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Abduction – Existentialismus

Au petit jeu du « cite-moi 5 groupes de (insérer sous-genre) Metal venant d’Angleterre », je dois avouer qu’il est plus facile de gagner si l’on tire la carte Death Metal ou Doom. Là où ça devient plus ardu (si l’on reste dans les formations connues du grand public), c’est quand on pense au Black anglais. Parce que bon, mis à part Venom (les OG du genre avec Bathory et Hellhammer) et Cradle Of Filth, il faut reconnaître que les noms suivants viennent moins spontanément que si l’on pensait à d’autres scènes locales (Norvège, Suède, Allemagne, France, pour ne citer qu’elles).

Mais si la notoriété est une chose, la qualité en est une autre. Là où certains grands noms s’égarent dans des controverses puériles (qui a dit Behemoth ?), Abduction trace sa route depuis maintenant presque 10 ans et nous gratifie, au fil des ans, de sorties toujours plus intrigantes et intéressantes. Et avec ce cinquième opus (le deuxième chez Candlelight Records), le groupe passe encore un palier.

Au menu : un Black intelligent, varié, à des lieues des poncifs du genre proposés par des artistes plus portés sur la provoc’ que sur l’efficacité (ça chante des chansons sur les fours et ça blaste tout du long comme une machine à laver qui essore à 1488 tours/minutes… c’est du black ou le rayon gros électro de Darty ?). Prenons « Truth is as Sharp a Sword as Vengeance », pièce centrale de l’album. En un peu moins de 9 minutes, le groupe nous propose une intro posée avec spoken word, une montée en puissance sur fond de blast avec un chant clair, un break avec quelques notes de guitare qui sonnent comme du Misthyrming dans le texte, une nouvelle montée en puissance avant un final mêlant toutes ces facettes et un chanteur possédé par sa prestation. En un seul morceau, il y a plus de variété que dans la carrière de certains groupes ! Et que dire de « Razors of Occam », un des singles dévoilés avant la sortie de l’album : chant clair, intro mélancolique qui coule naturellement en une envolée portée par le blast… La progression du morceau est logique, le groupe parvient à conserver cette mélodie du début tout au long du morceau, même quand le propos se fait plus agressif.

En 45 minutes et 6 morceaux, Abduction confirme, à mes yeux, son statut de formation Black Metal « réfléchi » à suivre. Sans artifices, mais avec un sens poussé du morceau finement ciselé, Existentialismus fait partie de ces albums qui réussissent la prouesse double de convaincre dès la première écoute et de dévoiler ses secrets petit à petit au fil des écoutes. Je ne serais pas étonné s’il finit très haut dans ma hiérarchie BM de l’année…

9/10

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Candlelight Records /2025
Tracklist (45:44) 1. A Legacy of Sores 2. Pyramidia Liberi 3. Truth Is as Sharp a Sword as Vengeance 4. Blau ist die Farbe der Ewigkeit 5. Razors of Occam 6. Vomiting at Baalbek

Whitechapel – Hymns in Dissonance

Ces dernières années, nous avons assisté – avec joie ou répulsion, selon les goûts – à une surenchère dans le monde du Deathcore. Toujours plus de fioritures, d’ajouts symphoniques, de course à la vitesse, de frontmen qui repousse les limites de leur organe pour en sortir les bruits les plus mouillés et/ou incongrus. Mais il existe une autre voie. Celle de la simplicité efficace.

Vous prenez du Deathcore qui marche ici et là sur les plates-bandes du Death d’obédience brutale, vous y ajoutez un des meilleurs frontmen du genre, une petite touche de mélodie pour lier le tout et poser une ambiance. Ça a l’air tout con sur le papier, mais dès la première écoute de ce neuvième opus de Whitechapel, le constat était flagrant : il n’en faut pas plus pour frapper juste. La bande à Phil Bozeman revient à ses premiers amours.

Exit le chant clair et les tentatives d’expérimentation comme sur les pourtant excellents « I Will Find You » ou « Hickory Creek », Whitechapel n’a qu’une seule envie : frapper. Et fort, de préférence. Mis à part quelques respirations bien installées tout au long de l’album (dont « Ex Infernis » en interlude avant le banger « Hate Cult Ritual »), l’album entier dégage une énergie indéniable, alternant breaks pachydermiques, passages mammouthesques et accélérations imparables, le tout avec une production en béton armé.

