Chroniquer Killing Joke, en mode session de rattrapage (par ma faute, entendons-nous bien) ? Quelle blague. Il faut bien reconnaître que l’exercice remet à l’honneur l’humilité qui devrait caractériser toute personne prétendant écrire sur la musique. Killing Joke, c’est quand même quarante balais de coups dans la tronche, un univers musical marqué par l’ouverture grand angle et le défrichage des zones les plus arides de la création. Pas évident, de prime abord, tant ce Love Like Blood nous semble tellement familier à force d’avoir dansé, bu et peut être même chialé dessus.
Et repartir de ce titre emblématique, donc forcément mal compris, constitue une bonne entrée en matière pour évoquer Pylon, le 18e opus officiel du groupe britannique mené par l’insaisissable Jaz Coleman. Au fil de 16 pistes (en version deluxe), Killing Joke revisite l’ensemble de ses univers : du post-punk option sombre au metal industriel dont il a posé une bonne partie des bases. N’y voyez pas la marque d’un groupe qui cherche son chemin plutôt la variété des modes d’expression d’un collectif qui a, plus que d’autres, expérimenté les extrêmes, la crasse et autres émotions que le commun réprime.
Dans ce Pylon, sur lequel l’auditeur est cordialement invité à venir se fracasser, comme le conducteur l’était dans Crash de David Cronenberg, on peut retrouver les syhthés, les guitares claires et le chant singulier de Jaz lors de la période new wave ; puis les murs d’accords cinglants déchirant une rythmique de marteau-pilon (encore !) de l’ère Democracy. L’album n’est que rupture de rythmes et alternance d’ambiances, quoi que, comme toujours chez Killing Joke, le sombre l’emporte toujours. En fait, cet opus pourrait se résumer, tout aussi bien, à sa pièce maîtresse : l’exigeant New Jerusalem. A croire que les premiers titres n’ont été écrits que pour nous préparer à son arrivée et, les suivants pour nous permettre de retrouver notre souffle. Entre deux uppercuts de l’acabit de I Am The Virus, le genre de titre qui fait passer Mike Tyson pour un poids-mouche, si vous voyez ce que je veux dire.
Après ces décharges, l’épique Star Spangled prend les allures d’une respiration bienvenue, malgré son rythme effréné. C’est aussi un des morceaux qui renvoie, peut-être, le plus aux débuts de Killing Joke. Si l’on omet, évidemment, l’usage des cordes mises en scène par un Jaz Coleman au sommet de sa maîtrise. Ses collaborations avec l’Orchestre national de Prague et l’Orchestre philharmonique d’Auckland ont laissé des traces sérieuses, qui marquent tant la composition que la production de cet album.
Pour le fan, ce Pylon n’apporte pas – vraiment – grand-chose. Sauf, évidemment, la confirmation que, malgré quelque quarante ans de carrière, la rage et l’énergie lyriques sont toujours au rendez-vous. C’est déjà suffisamment rare pour être salué. Pour les autres, l’écoute de cet album relève de l’indispensable. Si vous voulez savoir pourquoi Ministry, PigFace, Fear Factory et tant d’autres prêtent allégeance à Killing Joke.
Nathanaël Uhl (9/10)
Facebook officiel :www.facebook.com/killingjokeofficial
Site officiel : www.killingjoke.com
Spinefarm / 2015
Tracklisting : 1. Autonomous Zone 2. Dawn of the Hive 3. New Cold War 4. Euphoria 5. New Jerusalem 6. War on Freedom 7. Big Buzz 8. Delete 9. I Am the Virus 10. Into the Unknown 11. Apotheosis 12. Plague 13. 14. Star Spangled 15. Panopticon 16. Snakedance (Youth ‘Rattlesnake Dub’ Remix)