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Kreator – Pleasure To Kill

807Les années 80 ont été celles de nombreux disques classiques du thrash metal : Bonded By Blood d’Exodus, Ultra-Violence de Death Angel… et, dans une moindre mesure, Pleasure to Kill de Kreator en 1986. « Dans une moindre mesure » car Pleasure To Kill est surtout un classique dans la discographie de Kreator. Toutefois, il a certain arguments pour être un classique du thrash tout court, et ce même si l’on admet que ce n’est pas le meilleur disque qu’ait réalisé le groupe de Mille Petrozza. Nous allons nous pencher sur ce disque en deux temps : tout d’abord pour le situer au sein de la riche discographie du groupe et puis, dans un second temps, au sein du genre musical qu’est le thrash metal.

Le premier vrai classique de Kreator

Du point de vue de Kreator, Pleasure To Kill est tout d’abord un énorme pas en avant par rapport aux premiers efforts brouillons de Endless Pain. En un an tout a progressé à pas de géant : le jeu de batterie de Ventor, la mise en place du groupe, les qualités de composition… Même l’artwork qui arbore ici pour la première fois le fameux démon de Kreator n’a quasi plus rien à fois avec l’illustration embryonnaire du disque précédent. Et même si elle est loin d’être exemplaire, du fait de son caractère trop primitif, la production faite pas Harris John et de Ralf Hubert est quand même nettement en progrès. Et il faut reconnaître à sa décharge qu’en 1986, la plupart des disques de thrash metal ne profitaient pas d’un son bien meilleur.

Les progrès colossaux accouchent d’un certain nombre de classiques toujours joués sur scène : « Pestilence », « Under The Guillotine » et évidemment le titre éponyme à la fameuse descente de toms. Ma préférence personnelle va toutefois à « Riot Of Violence » donc la subtilité de certaines parties de guitares annoncent les disques à venir. Le morceau est aussi sans doute le seul titre qui soit un grand classique de Kreator et qui soit chanté par Ventor (un Ventor d’ailleurs qui ne chante que trois titres sur cet album et qui se fera de plus en plus discret par la suite).

Dernière ce bouquet de grands titres de thrash allemand, on trouve quelques titres légèrement en deçà mais quand même de très bon aloi : « Carrion » ou « Command Of The Blade ». On peut cependant déplorer que l’album ne s’ouvre pas sur ses meilleurs morceaux : « Ripping Corpse » est trop hâtif et « Death Is Your Saviour » trop banal. De manière significative, ces deux chansons n’ont pas eu de grosse postérité live. Cette mauvaise construction de la tracklist sonne un peu comme un « péché de jeunesse ».

Un classique du thrash

Mais au-delà de la trajectoires propre à Kreator, qu’est-ce qui peut bien faire de ce disque de Kreator un classique du thrash tout court ? À mon avis, une personnalité et une marque de fabrique. L’agressivité débridée, l’absence de limite et de bienséance, la fougue affichée de Pleasure To Kill en font une rareté, surtout quand à la même époque les groupes de thrash américains se montraient non moins violents mais plus « posés ». De telle sorte que l’impact de Pleasure To Kill a été fort et persistant, notamment auprès des futurs groupes de death ou black metal : le disque affiche une radicalité rare, que l’on pouvait déjà percevoir dans l’immature Endless Pain, mais ici incomparablement mieux maîtrisée. D’où le verdict de « classique » qu’on peut assurément donner à ce second essai. Certes, musicalement Kreator sera meilleur sur Violent Revolution ou Coma Of Souls, mais l’influence des ces disques sera moindre malgré tout.

Baptiste (8/10)

Noise / 1986

Tracklist : 1. Choir of the Damned (Intro) 2. Rippin Corpse 3. Death Is Your Saviour 4. Pleasure to Kill 5. Riot of Violence 6. The Pestilence 7. Carrion 8. Command of the Blade 9. Under the Guillotine

Harem Scarem – Thirteen

HAREM SCAREM 13 COVERJe n'attendais rien d'un nouveau disque d'Harem Scarem, fût-il celui d'une reformation à peine surprenante. Pour comprendre cette absence d'attente, il faut que je rappelle mon point de vue sur les canadiens d'Harem Scarem. Après deux albums de hard mélodique – albums qu'on aurait qualifié jadis de « hard FM » dans la nomenklature de l'époque –, Harem Scarem (1991) puis Mood Swings (1993), le groupe de Harry Hess et Pete Lesperance a opté pour un hard rock dit « moderne » débarrassé de ses oripeaux eighties. Cela a donné lieu à une palanquet de disques certes bien troussés, mais en fait vite oubliés : Higher pour les meilleurs ou Hope pour les plus passables par exemple. 

Ce Thirteen qui fait suite à un réenregistrement pas franchement indispensable de Mood Swings ne s'inspire pas tant franchement de ce dernier disque que de ses nombreux successeurs. On y retrouve toujours la voix chaude et maîtrisée de Harry Hess, les solos parfaitement ciselés de Pete Lesperance et un savoir-faire indéniable pour concocter des compositions à l'accroche très immédiate. On ne peut pas donc dire que l'on passe un mauvais moment à écouter « All I Need », « Live It » et tutti quanti. C'est dynamique, immédiat, nerveux et incontestablement moderne. Si les radios n'étaient pas si médiocres et frileuses, elles devraient en passer ad nauseam sur les ondes. On trouve même une semi-ballade en clôture de disque franchement réussie : « Stardust ».

