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Depuis leur signature chez Summerian Records en 2008, Stray from the Path poursuit son ascension. En 2015, avec Subliminal Criminal le groupe démontrait qu’il était en pleine possession de son sujet : direct, intelligent, équilibré et terriblement efficace. L’album prouvait qu’ils avaient passé un cap. Quatre musiciens taillant la pierre brute et peaufinant leur processus d’écriture sans jamais trahir leurs fondamentaux.

En 2017, septembre est arrivé, avec ses nouvelles mallettes, les larmes des mamans dans les cours de récréation, la vague de selfies et autres bonheurs en clichés de la vie virtuelle de votre sphère sociale et…..  Only death is real, huitième album de Stray from the Path.

Malgré le changement de batteur (Dan Bourke remplacé par Craig Reynolds, ex Brutality will Prevail) le style du groupe n’a pas souffert. C’est énergique,ça groove, ça frappe, ça blaste en panaché sans billes de couleur ! On reste dans ce mélange efficacité- subtilité caractéristique au groupe. Une fois encore, ça joue très bien. Les dix titres donnent largement envie de les voir en live. C’est véloce, c’est féroce, c’est ultra efficace sans jamais tomber dans le piège d’une mélodie facile. Stray from the path continue d’évoluer sans jamais tomber dans l’autocaricature.  Le titre éponyme de l’album rend parfaitement compte de cela. C’est inspiré, c’est direct, l’alternance des bpm dans les morceaux allège l’ensemble. Et puis ce flow mi-gueulé, mi-rappé d’Andrew Dijorio…. Imparable.

Côté production, on est toujours sur du velours. Elle a, à nouveau, été confiée à Will Putney, aux commandes de leurs albums depuis Rising Sun en 2011. Les thèmes développés restent dans le champ de la politique et de la contestation. Si on peut remercier Donald pour une chose, c’est d’inspirer les artistes  qui s’opposent à lui. Le morceau Goodnight Alt-right en est un parfait exemple: “It’s 2017 but in a 40’s trend, with a racist president that’s making everything great again. But tell me when that this was fucking okay, All the streets and the screens popping triple K’s“.   

Les featurings présents sur cet album démontrent à quel point Stray from the path navigue aux frontières des styles : Keith Buckley (Everytime I die) sur Strange Fiction, Bryan Garris (Knokked Loose) sur All day & a night et Vinnie Paz (Jedi Mind Tricks) sur House always wins. Une belle brochette de champions oeuvrant respectivement aux frontières du hardcore, du punk et du hip-hop.

Only death is real se bouffe d’un trait. Ses dix titres se démarqueront rapidement les uns des autres à ton oreille, car chacun possède son gimmick dans leur univers musical désormais reconnaissable entre mille. Seul reproche à formuler à cet album, il est peut-être un poil trop court à mon goût. Mais ça pousse inévitablement à l’écouter en boucle. Fonce donc écouter ça au casque et tu auras certainement ce petit geste naturel de la nuque après cinq minutes. Ça sent bon le top 3 de mes albums 2017.

Kadaf (8.5/10)

 

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Summerian Records/ 2017

Track list: 01.The opening move 02. Loudest in the room 03. Goodnight Alt-right 04. Let’s make a deal 05. They always take the Guru 06. Plead the Filth 07. Strange fiction 08. All day & a night 09. The house always wins 10. Only death is real

Trap Them – Crown Feral

crown-feralPour ceux qui ne connaissent pas encore Trap Them, il serait peut-être temps de s’y mettre. Parce que les mecs se sont fait une place de choix dans la caste trèèèèès privée des bucherons ascendants déboucheurs d’égout. Les mecs produisent un tord-boyau énervé depuis 4 albums, le premier datant de 2007. Je dois bien avouer que j’attendais le petit cinquième avec impatience.  Le précédent (Blissfucker) m’avait un peu laissé sur ma faim. Faut dire que Darker handcraft avait absolument effacé toutes tentatives de compétition autour de lui dans la catégorie « méchanceté sombre ». Succéder à un chef-d’œuvre n’est jamais chose facile.  Mais bref, pour celui-ci j’attendais du lourd, j’attendais du barbare, du bourrin et pas de l’intellectualisation outrancière.