Rien que sur le plan purement musical, Hymns in Dissonance est déjà une leçon de tabassage. Mais la cerise sur le gâteau, c’est la prestation 3 étoiles de Phil Bozeman. Putain qu’il est bon ! Que ce soit dans les aigus hurlés ou dans les growls caverneux, à l’endroit ou à l’envers (lisez les paroles et vous comprendrez ce que je veux dire), il ne faiblit à aucun moment et confirme son statut de très grand nom du Deathcore. D’un côté, on regrettera un peu qu’il se soit limité à son registre historique brutal, abandonnant son chant clair, mais est-on en droit de se plaindre quand on entend le résultat final ?

Si on m’avait à l’époque, vers 2010-2012, que je serais heureux comme un cochon dans une flaque de boue à l’écoute d’un Whitechapel qui renoue avec ses racines, j’aurais probablement affiché mon plus beau sourire de mange-merde. Et pourtant, je dois reconnaître qu’Hymns in Dissonance a tous les atouts pour me séduire. Comme quoi, dans le monde du Deathcore, il existe encore une vie sans paillettes ni chichis après l’essor des Lorna Shore et consorts.

9/10

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Metal Blade Records / 2025
Tracklist (43:11) 1. Prisoner 666 2. Hymns in Dissonance 3. Diabolic Slumber 4.
A Visceral Retch 5. Ex Infernis 6. Hate Cult Ritual 7. The Abysmal Gospel 8. Bedlam 9. Mammoth God 10. Nothing Is Coming for Any of Us

« Si tu ne pouvais garder qu’un seul morceau de The Haunted, tu choisirais lequel ? »

Un peu comme pour Cannibal Corpse dans l’épisode 2 de cette série, avant de choisir un morceau ultime de The Haunted, il faut choisir son camp.

Dans le coin rouge sang, Marco Aro : exit la finesse, bonjour l’approche frontale. Ce que ce frontman perd en versatilité, il le compense par une conviction presque religieuse. Oui, il te hurle à la face et oui, il peut y passer la soirée entière. La doublette Made Me Do ItOne Kill Wonder, plus de 20 ans après sa sortie (Made Me Do It passe le cap du quart de siècle cette année), reste une leçon de tabassage en règle.

Dans le coin bleu, Peter Dolving : initialement aussi frontal que son compère Marco sur le premier opus du groupe, il a su, dès son retour au sein de la formation, insuffler un supplément d’âme au groupe sur l’indispensable rEVOLVEr. Cependant, il faut aussi avouer que le reste de ses interventions au sein du groupe n’a pas toujours été du même tonneau (qui a dit Unseen ?)…

En 2004, pour le jeune con en plein façonnage de ses goûts musicaux que j’étais, The Haunted, c’était la bande à Peter. Je me revois à Bruxelles, en pleine pause de midi. Le rituel était bien huilé : manger un bout au resto d’entreprise, puis filer chez Métrophone, à deux pas du bureau. Je passe la porte, je dis bonjour à Gary ou à Phil et je me précipite vers le mur du fond. Les nouveautés. Et quelque part en 2004, parmi toutes mes découvertes, il y a rEVOLVEr (et Stabbing The Drama de Soilwork le même jour. Croyez-moi, l’après-midi est passé en un éclair).

Ce premier contact avec The Haunted explique en très grande partie pourquoi mon cœur penche pour Dolving malgré ses prestations en dent de scie à la tête du groupe. Avant même d’apprécier At The Gates, je biberonnais rEVOLVEr. Oui, j’ai pris les choses à l’envers. Et parmi cette enfilade de bangers, il y a – à mes yeux – leur hit ultime. « All Against All ».

Tout d’abord, il y a cette efficacité instantanée. Dès la première écoute, le morceau se grave dans les neurones de l’auditeur. On en est presque au niveau de la pop en termes d’assimilation rapide. Mais ce n’est pas pour autant que le propos est adouci ou léger, loin de là. Peter est au sommet de son art, tant au chant clair qu’au chant crié/hurlé. La section rythmique est efficace sans faire de chichis et les guitares… Si ce solo ne vous met pas les poils, vous êtes morts à l’intérieur. On est loin des soli slayeriens des premiers albums. Ici, c’est maîtrisé de bout en bout.

Dans cet album qui, selon moi, tutoie la perfection, « All Against All » est LE morceau le plus efficace. Celui qui fait office de synthèse entre les brûlots presque thrash et les expérimentations (souvent, mais pas toujours) maîtrisées du groupe (dans le bon, je retiens « Abysmal » et « My Shadow » sur cet album, ainsi que le très groovy « No Ghost » sur Unseen).