Le problème est le suivant : je sais parfaitement qu'une fois chroniqué, Thirteen sera vite oublié et que je ne le metterai plus en écoute. Pas assez riche pour être dégustée attentivement le soir un verre de whisky en main, ni engageante pour lancer une journée de travail avec entrain, la musique du Harem Scarem actuel a du mal à trouver sa place en fait. Trop calibrée et prévisible, elle a depuis longtemps cesser de m'enthousiasmer. Et ce Thirteen ne bouleversera en rien le constat.

Baptiste (6/10)

 

Frontiers / 2014

Tracklist : 01. Garden Of Eden 02. Live It 03. Early Warning Signs 04. The Midnight Hours 05. Whatever It Takes 06. Saints And Sinners 07. All I Need 08. Troubled Times 09. Never Say Never 10. Stardust

Satan Jokers – Sex Opera

SATAN-JOKERS_Sex-OperaLe Satan Jokers mark II eclipsera-t-il un jour la première formation du groupe, celle qui a donné lieu à Fils du métal (1983), à Trop fou pour toi (1984) et au fameux EP, III (1985) ? Car il faut reconnaître que les récentes sorties de Satan Jokers s'avèrent d'un cran au-dessus des premiers essais du groupe : Addictions (2011) ou Psychiatric (2013) étaient d'excellents disques, d'un hard rock à la fois traditionnel mais durci et toujours extrêmement virtuose dans l'interprétation. Ils étaient en outre portés par des paroles intelligentes et bien écrites, donnant une envergure à la musique. Parfois les paroles en français, lorsqu'elles s'associent à une vraie exigence, portent la musique plusqu'elles ne la desservent. 

Un thème insolite

Pour ce Sex opera, on retrouve toujours l'ami et le thérapeuthe de Renaud Hantson aux paroles pour un album concept qui ne s'attarde pas sur l'addictions aux drogues ou sur la folie mais sur la dépendance sexuelle. Suivant le parcours d'un « sexaholoic » narré par Brigitte Laghaie, des premières obsessions jusqu'aux pratiques les plus extrêmes (le sadisme dans « Asphyxie érotique ») et jusqu'aux conséquences les plus sombres (la marginalisation sociale sur « Milfs » ou « Vip-Hiv »), le propos ne se veut pas grivois. Il est intéressant de voir traiter la sexualité de cette manière dans le rock, où l'on se contente généralement d'allusions salaces de bas niveau. Encore une fois, ce Sex Opera est porté par un thème fort et, de plus, inattendu.  

Toutefois, ce disque se veut aussi un opera rock, un sous-genre que maîtrise bien Renaud Hantson puisque ce sont certaines comédies musicales qui lui ont ouvert les portes de la notoriété vers le grand public. Cela signifie qu'une histoire se développe : de la rencontre d'un diabolique « King Sodom » interprété par un Stéphane Buriez parfait dans l'emploi, à la fréquentation d'un club de débauche « Club 6 Six 6 » jusqu'à la contraction de la maladie. Et qu'on rencontre de nombreux personnages tels que cette Cassandra interprétée par Virginie Goncalves (Kells), ou que cette transexuelle parfaitement peinte par Céline Lacroix (« Transex » très accrocheur). Autant les personnages féminins donnent lieu aux titres parmi les plus réussis, autant je suis plus réservé sur la participation de certains chanteurs (Boban Milojevic de Snake Eyes ou Olivier La Valle de Shannon).

Haute tenue globale

Il faut bien reconnaître que ces invités n'arrivent pas à faire de l'ombre à un Renaud Hantson très en forme qui enchaîne les refrains prenants (« Milfs » ou « Préliminaires à l'infini ») et les mélodies captivantes, le tout avec une volonté de varier les angles d'approche, du presque pop (« Exhibition ») au très venimeux (« Promis »). Hantson est encore et toujours la puissance créatrice du groupe même si les prestations de ses trois compères, Pascal Mulot, Aurélien Ouzoulias et Michaël Zurita sont de haute tenue. Et quand ces derniers s'effacent derrière d'autres exécutants comme Christophe Godin (sur « King Sodom ») ou Sébastien Bizeul (sur « Promis ») ou Gildas Arzel (« Vip, Hiv »), nous ne perdons pas au change. 

Si Renaud Hantson exécute sa promesse de mettre en sommeil Satan Jokers et d'abandonner définitivement le heavy metal, nous y perderons beaucoup. Ce nouveau disque de Satan Jokers le confirme encore une fois.

Baptiste (8/10)

 

Brennus / 2014

Tracklist (56:00) : 1. Intro 2. Préliminaires à l'infini 3. Sexaholic 4. King Sodom 5. 666 (diction Brigitte Lahaie). 6. Club 6 Sex 6 7. Asphyxie érotique 8. Charnel déclic 9. Professionnelle 10. Mothers I'd Like To Fuck (diction Brigitte Lahaie) 11. Milfs 12. Promis 13. Voyeurs (diction Brigitte Lahaie) 14. Exhibition 15. Transex 16. Royaume décadence 17. Outro 18. Vip-Hiv