Joe Elliot a toujours nié que Def Leppard ait jamais appartenu au monde du heavy metal revendiquant des racines musicales très différentes : le glam rock, Queen, AC/DC… Peut-être s’agit-il de ses goûts personnels dont il parle là, mais il aura du mal à convaincre car les premières chansons du groupe de Sheffield relevaient bien de la NWOBHM dont il fut un des porte-paroles durant quelques temps comme Iron Maiden, Saxon, Diamond Head… Certes Joe Elliot pourra prétexter la jeunesse du groupe qui explique une certaine immaturité palpable ici mais les faits sont là.
Car, avec ses 21 ans, le chanteur était le membre le plus âgé du groupe, le benjamin étant le batteur Rick Allen du haut de ses 16 ans ! Il est vrai que ce dernier ne démérite pas loin de là tant son jeu s’avère déjà de qualité ! De même Steve Clark et Pete Willis, aux guitares, sont déjà compétents et forment un duo solide même si certains solos s’avèrent perfectibles. Rick Savage, co-fondateur du groupe avec Pete Willis s’en tire aussi très bien. On peut donc dire que Def Leppard est un groupe extrêmement précoce, ayant déjà produit un court EP un ans plus tôt (The Def Leppard EP) qui eut un tel succès que sortir un disque entier très vite s’imposait.
Puissant et classieux
De la NWOBHM nous en avons donc ici à travers la fougue de l’hymne « Rock Brigade » qui ouvre de la meilleure manière possible l’album. On la trouve aussi sur le puissant – pour l’époque – « Wasted » au gros riff à base de power chords. On le constate aussi sur la composition épique et à tirroirs qu’est « The Walls Come Tumbling Down » ou sur la mélancolique « Sorrow Is A Woman ». On en dira de même sur « Answer The Master » et son riff entêtant, son break et ses guitares joliment harmonisées ainsi que ses solos lyriques. Le superbe « Overture » qui clot le disque avec ses sept minutes démontre des influences comme Thin Lizzy, Genesis ou Rush que n’aurait pas reniées Iron Maiden. On y appréciera déjà la qualité des chœurs mais aussi de la basse de Rick Savage que le mixage bien en avant.
Si on garde en tête que la musique de la NWOBHM était incontestablement moins agressive que les standards du heavy de nos jours – du fait de conditions de production très différentes –, on n’aurait pas d’hésitation à classer le groupe de Steve Clark et de Joe Elliot parmi les pionniers du genre. Toutefois il est vrai que le chanteur n’a pas entièrement tort en avançant les influences plus accessibles et pop du groupe patente ici : à côté de Deep Purple, de UFO et de Thin Lizzy, il est évident à l’écoute de « Hello America », « It Could Be You » ou « Rocks Off » que les musiciens de Def Leppard ont aussi beaucoup apprécié T. Rex, Marc Bolan et AC/DC : immédiateté des riffs et des refrains, orientation « Arena rock », ambition vers le marché américain… tout cela était déjà présent très tôt dans l’ADN du Léopard sourd.
Une forme de chant du cygne
Et d’ailleurs le public ne s’est pas trompé sur la chose : On Through The Night a atteint le million d’exemplaires vendus et a permis des tournées à succès notamment Outre-Atlantique. Et ce malgré une production sans génie, un Joe Elliot loin d’être parfait au micro et quelques signes de maladresses – « It Could Be You » ou « It Don’t Matter » un cran en dessous – qui rendent le disque un peu inégal. On regrettera pas ailleurs que « Ride Into The Sun » n’ait pas été réenregistré et qu’il faille le trouver sur Retroactive : cet excellent titre, présent sur le Def Leppard EP, avait tout à fait sa place sur ce premier opus.
Par la suite, sous l’impulsion de Mutt Lange, les choses seront plus homogènes, mais aussi plus lisses et la fougue disparaîtra progressivement. C’est tout un côté de Def Leppard qui s’estompera ne rejaillassant que ponctuellement (« White Lightning » sur Adrenalize, « Desert Song » sur Retroactive…), l’objectif musical devenant systématiquement très mainstream.
C’est sans doute pour cela qu’On Through The Night conserve beaucoup d’aficionados qui ne peuvent regretter qu’il soit rare d’entendre dans les concerts de Def Leppard les brûlots que sont « Rock Brigade » ou « Wasted ». Car On Through The Night par ses qualités et son orientation musicales a largement sa place à côté de Wings Of Steel ou Lightning To The Nations et autres opus majeurs de la NWOBHM.
Baptiste (7,5/10)
Mercury / 1980
Tracklist : 1. Rock Brigade 2. Hello America 3. Sorrow Is A Woman 4. It Could Be You 5. Satellite 6. When The Walls Come Tumbling Down 7. Wasted 8. Rocks Off 9. It Don’t Matter 10. Answer To The Master 11. Overture