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400x400C'est sans doute beaucoup mieux ainsi : il n'y aura plus de réformation d'un pseudo-Thin Lizzy bancal sur disque mais une forme de groupe hommage. À savoir Black Star Riders. Et un groupe hommage qui propose des nouvelles compositions dans l'esprit du groupe de Phil Lynott puisque avec The Killer Instincts Scott Gorham et les siens proposent leur deuxième disque de chansons personnelles. 

J'écris « Scott Gorham » mais il faut être lucide : malgré la présence du fameux guitariste de Thin Lizzy, l'apport de ce dernier à la musique se fait plutôt au niveau du son et du grain de guitare qu'au niveau de la composition puisqu'il n'est crédité comme co-compositeur que sur trois titres. Au moins, cette place mineure mais pas non plus négligeable est-elle proche de celle qu'il occupait jadis dans Thin Lizzy où c'était Phil Lynnot qui était la principale force créative. Ici c'est le duo Warwick/Johnson qui se charge de l'essentiel des compositions. Il est vrai que Damon Johnson qui fut le guitariste et le compositeur d'Alice Cooper n'est pas du tout un bleu. 

Je suis plus surpris par la qualité de la prestation de Ricky Warwick que je n'avais jusqu'alors jamais apprécié, surtout dans les The Almighty. Ici, son chant se place dans le sillage de Lynott avec une aisance surprenante. Et puis ses refrains font régulièrement mouche (« Soldierstown », « Killer Instinct »). Quant à la musique, si elle se fait globalement moins fine et intelligente que celle de Thin Lizzy, elle se fait très plaisante. C'est d'ailleurs quand elle s'inspire tout particulièrement du groupe de Lynott qu'elle touche au meilleur (« Soldierstown » et ses guitares joliment harmonisées en duo). De telle sorte que Black Star Riders propose quelque chose qui ravira sans aucun doute les amateurs de Thin Lizzy et qui restent persuadés que Phil Lynott avait encore beaucoup à dire. 

Baptiste (7/10)

 

Nuclear Blast / 2015

Tracklist : ​1. The Killer Instinct 2. Bullet Blues 3. Finest Hour  4. Soldierstown   5. Charlie I Gotta Go 6. Blindsided 7. Through The Motions 8. Sex, Guns & Gasoline 9. Turn In Your Arms 10. You Little Liar

Impellitteri – Venom

impellitterivenomcdLorsqu'on est chroniqueur de heavy metal, on se fait souvent archéologue. Non seulement car le genre est vieux (plus de quarante ans en fait) et qu'on en vient souvent à dénicher de vieilles choses intéressantes, mais aussi car quelques bestioles issues de l'ancien millénaire marchent encore parmi nous. Ainsi de Chris Impellitteri, vénérable shredder ayant fait ses premiers pas dans les années 80, à l'époque où les labels signaient à tour de bras des guitaristes œuvrant dans une veine néo-classique, dans le sillage du fameux Malmsteen. À la différence de ce dernier, Impellitteri a conservé le même chanteur, Rob Rock, la majeure partie de sa carrière (malgré un interlude avec Graham Bonnet). C'est un choix assez judicieux qui se justifie encore sur ce neuvième opus, Venom.

Car autant les parties de guitare (qui ressemblent très fortement à celle du Marching Out de qui vous savez) n'ont rien de renversant tellement elles sont classiques voire éculées, autant les parties vocales de Rob Rock sonnent bien. Elles sauvent largement le single « Venom », mais aussi « Empire Of Lies » ou « We Own The Night » et la majorité des morceaux qui s'écoutent ainsi convenablement. On fera une mention tout particulièrement au très réussi titre de clôture du disque « Holding On », une franche réussite dans le genre.  

On serait donc tout près de conseiller ce Venom aux amateurs d'Yngwie Malmsteen, désolés par la nullité des dernières productions du virtuose suédois, n'étaient les solos d'Impellitteri. On n'aura pas l'outrecuidance de les qualifier de « médiocres », tant leur vélocité est souvent impressionnante (« Nightmare »). Mais ils sont d'une platitude souvent insondables. Alors que Malmsteen, même noyé dans l'auto-satisfaction et la paresse, propose toujours quelque chose qu'on peut qualifier de « magique » et d'unique. On vous dispensera du dicton sur l'original et la copie… 

Baptiste (6/10)

 

Frontiers / 2015

Tracklist : 01. Venom 02. Empire Of Lies 03. We Own The Night 04. Nightmare 05. Face The Enemy 06. Dominoe Theory 07. Jehova 08. Rise 09. Time Machine 10. Holding On

Scorpions – Lovedrive

mini_1316851262mzdIl y a eu trois périodes dans la vie du plus grand groupe de hard rock allemand Scorpions (quatre si on tient à prendre en compte le pénible déclin qu’a vécu les groupes dans les années 1990-2000). La première se limite à un album, The Lonesome Crow, et à un style – planant et psychédélique –  très vite abandonné. La deuxième période, bien plus fameuse, est celle d’Uli Jon Roth ; elle s’achève avec la parution du live-testament qu’est le formidable Tokyo Tapes (1978). Et Lovedrive, paru en 1979, ouvre la troisième période du groupe. Rarement « tournant » fut aussi bien négocié puisque cette troisième période va largement eclipser les précédentes, en terme commercial surtout, puisque l’époque d’Uli Jon Roth conservera des irréductibles, amateur d’un hard rock sophistiqué et recherché.

