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« Si tu ne pouvais garder qu’un seul morceau de Korn, tu choisirais lequel ? »

Fun fact : pendant de nombreuses années, j’ai eu en ma possession plus d’albums de Korn que d’albums de Slayer. Celles et ceux qui me connaissent dans la vraie vie véritable fronceront peut-être les sourcils en se demandant lors de quel festival j’ai pris un coup sur la tête suffisamment direct pour m’entrechoquer autant les neurones et me faire dire une telle énormité, mais entre 1996 et 1998, Korn, c’était un peu le sommet de la pyramide alimentaire du Metal pour le p’tit con que j’étais. Bon, à l’époque, même Slayer « faisait du néo » avec son poussif Diabolus In Musica, et pas mal de groupes plus extrêmes ne faisaient pas le poids face à cette déferlante sous-accordée.

Et en 1998, il y a aussi et surtout le Family Values Tour, premier du nom. Et à cette époque, c’est sur MTV que les fans pouvaient espérer voir quelques morceaux de chaque groupe. Limp Bizkit, Incubus, Orgy, Rammstein… Je me souviens avoir enregistré la diffusion sur une VHS pour pouvoir me repasser ces extraits de live en boucle. À l’époque, Korn est « à son prime », comme disent les ricains. Depuis le premier album éponyme, le groupe gravit les échelons sans faiblir et sort son opus magnum : Follow The Leader. Je ne le savais pas encore à l’époque (j’étais con et naïf, je pensais que le groupe ne pourrait que poursuivre son ascension jusqu’à un pinacle ultime), mais j’avais entre les mains un monument du néo de la fin des 90s, voire du néo tout court (aux côtés de White Pony des Deftones, le premier System Of A Down et le méconnu et pourtant si parfait The War Of Art de American Head Charge). Et le point d’orgue de leur carrière, ce titre ultime, il fera l’objet d’un clip, début 1999.

« Freak On A Leash ».

Je me demande sincèrement si beaucoup d’autres gars de mon âge ont le même souvenir vivace du premier visionnage du clip. MTV, fin de soirée, ce début de clip en dessin animé inspiré de l’artwork sublime de l’album, la chute du policier, la balle qui brise le quatrième mur du dessin pour une incursion dans le monde réel, l’interlude Davisien dans cette pièce aux murs criblés d’impacts de balles et ces jeux de lumière entourant le groupe… La claque visuelle vient s’ajouter à la mandale musicale.

Malgré une débauche de moyens sur les clips suivants et un Issues qui trône très haut dans le cœur de nombreux fans de la bande à Jon Davis, Korn n’arrivera, à mes yeux, jamais à surpasser ce moment de grâce. Un quart de siècle s’est écoulé depuis la sortie de ce clip, mais le souvenir est toujours vivace, et cette madeleine de Proust conserve une saveur particulière.

« Si tu ne pouvais garder qu’un seul morceau d’Anaal Nathrakh, tu choisirais lequel ? »

Pour les deux premiers épisodes de cette série d’articles, j’avais choisi la facilité.

Pour Slayer, il y avait tout simplement cette nostalgie, ce rappel de « la première fois », de ce premier frisson, de cette montée d’adrénaline qui m’avait incité à creuser plus.

Pour Cannibal Corpse, ma reprise actuelle de la rédaction d’articles m’a renvoyé de nombreuses années en arrière, quand j’écrivais encore assidument pour le zine et que j’avais pu assister, avant même la sortie de Kill, à la renaissance d’un groupe qui semblait tout doucement s’essouffler devant mes yeux.

Pour Anaal Nathrakh, le choix s’est avéré bien plus cornélien. Parce qu’Anaal Nathrakh n’est pas un « simple » groupe comme il en existe tant pour moi. Il s’agit à la fois d’une de mes premières plongées dans le metal VRAIMENT extrême (la découverte de « Submission Is For The Weak » en 2001, quelques semaines après la sortie de God Hates Us All de vous-savez-qui, reste encore aujourd’hui gravée dans ma mémoire) et d’un fidèle compagnon lors de périodes plus compliquées. Certains optent pour la drogue, l’alcool, le sport ou tout autre exutoire pour se changer les idées, j’avais un faible pour l’énergie cathartique du duo de Birmingham. Et plusieurs de leurs albums, en particulier ceux sortis entre 2012 et 2016, m’ont aidé à surmonter des épreuves.

Sans ce contexte, j’aurais sans aucun doute choisi « Castigation And Betrayal » de l’album Hell Is Empty, And All The Devils Are Here (sorti en 2007, l’année d’un grand écart musical colossal de la part de Mick Kenney qui sortira à la fois cette grenade sonique et l’unique album de Professor Fate que je vous recommande chaudement si vous ne connaissez pas). Un riff colossal, une explosion grotesque de blast et de hurlements venant clôturer un album déjà hors normes, le tout assorti d’une production plus « respectable » que les tous premiers efforts du groupe. Ce titre est absolument incroyable, il me bluffe à chaque écoute, mais il s’inscrit dans un contexte plus insouciant de ma vie.