Si un quelque chose illustre bien le mot « Urgence » (outre George Clooney), c’est bien un bon album de Trap Them.  Pas d’urgence dans la production ou dans la composition, mais bel et bien de ce qui émane de leur musique. Une spontanéité agressive implacable et contagieuse. Le genre de truc à ne pas écouter un vendredi à 17h14 dans un bouchon de fonctionnaires si tu veux rester courtois et poli.

Avec Crown Feral, les Bostoniens laissent juste le temps du premier titre (Kindred dirt) pour se préparer. Une sorte d’intro sale, lourde et rampante qui donne le ton en terme d'ambiance de fond de cuve. Et puis c’est la correction! Hellionnaire (titre présenté peu avant la sortie de l’album) commence sur les chapeaux de roue. Les enfoirés annoncent la couleur et d’une bien belle manière. Des riffs rapides, des mélodies répétitives et inspirées, soutenues par un batteur monstrueux d’énergie. En un morceau, le groupe revient à ses fondamentaux avec une efficacité imparable. Et c’est ce qui ressort de cette 5e plaque, un mélange de patates de forrain bien gratuites, brutales, instinctives et viscérales (Prodigala, Luster pendulums, Speak Nigh, Stray of the tongue), de morceaux lents, lourds et sales désormais typiques d’un album de Trap Them digne de ce nom (Kindred dirt, Twitching in the Auras). Ryan McKenney tient toujours la baraque derrière le micro. Il n'y a pas une honce de relachement ou de tentative de se calmer de ce côté-là. La basse grogne à souhait, la batterie mattraque plus que des flics en intervention dans une manif; les gratteux sont en feux sur des riffs qui sont maintenant leur signature. Bref, Trap Them ne rigole toujours pas.  

La production est à la hauteur de ce que l'on peut attendre: lèchée, pointue, proprement sale (si si tu vois ce que je veux dire). Elle met parfaitement en valeur tous les atouts du groupe. 

Cet album fait du bien par où il passe. C’est brut, c’est immédiat, ça ne réfléchit pas, ça se bouffe en une fois sans respirer! L’énergie de Crown Feral va soit vous traverser et vous donner envie de sauter dans tous les sens; ou alors elle va vous applatir la face. Dans ce second cas de figure, vous allez subir l’engouement de votre compagnon de covoiturage qui, lui au moins, a du gout et va même penser à augmenter le volume dans l'abitacle pour bien vous le faire comprendre.

Kadaf (8/10)

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Prosthetic/2016

Tracklist (31mn): 01. Kindred Dirt 02. Hellionnaire 03. Prodigala 04. Luster Pendulums 05. Malengines Here, where they should be 06. Speak nigh 07. Twitching in the Auras 08. Revival Spines 09. Stray of the tongue 10. Phantom air.

Oathbreaker – Rheia

oathbreaker-rheiaDans les poncifs et les lieux communs entourant  la carrière des groupes, on dit souvent que le troisième album fait office de tournant, « album de la maturité ». Depuis son premier album sorti en 2011 (Maelström), le quatuor gantois de Oathbreaker a toujours proposé une musique tranchée, développant une identité forte. Une voix féminine essentiellement hurlée, posée sur des morceaux inspirés, souvent frontaux, aux ambiances lourdes et sombres. La proximité musicale et physique du groupe avec la Church of Ra étant, de ce point de vue, assez évidente.   Si Eros/Anteros, sorti en 2013, a confirmé le potentiel des flamands, ce deuxième album a également permis aux auditeurs de se familiariser progressivement avec la voix claire de Caro Tanghe. Une chanteuse atypique qui semble parvenir à déjouer habilement les clichés du genre : metal + voix féminine = volume et nichons mis en valeur. L’introspection semblant correspondre beaucoup mieux aux propositions faites par les Gantois.