Des inquiétudes vite dissipées

Il y avait pourtant de quoi être inquiet : Uli Jon Roth, en désaccord avec l’orientation à donner au groupe et tenté par une carrière solo, venait de quitter le groupe. Virtuose au style inimitable, le guitariste allemand était aussi un très bon compositeur, auteur d’à peu près la moitié des titres sur chacun des albums de Scorpions. Alors qu’il était remplacé par l’inconnu total qu’était alors Matthias Jabbs, on avait tout lieu de regretter par anticipation le départ de Roth. Le seul point positif à son départ était bien le fait que dorénavant Klaus Meine serait l’unique chanteur du groupe et que les vocalises geignardes d’Uli Jon Roth nous seraient enfin épargnées.

Les choses avaient été rendues encore plus troubles par un certain mic-mac sur le rôle de Jabbs puisque le frère cadet de Rudolf Schenker, Michael – fraîchement débarqué de UFO – faillit l’évincer. Ayant enregistré trois excellents solos pour Lovedrive il entama la tournée avec Scorpions avant d’être viré en catastrophe du fait de ses problèmes d’alcool et de comportement. Jabbs fut rappelé en urgence et depuis le groupe a compris la leçon puisqu’il est devenu la troisième tête du groupe depuis plus de trente ans.

Un sans faute

Pourtant, au milieu de tout ce bazar, Scorpions a réussi à accoucher d’un album exceptionnel, un album dont régulièrement la moitié des chansons est encore jouée en live. Et cet album est exceptionnel sans doute car il a été celui d’un tournant totalement assumé : à écouter Lovedrive, il ne reste quasiment plus rien du Scorpions au hard rock fréquemment psychédélique, souvent baroque et toujours lyrique de jadis. Enregistré pourtant en 1979, Lovedrive semble totalement entré dans les années 80 tant l’objectif de l’efficacité est au premier plan. Excepté « Holiday » (dont le côté mystérieux et raffiné renvoie en partie à la période ultérieure), les compositions ne dépassent pas les quatre-cinq minutes. Les riffs sont accrocheurs en diable et assez simples. Les refrains très soignés. Quant aux paroles, elles sont à l’image de la couverture grivoise qui fit scandale : sans aucune recherche ni profondeur. Nous sommes loin des « Polar Nights » ou des « Sails Of Charon » de jadis. Le tout est soutenu par une production exceptionnelle de Dieter Dierks qui est peut-être en avance de dix ans sur ce qui se fera par la suite.

À la composition, c’est Rudolf Schenker qui prend désormais tout sur ses épaules : ballades somptueuses comme « Holiday » ou « Always Somewhere », hard rock furieux, à la lisière de ce que commence à proposer la NWBHM (le nerveux « Another Piece Of Meat », le fougueux « Lovedrive », ou « Can’t Get Enough »), hard rock mélodique qui annonce les succès ultérieurs (« Loving You Sunday Morning »), il fait à chaque fois mouche. Schenker s’est tout de même permis une fantaisie : une chanson mixant de manière totalement improbable hard rock et reggae intitulée « Is There Anybody There ? » et ce pour une réussite indéniable. On remarquera tout particulièrement « Coast To Coast » pour sa construction à plusieurs parties de guitare et pour le superbe solo de Michael Schenker remplaçant avantageusement un Matthias Jabs encore loin d’avoir pris ses marques.

Klaus Meine au zénith

On ne peut évidemment parler de Lovedrive sans évoquer Klaus Meine. Certes ses lignes de chant sont globalement moins nuancées que jadis, mais il s’avère totalement impérial, affichant une forme vocale étincelante. C’est en partie en portant parfaitement le tournant de Lovedrive qu’il a confirmé qu’il était avec Dio et Ian Gillan, un des plus grands chanteurs de hard rock.

On sait que les groupes qui ont connu des tournants musicaux marqués ont été l’objet de bien de controverses et ont souvent produit leurs pires albums dans ce cadre. Mais c’est tout l’inverse pour ce Lovedrive qui sera la pierre de touche autour de laquelle se construira le succès des Blackout et Love At First Sting à venir.

Baptiste (9/10)

EMI / 1979

Tracklist (36:58) : 1. Loving You Sunday Morning 2. Another Piece of Meat 3. Always Somewhere 4. Coast to Coast 5. Can’t Get Enough 6. Is There Anybody There ? 7. Lovedrive 8. Holiday