67 ans. C’est l’âge de David Coverdale. 42 ans. C’est la durée d’activité impressionnante de Whitesnake. Activité dont témoigne encore la sortie de ce Flesh & Blood qui porte extrêmement bien son nom : quoi de mieux comme témoignage de vitalité malgré les années que ce nouvel opus ? Certes, les esprits chagrins diront que de nos jours, les grands groupes jouent les prolongations depuis quelque temps déjà, que Deep Purple est toujours en activité, qu’Ozzy Osbourne se refuse toujours à la pension pour personne âgée et que Richie Blackmore a même remonté son vénérable Rainbow. Toutefois Coverdale a d’autres arguments que le refus de la retraite et du repos mérité.
Tout simplement car il ne semble pas porter le poids des ans : si Coverdale a perdu quelque peu de sa puissance au fil des années, il faut bien dire que sa voix est toujours superbe. Elle constitue un parfait exemple de la manière dont le savoir-faire et l’expérience permettent de compenser les quelques pertes de puissance imposées par les ans. Il faut bien dire que dans la catégorie qui est la sienne, il n’y a bien que Glenn Hughes qui semble plus fringant au micro. C’est dire.
Une mécanique très bien huilée
En plus d’être un grand chanteur, il faut dire que Coverdale est aussi un homme de flair : il a toujours su s’entourer pour le mieux. De Mick Moody jusqu’à Adrian Vanderberg en passant par John Sykes, il a toujours sur choisir, voire dénicher des guitaristes parfaits pour l’épauler. Si l’homme peut parfaitement composer seul, il aime bien avoir un complice de composition. Jusqu’à il y a peu c’était Doug Aldrich qui jouait ce rôle de partenaire de composition sur deux disques de bon aloi (Good to Be Bad et surtout Forevermore). C’est Joel Hoeskra qui l’a remplacé aux côtés de l’inamovible Reb Beach. L’ensemble allait-il fonctionner sur un nouveau disque de compositions originales ? Si le Purple Album (2015) était de bonne facture il ne s’agissait que de reprises. Avec ce Flesh & Blood, l’on rentre nécessairement dans le neuf.
Et bien le tout fonctionne très bien dès un « Good To See You Again » puissant en diable. Les écailles du Serpent Blanc scintillent comme jamais et ne se terniront pas sur les morceaux suivants : l’entraînant « Shut Up & Kiss », « Hey You (Make Me Rock ) » etc. Le point d’orgue est peut-être constitué de « Flesh & Blood », puissant hymne doté d’excellents solos. Mais il est difficile de dégager un titre plus qu’un autre : « Well I Never » et ses airs de tubes typé Arena rock pourrait aussi aussi être désigné comme tel. Joel Hoeskra a donc été parfaitement intégré dans le groupe mais il ne vole pas la vedettes à Reb Beach qui trouve d’autant plus sa place ici, qu’il a enfin participé à la composition de plusieurs morceaux. Il n’est donc plus un franc-tireur de luxe venant avant tout poser des solos de haut vol, ce qu’il fait par ailleurs toujours (« Get Up » ou surtout celui de « Shut Up & Kiss Me »).
Pas de retour aux origines
Y a-t-il des raisons d’être déçu de ce Flesh & Blood ? Plutôt que de déceptions, nous parlerons de déçus. Il y en aura : ceux qui sont les amateurs de la première période du Serpent Blanc, période qui s’est arrêté au milieu des années 80 avec la sortie de Slide It In (1984). En effet, Coverdale n’a pas renoué avec le hard bluesy des premiers temps de son groupe. Ce Flesh & Blood est avant tout un héritier lointain du multi-platine 1987. La production est sur ce point éloquente : puissante et survitaminée, mettant en avant les deux guitares et la batterie d’un Tommy Aldridge toujours aussi vert, elle manque quelque peu de chaleur et spontanéité. Les amateurs de plus d’émotion pourront toujours rabattre sur quelques titres plus subtils comme la belle ballade « When I Think Of You » ou l’épique « Heart Of Sone » qui varie parfaitement les ambiances. Entendre Coverdale chanter de manière plus posée est toujours un ravissement. Mais manifestement échaudé par l’échec de Restless Heart il y a bientôt vingt ans de cela, il ne souhaite pas tenter le diable d’une musique plus posée et intimiste. Plus « authentique » diront les plus méchantes langues. Il faut admettre cela pour apprécier à sa juste valeur ce Flesh & Blood dont la qualité musicale reste indéniable, surtout eu égard aux années de bons et loyaux services.
Baptiste (8/10)
Frontiers / 2019
Tracklist (59:22) : 1. Good To See You Again 2. Gonna Be Alright 3. Shut Up & Kiss Me 4. Hey You (Make Me Rock) 5. Always & Forever 6. When I Think Of You (Color Me Blue) 7. Trouble Is You Middle Name 8. Flesh & Blood 9. Well I Never 10. Heart Of Stone 11. Get Up 12. After All 13. Sands Of Time