Nous avons profité du passage de Der Weg Einer Freiheit avec Regarde Les Hommes Tomber, au Ferrailleur de Nantes, pour nous entretenir avec Nikita Kamprad. Le leader du groupe allemand nous dévoile sa vision de la musique et de son groupe.

Bonjour, Nikita. Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore, peux tu revenir un instant sur les origines de Der Weg Einer Freiheit ?

Le groupe a été formé en 2009 par moi même et notre premier chanteur Tobias à Würzburg en Allemagne. Finisterre est notre cinquième album (quatre longs formats et une EP) et nous avons joué beaucoup de shows et ce dans des contrés « exotiques » comme la Russie et Israël. Nous sommes inspirés par les groupes des nineties et des années 200 comme Emperor, Dissection, Nagelfar et Nocte Obducta. Le nom du groupe signifie, grosso modo, « le chemin vers la liberté », mais nous n’avons jamais vraiment aimé les traductions qui en ont été faite. Écrire et jouer de la musique en concert me donne une impression de liberté, même si c’est pour un court moment. Et, à l’heure actuelle, quand on voit les atteintes portées à la liberté de parole, à la vie privée, à la religion, et ce que cela engendre comme corruption et comme guerres, je ne ressent plus ce sentiment de liberté. La musique et ce groupe sont mon chemin personnel vers la liberté. Un chemin d’évasion et peut-être aussi une façon d’inviter les gens à réfléchir à la vie qu’ils mènent.

Voilà ce que le nom du groupe signifie. Pourtant, tu ne peux pas définir exactement ce qu’est la « liberté ». Moi c’est dans la musique et l’art au sens large, que je trouve ma véritable liberté individuelle. Évidemment nous sommes tous différents. Certains aiment faire du sport, lire, écrire, cuisiner… Tu peux trouver cette liberté et la créativité partout, tu dois juste avoir l’esprit ouvert et trouver ton propre chemin.

Quelles sont vos principales influences ?

Bien que cela sonne un peu cliché, c’est la vie en général, les histoires qu’elle écrit et les expériences quotidiennes qui font les personnes que nous sommes. Musicalement, nos influences sont très larges et nous écoutons beaucoup de musiques différentes. C’est important d’avoir les yeux et les oreilles ouverts à tous ce qui est autour de vous pour pouvoir créer un son unique. Les paroles du nouvel album sont inspirées par le « Loup des steppes » et d’autres travaux de Hermann Hesse qui mélange oppression et dépression, mais aussi un certain romantisme.

Finisterre est un album puissant et noir. Dans quel état d’esprit avec vous abordé sa composition ?

Ce qui m’a fasciné le plus dans « Le loup des steppes », c’est qu’il y a un siècle (période à laquelle l’œuvre est apparue), les gens étaient confrontés aux mêmes problèmes qu’aujourd’hui ; ils avaient les mêmes inquiétudes. Il y avait en effet à l’époque, une fracture sociale alimentée par les médias et la population elle-même. Les gens étaient devenus de plus en plus anxieux, et la haine des étrangers n’avait cessé de grandir. L’économie mondiale s’est effondrée, et tout cela a déclenché les deux guerres mondiales.

Il est très inquiétant de voir que le monde actuel se dirige dans la même direction / emprûnte le même chemin, et que peu de personnes semblent s’en préoccuper.

La musique de l’album reflète cette atmosphère négative, pessimiste et oppressante. Mais, avec ses structures plus complexes et progressives, elle le fait d’une manière moins accessible que sur les précédents albums. Cela se voit également dans le texte des chansons.

L’album est beaucoup plus brutal et agressif que les précédents. C’est peut-être le plus violent/rude que nous ayons écrit jusqu’à présent.

J’ai écouté beaucoup de musique classique durant l’enregistrement de Finisterre. J’aime beaucoup Les Nocturnes de Chopin, mais aussi Bach, Schumann et Beethoven. Au final, je me suis même remis au piano ; instrument que je n’avais plus pratiqué depuis l’enfance.

Dans la musique classique, je suis fasciné par la variété des harmonies, structures et ambiances, mais aussi par le degré de perfection qu’atteint la composition de cette musique. Il est clair que nous faisons toujours du métal, et que notre musique n’a rien à voir avec la musique classique ; ceci dit, si vous écoutez plus attentivement notre album, vous trouverez peut-être, ici et là, des connections/influences.

