Il y a deux ans presque jour pour jour, entre deux confinements, Imperial Triumphant sortait Alphaville, un album marquant qui, si j’avais pris le temps d’établir mon top 10 de l’année, aurait certainement trusté le podium en très belle compagnie. Et aujourd’hui, alors que le coronavirus a laissé place à la guerre en Ukraine, les New-Yorkais se rappellent à notre bon souvenir avec une nouvelle plaque qui se dévoile presque à contre-cœur.
Lors de la première écoute, mon impatience s’est rapidement muée en sentiments mitigés. Moins direct qu’Alphaville, plus ardu à suivre, Spirit Of Ecstasy accapare l’attention de son auditeur. Pas question de mettre l’album en musique de fond et de le suivre distraitement tout en vaquant à d’autres occupations ! Spirit Of Ecstasy est exigeant, touffu, et chaque morceau mériterait d’être écouté encore et encore individuellement avant de passer au suivant plutôt que de s’enfourner la galette d’une traite.
Spirit Of Ecstasy n’est pas une simple évolution d’Alphaville, loin de là. Le groupe conserve certes sa recette éprouvée, mais en déplaçant tous les curseurs vers le haut. Un peu comme ces jeux vidéo qui vous proposent un premier niveau d’entrainement très simple avant de passer très rapidement à la vitesse supérieure et vous laissant l’air con et la manette en main alors que votre personnage est en train de se prendre une turbo-branlée. L’exemple le plus flagrant : « In The Pleasure Of Their Company ». Pas un mot, 6 minutes et 43 secondes où la chaleur du jazz et la froideur du Black cohabitent, s’enlacent, se magnifient. C’est difficile à suivre, certes, mais ce mariage entre genres si opposés tient la route. On retiendra aussi, dans les incontournables de cet album, le terrifiant « Bezumnaya », véritable ode à la folie, ou encore « Merkurius Gilded » et son guest improbable en la personne de Kenny G.
Il y a deux ans, lors de la sortie d’Alphaville, j’avais été tenté de dire qu’Imperial Triumphant redéfinissait un genre. J’avais tort. Imperial Triumphant est en train de façonner un genre. Sans sombrer dans la facilité, le trio nous livre un album qui se mérite. À une époque où tellement de sorties se succèdent chaque semaine, le pari est risqué, mais la qualité est telle qu’il serait dommage de passer à côté d’un tel chef-d’œuvre.
9,5/10
Century Media Records – 2022
Tracklist (54:43) 1. Chump Change 2. Metrovertigo 3. Tower of Glory, City of Shame 4. Merkurius Gilded 5. Death on a Highway 6. In the Pleasure of their Company 7. Bezumnaya 8. Maximalist Scream