Sur Metalchroniques, il nous arrive de nous attarder à des disques très éloignés de nos rivages habituels. Ainsi de ce I See You du mythique Gong. Car le groupe de Daevid Allen ne relève pas du hard rock et n'en a jamais relevé. À vrai dire, il est parfois difficile de dire de quoi Gong a bien pu relever exactement : au gré des changements d'humeur des musiciens et des modifications de line-up, on a pu retrouver du psychédélique, du jazz rock, du rock progressif, du space rock et tutti quanti chez Gong.
Quoiqu'il en soit la créativité musicale et la virtuosité restent des points communs d'un groupe qui accueilla dans ses rangs un Allan Holdsworth ou un Pierre Moerlen. Personnellement, ma période préférée est la moins « barrée », celle de Shamal et Gazeuse mais je reconnais que ce I See You vaut le détour. C'est l'œuvre d'un Gong aujourd'hui recentré autour de son leader historique Daevid Allen puisque Didier Malherbe, le flûtiste et saxophoniste historique du groupe ne fait plus partie de l'aventure. C'est d'autant plus intéressant à noter que le disque précédent de Gong, 2032, intégrait la plupart des musiciens historiques du combo.
Que propose Daevid Allen, accompagné de l'historique Gilly Smyth, de son fils Orlando Allen à la batterie et d'une pléiade de musiciens compétents mais surtout connus dans le milieu « indie » ? Un bon disque assurément, doté d'une production claire et dynamique, tout ce qu'il y a de plus actuelle. La démarche foisonnante n'a pas tant que ça changé. Citons les envolées mystico-psychédéliques représentées par « This Revolution », forme de long discours accompagné d'une musique planante à l'arrière-plan. Citons le semi-hard rock « Occupy », martelant et répétitif. Citons le recours aux cuivres et à aux guitares, entremêlés ou à l'unisson pour un effet toujours aussi réussi sur « You See Me ». Certes, l'album perd un peu de sa force sur sa fin (« Zion My T-Shirt est un peu longuet ») mais sera racheté par une illustration qui me plait personnellement beaucoup.
Après plus de quarante-cinq ans de carrière, ce vieil excentrique de Daevid Allen est toujours capable de proposer une musique aussi fraîche que plaisante. Et tout à fait crédible. C'est aussi surprenant qu'agréable à constater.
Baptiste (7,5/10)
Replica – Mad Fish Music / 2014
Tracklist : 1. I See You 2. Occupy 3. When God Shake Hands With The Devil 4. The Eternal Wheep Spins 5. Syllabub 6. This Revolution 7. You See Me 8. Zion My T-Shirt 9. Pixielation 10. A Brew Of Special Tea 11. Thank You 12. Shakti Yoni & Dingo Virgin
En 2014, croiser le nom de Billy Idol est pour le moins étrange. L'ancien punk reconverti dans le rock hard high tech, star des années 80, est cependant toujours en activité. Le visage s'est quelque peu frippé et et la coupe de cheveux a légèrement évolué, mais l'essentiel est toujours là. C'est surtout au niveau de la périodicité que Billy Idol a beaucoup changé : ce Kings & Queens Of The Underground succède à Devil's Playground, mais 9 ans après les faits. Il est vrai que le temps où les singles de Billy Idol caracolaient en tête des charts est totalement révolue. Il est vrai aussi que Billy Idol a vécu des temps très durs dans les années 90, après l'échec de Cyberpunk (1993) : overdose, cures de désintoxication, silence musical écrasant etc.
Pourtant en 2014, Billy Idol est plutôt fringuant et ce Kings & Queens Of The Underground en témoigne. D'abord car la voix de Billy Idol tient encore le coup, malgré les abus et les années. Il est même assez sidérant de l'entendre s'arracher avec tant d'aisance sur le superbe « Save Me Now ». Mais dans les registres plus intimes et feutrés (« Bitter Pill » malgré le tempo plutôt rapide du morceau, ou « Kings & Queens Of The Underground »), il n'y a rien à redire non plus. Son timbre fait d'autant plus des merveilles que Kings & Queens Of The Underground est un disque plutôt apaisé, malgré une brochette de titres enlevés : « Can't Break Me Down » et ses chœurs qu'on pourrait croire issus d'une galette de Billy des années 80, « Blue Pill » et ses paroles bien sombres ou le nerveux « Whiskey And Pills ». On remarquera au passage que les paroles de Bill Idol renvoient à un vécu pas forcément léger.
