fait fonctionner la machine à plein régime (les récents « War of kings », « The siege »…). Le tout se finit logiquement avec l’orgasmique « Final countdown », hymne incontestable du week-end.
Restons en Suède avec Meshuggah, groupe sur lequel les années n’ont aucune prise. Il est difficile de rester insensible à ce thrash mutant, précis et technique. Les polyrythmies de Tomas Haake et les riffs de Frederik Thordendal tombent toujours juste et le quintet livre un concert exceptionnel.
Joan Jett et ses Blackhearts déchirent tout. La rockeuse enfile les tubes à vitesse grand V. « I love Rock’n’roll » et « Cherry Bomb » sont repris en chœur tandis que « I hate myself for loving you » est l’hymne de ces trop courtes cinquante minutes. Chapeau bas Madame Jett !
Les filles de L7 assurent aussi avec leurs tubes nineties (« Andres », « Fuel my fire », « Pretended we’re dead »…) et livrent un « I came back to bitch » prometteur. Une excellente prestation qui nous rappelle le meilleur des années « grunge ».
C’est aussi le cas d’Alice in chains qui emballe tout le monde en treize titres. De « Bleed the freak » à « Check my brain » en passant par « Nutshell », c’est un sans-faute. Les regards sont portés sur William Duvall. Ce dernier s’est fondu dans le costard de Layne Stayley, mais garde une personnalité forte. Jerry Cantrell prouve encore qu’il est un brillant compositeur et un musicien hors pair. Malgré les coups durs, Alice in chains a bien fait de continuer sa carrière.
Judas Priest est à la hauteur de sa légende. Chant précis avec Rob Halford, rythmique béton et guitares acérées avec un Richie Faulkner définitivement à la barre. Ajoutons à ce constat une ribambelle de tubes forgés dans le metal (« Turbo lover », « Painkiller », « Firepower »). Résultat, l’affaire est dans le sac.
Point d’orgue du festival, Iron Maiden est attendu comme le loup blanc. C’est une foule compacte qui attend les Britanniques. La courte attente est récompensée par une scénographie (avion, corde de pendu, Icare et décors sublimes) et un répertoire exceptionnels. « Flight of Icarus » est le sommet de ce concert. Généreux, Harris et ses troupes nous ressortent le valeureux « Clansman » et le rare « Where eagles dare ». Cette tournée Legacy of the beast est une réussite sur tous les plans. Le point final de mon Hellfest… En attendant l’année prochaine…
Nico.