Les fans de Toto ne pouvaient que frémir au retour de l'enfant prodige, Joseph Williams, au sein d'un Toto reformé en 2010. Il ne s'agissait au départ que du projet d'une tournée pour lever des fonds en soutien à Mike Porcaro, alors en lutte contre la sclérose latérale amyotrophique qui l'a finalement récemment emporté. Et aussi de reformer ce qui pouvait le plus ressembler au line-up originel de Toto avec Steve Lukather, David Paich, Steve Porcaro et Joseph Williams en remplacement d'un Bobby Kimball dont Steve Lukather critique les dernières performances vocales. Sans bassiste officiel jusqu'à ce jour, Toto se relance toutefois par des concerts très bons et durant lesquels les performances vocales de Williams s'avèrent excellentes… L'idée d'un album studio succédant à Falling In Between s'imposait donc.
Or, lorsqu'on parle des albums studios de Toto avec Joseph Williams, les fans ne peuvent que penser à Fahrenheit (1986) mais surtout au légendaire The Seventh One (1988), sans doute leur meilleur disque, devant les pourtant fameux Hydra ou IV. C'est dire que le limogeage de Joseph Williams en 1989, remplacé par le fort médiocre Jean-Michel Byron, a toujours laissé un arrière-goût de déception et de regret aux amateurs du groupe américain. En 2015, Toto propose donc un successeur à Falling In Between mais en fait, d'une certaine manière à The Seventh One avec un disque arborant comme titre, d'une manière qui n'est sans doute pas fortuite, le numéro XIV.
Pas de hits à l'horizon ma sœur Anne ?
Las : si les meilleurs disques de Toto portent simplement un numéro ou un chiffre comme I (1979), IV (1982) ou The Seventh One (1988), ici la règle ne sera pas confirmée. Sur ce point XIV n'est et ne sera pas un grand disque de Toto. On le logera sans doute au niveau de la qualité au niveau d'un Turn Back ou d'un Mindfields, voire en dessous. Certes le groupe a retrouvé une partie de la chaleur et de la légéreré quasiment absente du puissant et progressif Falling In Between. Et sur ce point, le retour de Joseph Williams est significatif. Certes, on y trouve de nombreux solos californiens et très inspirés de Steve Lukather (« 21th Century Blues », en outre très réussi). Et on y remarque aussi des morceaux aux relents pop assumés comme le bien beau single « Orphan » ou le chaloupé « Chinatown » et ses forts relents west coast. Cependant, même si la qualité de ces morceaux est à constater, le ton est souvent un peu sage et apaisé, surtout vers la fin d'un disque qui dure presque une heure. Il n'y a rien là de quoi égaler les « Hold The Line » ou « Pamela » de jadis.
Heureusement que les vocalises de Joseph Williams aussi fines que variées sont fréquemment présentes pour relancer l'intérêt. Il aurait été bienvenu, au passage, que Toto cesse de sous-employer ses chanteurs lead au profit d'un David Paich au timbre toujours aussi banal ou d'un Lukather qui en fait ne vaut le détour que sur les titres lents (« The Unknown Soldier » très lyrique et orchestral). Quant à Steve Porcaro, qui empoigne le micro sur le trop variétoche « The Little Things », il aurait sans doute pu s'abstenir.
Du très bon toutefois
Il y a tout de même du très bon sur XIV, du très bon qu'on goûtera sans doute en live tant ces chansons méritent d'être présentées sur scène. Il s'agit d'abord des titres les plus rock d'ailleurs, tels « Running Out Of Time », nerveux et dynamique et judicieusement placé en ouverture, et « Holy War », dans la même orientation. Ces morceaux sont portés par un Williams très en forme mais aussi par la batterie véloce de Keith Carlock qui remplace parfaitement Simon Philipps. Cette dernière participe d'une musicalité qui explose particulièrement sur deux titres de haute tenue : « Burn » dont la finesse musicale renvoie aux passages les plus progressifs d'Hydra, et l'ambitieux « Great Expectations » dont les parties musicales finales sont tout particulièrement superbes
XIV faut donc toute de même le détour et trouvera sa place dans une discographie à la qualité globale indéniable, n'en déplaise aux rock critics thuriféfaires des compositions à trois accords. Il ne sera pas un classique et n'enterrera pas The Seventh One mais, eu égard à une carrière de trente-cinq ans, la forme des grand-pères du rock mélodique est encore à relever. Voilà bien un disque dont ils n'ont pas à rougir.
Baptiste (7,5/10)
Frontiers / 2015
Tracklist : 1. Running Out Time 2. Burn 3. Holy War 4. The 21th Century 5. Orphan 6. Unknown Soldier 7. All The Things 8. Chinatown 9. All The Tears That Shine 10. Fortune 11. Great Expectations