L’arrivé de Nico Ziska (basse) et de Nicolas Raush a t’ elle changé quelque chose à votre façon de composer ?

Fin 2015, j’ai commencé à écrire les chansons de Finisterre. J’ai retrouvé Tobias, notre batteur, lors nouvel an 2015/2016 pour enregistrer deux nouvelles démos. Le reste de l’album a été composé tout au long de l’année 2016. La façon de composer n’a pas différée des autres fois, les deux nouveaux n’ont pas été impliqués dans le processus de créatif. Dans un premier temps, je compose des morceaux à la guitare; j’écris également les parties de batterie, et je soumets les démos à Tobias. Il apporte sa patte et ensuite, nous nous retrouvons pour finaliser tous les instruments. Nous ne faisons pas de répétitions, nous ne jammons pas, ce qui étonne toujours les gens. Nous travaillons d’une manière différente par rapport aux autres groupes. Tobias et moi, nous nous occupons, seuls, de l’entière composition des morceaux; nous les enregistrons, et ce n’est qu’ensuite que nous les envoyons au guitariste et au bassiste. Alors on se retrouvent tous ensemble pour répéter en vue du live. Ce qui fait que les morceaux sont déjà arrangés pour la scène, dans leur version live, avec deux guitares/basse/batterie/voix plus quelques samples, et peuvent donc “sonner” différemment que sur la version album. Je ne crois pas qu’il est nécessaire de reproduire fidèlement le son d’un album sur scène. Ce sont deux choses différentes.

Plusieurs morceaux de votre dernier album m’évoquent les grands espaces. Avez vous un rapport particulier à la nature ? Cela est il un sujet important pour vous ?

Même s’il n’y a aucun rapport direct entre notre musique et la nature, il est important pour moi de sortir pour rafraîchir mon esprit et avoir de nouvelles impressions. J’aime passer du temps dans la nature, respirer l’air chaud de l ‘été. Je m’en inspire pour écrire. C’est vraiment important de pouvoir s’imaginer des images et des paysages en écoutant de la musique.

En tant que Breton, je ne peux m’empêcher de te poser cette question : De quoi parle le morceau « Finisterre » ? Du département Breton ?

Je connais le cap du Finistère dans l’Ouest de la France (mais aussi dans une région de l’Espagne) où la terre se termine dans l’océan Atlantique. A l’époque les gens pensaient que c’était la fin de la terre, et l’ont appelé Finisterre.J’ai choisi ce nom pour notre album, car il reflète parfaitement son atmosphère/ambiance sombre et pessimiste. De plus, Finisterre, c’est également une métaphore : cet album est une forme d’au revoir à notre monde actuel, une césure, et un renouveau pour aller vers quelque chose de meilleur. De plus, j’aime vraiment le son et la forme de ce mot.

Vous faites partie de la dernière vague talentueuse de groupes de black-metal (avec Myrkur, Wolves in the throne room, Deafheaven). Apprécies tu ces groupes ? As tu des connexions avec certains acteurs de cette scène ?

J’aime beaucoup Sunbather de Deafheaven et Two hunters de Wolves in the throne room. Ce sont de grands albums qui nous inspirés. Nous ne nous sentons pas connectés à quelque scène que ce soit, mais nous avons quelques accointances personnelles ici et là. Toutefois, pas aux formations que tu mentionnes.

Comment envisages tu l’après Finisterre ?

Pour 2018, nous avons prévu quelques tournées intéressantes et festivals que nous attendons avec impatience. Nous allons vous donner bientôt plus d’infos. Nous sommes impatient de reprendre la route (nda : une tournée avec Primordial et Moonsorrow a été récemment annoncée). Bien sûr, il y a aussi quelques plans pour le prochain album, mais il est beaucoup trop tôt pour en parler.

Et enfin, dernière question: quel effet cela fait il de se retrouver dans les charts Allemand ?

Nous revenions d’une répétition pour la dernière tournée quand nous avons appris la nouvelle. C’est arrivé de façon impromptue. Cela a été une grande surprise pour nous. A vrai dire, nous ne nous soucions pas de l’industrie musicale et des charts. Cela n’est pas important pour nous et au final, ce ne sont que des chiffres. Ce qui est important, ce sont les réactions directes que nous recevons de nos fans. Leur soutien signifie beaucoup et nous permet de continuer.

Un grand merci à Nikita pour ses réponses, mais aussi à Gaëlle et Mickaël pour leur précieuse aide pour la traduction.

Nico.