Cela fait bien longtemps que Geoff Tate ne fait plus rien de bon. Des décennies même et il a fallu pour les autres membres de Queensrÿche se séparer de lui et de son égo envahissant pour refaire de bons disques. Depuis Tate a lancé, « en représaille », son super groupe Operation mindcrime qui accumule les sorties médiocres. Peut-être que Tate a compris qu’il sombrait dans un ornière ou tout simplement qu’on lui a fait une proposition qu’« on ne peut refuser », mais son nouveau disque n’est pas estampillé « Operation mindcrime » mais Sweet Oblivion. Il s’agit plutôt d’un projet tel que Frontiers sait si bien les concocter : un nom de groupe qui sert surtout de paravent à un projet mené par le poly-instrumentiste, compositeur et producteur, Simone Mularoni, pour mettre en valeur la voix de Geoff Tate. La musique est donc extrêmement standardisée : un heavy mélodique et moderne plutôt technique… dans la lignée de ce produit le Queensrÿche actuel en fait. Intéressant paradoxe.
L’important c’est que Tate ne touche pas à la composition ici, ce qu’on ne peut que saluer tant ses dernières réalisations étaient médiocres. Par ailleurs, Mularoni est peut-être un mercenaire musical, mais il fait partie du haut du panier chez Frontiers : excellent guitariste et bon producteur, il sait produire des compositions qui font que plus tenir la route. Et comme Tate chante malgré tout encore fort bien, c’est un vrai plaisir de l’entendre sur « True Colours » ou sur le superbe « Behind Your Eyes ». On a beaucoup glosé sur sa perte de tessiture vocale avec les années (il atteint la soixantaine) et notamment son incapacité à atteindre certaines notes aiguës. C’est vrai, mais il conserve quand même de très beaux restes et, en studio, on n’y voit (ou n’y entend) que du feu. Et l’homme a assez de savoir-faire pour éviter les parties vocales qui ne lui vont plus.
Que peut-on reprocher à ce Sweet Oblivion ? D’être du faux Queensrÿche ? Non, pas vraiment : les compositions de Mularoni ne sont nullement des plagiats du Queensrÿche de la grande époque, même si toute influence ne peut être exclue. Oui, « Sweet Oblivion » aurait pu être écrite par DeGarmo, mais c’est sans doute du fait de la voix très identifiable de Tate que d’une volonté de plagiat. On peut toutefois déplorer que le format des morceaux soit un peu trop calibré : on ne dépasse jamais vraiment les cinq minutes, ce qui réduit l’ambition musicale du propos. Et ce alors que Mularoni a quand même quelques arguments à faire valoir derrière son instrument, comme l’écoute de ses solos fins et techniques le confirmera d’emblée.
En fait, un des atouts de ce Sweet Oblivion est, d’une certaine manière, donner envie d’en écouter plus de ce projet. Espérons qu’il ne soit pas donc uniquement mort-né.
Baptiste (7/10)
Frontiers / 2019
Tracklist : 01. True Colors 02. Sweet Oblivion 03. Behind Your Eyes 04. Hide Away 05. My Last Story 06. A Recess From My Fate 07. Transition 08. Disconnect 09. The Deceiver 10. Seek The Light