À l’écoute de Needle in your skin, annonçant la sortie d’un nouvel album, on sentait bien que quelque chose se tramait. La sortie du clip du double morceau 10 :56 + Second son of R. a largement confirmé ce sentiment. Dès la première écoute, Rheia s’apparente à une collision entre ciel et terre, entre des envolées aériennes et la dureté de riffs sales, durs comme la pierre. Pour son troisième album, Oathbreaker a manifestement décidé d’affirmer un peu plus son identité: sombre, inspirée, riche et radicale. Parce qu’il s’agit bien de radicalité dans les choix artistiques qui sont posés sur cet album. Les compositions prennent  à contrepied et proposent quelque chose de neuf en s’éloignant des évidences. Des choix osés et pas toujours faciles à appréhender à la première écoute.

Si cet album suprend, c'est en premier lieu par la place qu'y occupe la voix clair. Présente sur l’ensemble des morceaux, elle est polymorphe. Ce choix  étonne et désarçonne au premier abord, mais se révèle fort intelligent et inspiré sur la longueur. Car Rheia est la preuve que Caro Tanghe a les ressources nécessaires pour relever un tel défi. Un talent que l'on constate dans l'intelligence des mélodies et dans leur subtilité. Le ton est aux dissonances et aux chuchotements, pas aux tentatives intempestives de produire un cliché.  Aux passages en force systématiques, elle préfère les nuances et la noirceur tranquille d'un chant tantôt fragile, tantôt rageur.  Sa voix claire se caractérise plutôt par la juste intention sur des compositions qui alternent les ambiances et développe des identités nouvelles à chaque plage. Ces choix décuplent l’impact des parties criées, comme la fin apocalyptique  de Second son of R..

Il serait néanmoins réducteur de ne parler que de "la voix" de Oathbreaker pour caractériser ce nouvel album.  Le travail de composition est énorme et se caractérise par une  prise de risque générale. Les éléments caractéristiques que le groupe a proposé sur ses deux premières plaques sont ici accentués, taillés, travaillés. Le 4 membres scellent ici  une nouvelle étape, non seulement dans le cheminement de leur identité musicale, mais également d'une scène toute entière. Rheia est une proposition riche, novatrice et cohérente: alternance du bpm, successions d’envolées aériennes et d’agression de guitares soutenue par une section rythmique toujours très inspirée. .

À l’écoute de l’ensemble de l’album, il y a bien entendu des morceaux qui sortent du lot. Mais l'album  s'écoute surtout comme un tout, un concept que le groupe dévoile en 10 plages. En témoigne la présence du morceau acoustique Stay here/ accroche moi (seul morceau dispensable selon moi) et de la plage énigmatique I’m sorry this is qui, l’un comme l’autre, semblent avoir pour fonction de permettre à l’auditeur de respirer, ou de donner au tout une cohérence globale.

Inspiré, puissant, brillant et sombre, Rheia ne peut pas laisser indifférent. Oathbreaker offre tout au long de cet album un concentré d’intelligence, de violence, d’émotions et de prises de risques qui permettront certainement au groupe d’assoir un peu plus son statut de groupe incontournable de l’alléchant catalogue de l’écurie Deathwish. Une pépite pour les oreilles averties! Oathbreaker vient de donner sa définition du noir.

Kadaf (8.5/10)

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Deathwish / 2016

Tracklist (63:22): 1.10 :56 2. Second son of R. 3. Being able to feel nothing 4. Stay here/accroche moi 5. Needles in your skin 6. Immortals 7. I’m sorry, this is 8. Where I live 9. Where I leave 10. Begeerte