Et c’est peut-être justement là qu’on comprend à quel point la musique a aussi ce pouvoir de marquer les esprits, de servir de béquille, de défouloir, de psychothérapie. Si j’ai choisi un morceau de 2016, c’est parce qu’il est attaché à un souvenir clé, un de ces moments de la vie réelle où tout s’inscrit au fer rouge dans les neurones.

Octobre 2016, un dimanche, quelques jours avant la sortie de The Whole Of The Law. La copie promotionnelle tourne dans la voiture depuis déjà quelques jours. Une réunion de famille en présence d’un docteur et l’annonce qui tombe comme un couperet : tous les traitements ont échoué, il ne reste plus qu’une seule issue pour ma mère, et ce seront tôt ou tard les soins palliatifs en conclusion d’années de lutte contre la maladie. Et sur le chemin du retour, au moment de garer ma voiture devant chez moi, en plein déluge de décibels, j’arrive au 3e morceau : « Hold Your Children Close And Pray For Oblivion » et son mini-break lumineux à 2:08 juste avant un de ces hurlements dont Dave Hunt a le secret. Le catharsis parfait. J’ai coupé le contact, la Seat garée avec la roue arrière sur le trottoir, et j’ai passé le reste de l’album dans la voiture à entamer les deux premières étapes d’un deuil annoncé : le déni et de la colère.

« Hold Your Children Close And Pray For Oblivion » n’est pas le meilleur morceau du groupe. Ce n’est même pas le meilleur de l’album (j’hésite encore entre « Extravaganza! » et ses envolées king diamonesques dans les aigus ou « Of Horrors, And The Black Shawls » et ses chœurs en intro), mais il est la bande-son d’un épisode de ma vie. Pas le meilleur épisode, loin de là. Mais un de ceux qu’on n’oublie pas.

Defeated Sanity – Chronicles Of Lunacy

Plus le temps passe, et plus j’ai l’impression que 1. le temps n’a aucune emprise sur la capacité de Defeated Sanity et 2. le groupe n’a, pour des raisons qui m’échappent, jamais vraiment atteint le statut qu’il mérite. Vraiment, faites le test autour de vous : demandez à vos potes de Metal de citer 10 groupes de Death Metal encore actifs, qui ont sorti au moins 5 albums et qui, à leurs yeux, ont une carrière sans faille. Je vous le mets en mille, certains citeront Morbid Angel avant de ne penser ne fût-ce qu’un instant à Defeated Sanity. Et pourtant, placer « Morbid Angel » et « carrière sans faille » dans la même phrase, il faut se lever tôt pour le faire.

Et pourtant, une fois de plus, la bande à Lille Gruber (dernier membre de la famille Gruber à encore être actif au sein du groupe et unique membre fondateur encore présent) nous rappelle à son bon souvenir avec une nouvelle plaque qui cogne sans pour autant oublier sa petite dose de groove. Dès « Amputationsdrang », le groupe nous place en terrain familier : accélérations ravageuses, ralentissements écrasants, un growl qui n’a rien à envier à celui de ses prédécesseurs (et pourtant, quand on voit le CV de certains des anciens frontmen du groupe, on se demande parfois où ils vont chercher autant de mecs aussi doués) et toujours ce tandem basse-batterie en béton armé (les plus curieux noteront qu’il s’agit aussi des deux plus anciens du groupe, ce qui explique probablement cette osmose et cette efficacité).

Des reproches ? Mis à part une durée un peu légère (la demi-heure syndicale est à peine franchie), il n’y a pas grand-chose à dire de négatif sur cet album. À la limite – et histoire de pinailler –, aucun morceau ne ressort vraiment du lot. Ce qui est en fait un signe de qualité devient presque un défaut : il n’y a pas CE moment de l’album que l’on anticipe, que l’on sent arriver au fil des morceaux (comme un South Of Heaven de Slayer articulé autour de trois morceaux en tête, au milieu et à la fin). Mais dans l’ensemble, ce petit reproche passe bien inaperçu à côté des qualités de l’album.

Un peu à la manière d’un Gorguts, Defeated Sanity aligne les réussites sans attirer autant de regards que d’autres formations pas forcément aussi douées. Les connaisseurs apprécieront, les autres passeront à côté d’un des albums de Death à tendance technico-brutale (ou brutalo-technique) les plus recommandables de l’année.

8,5/10

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Season Of Mist / 2024
Tracklist (33:32) 1. Amputationsdrang 2. The Odour of Sanctity 3. Accelerating the Rot 4. Temporal Disintegration 5. Extrinsically Enraged 6. A Patriarchy Perverse 7. Condemned to Vascular Famine 8. Heredity Violated