Une bonne partie des titres de ce nouvel opus est constituée de morceaux plus lents. Malgré mes réticences face aux successions de ballades, power ballades (« One Breath Away ») et mid-tempos (« Save Me Now »), il faut reconnaître qu'on ne s'ennuie pas et que les refrains de Billy Idol font quasiment toujours mouche. Dans un tel contexte musical, le grand Steve Stevens est moins à son affaire et se montre plutôt discret. Il a quand même l'espace pour dégainer quelques somptueux solos dont il a le secret (écouter le majestueux shredd sur « Postcards From The Past »), mais on regrettera malgré tout cette présence trop en retrait.
Kings & Queens Of The Underground est album très soigné, parfaitement maîtrisé et étonnant de tenue après tout ce qu'a vécu Billy Idol. Un bien beau disque.
Baptiste (8/10)
BFI records – Replica / 2014
Tracklist : 1. Bitter Pill 2. Can't Break Me Down 3. Save Me Now 4. One Breath Away 5. Postcards From The Past 6. Kings And Queens Of The Underground 7. Eyes Wide Shut 8. Ghosts In My Guitar 9. Nothing To Fear 10. Love And Glory 11. Whiskey And Pills
S'il y a bien un panthéon des disques d'AOR et de Hard FM, on y doit sans doute y trouver le premier album de Boston, Escape de Journey et 4 de Foreigner. Truffé de singles légendaires (« Urgent », « Waiting For A Girl Like You », « Juke Box Hero »), 4 contient aussi une foule d'autres titres irrésistibles malheureusement trop négligés en live par un groupe se contentant généralement des classiques comme on a pu le constater au Bataclan cette même année. J'ai personnellement toujours déploré de ne pouvoir entendre « Night Life » ou « Break It Up » en live et non une énième version de « I Want To Know What Love Is ». Le classique parmi les classiques chez Foreigner est bien ce 4 vieux de trente ans maintenant et on comprend que le groupe se prête à l'exercice si banal d'interpréter live en entier un disque culte, à la manière dont le fit Deep Purple avec Machine Head ou Def Leppard avec Hysteria.
Allons à l'essentiel : l'exercice n'est pas une réussite. Ni un échec non plus tant Foreigner est excellent en live depuis le recrutement de Kelly Hansen au chant et la mise sur pied par Mick Jones d'un backing band de premier ordre. Ainsi, les versions proposées d'« Urgent » de « Night Life » ou « Juke Box Hero » font plus que faire honneur aux originales : elles leur dament le pion. Et ce d'autant plus facilement que le son est proprement exceptionnel. Mais le fait est qu'il ne s'agit ici que d'un « best of » de 4 et deux titres ont été étrangement ommis (« Luanne », « I'm Gonna Win »), alors que le groupe nous ressort des classiques, certes excellents, mais archi-connus (« Hot Blooded » etc.). Pour finir, l'ordre d'interprétation des extraits de 4 ne correspond pas au tracklist de ce live ce qui surprendra. N'aurait-on pas pu écourter un peu « Juke Box Hero » (13 minutes au compteur) pour rendre hommage in extenso à un des plus grands disques d'AOR ? Et interpréter les morceaux dans leur ordre d'apparition ?
Cette question me laisse un arrière-goût d'insatisfaction qui m'empêche de faire à ce The Best Of 4 And More l'accueil qu'il mérite sans doute. Et m'incite à le voir comme un live plutôt bancal que comme vraiment satisfaisant.
Baptiste (7/10 pour la performance musicale)
Frontiers / 2014
Tracklist (77:00) : 1. Night Life 2. Woman in Black 3. Urgent 4. Waiting for a Girl Like You 5. Break It Up 6. Girl on the Moon 7. Say You Will 8. Feels Like the First Time 9. Cold As Ice 10. Hot Blooded 11. I Want to Know What Love Is 12. Juke Box Hero