Déjà sur Watershed l’auditeur habitué au son d’Opeth pouvait remarquer certaines évolutions évidentes, mais de là à en arriver à un album comme Heritage, honnêtement, je suis resté bouche bée lors de la première écoute de ce dixième album des suédois. Finalement, « The throat of winter » le morceau si controversé que Mickael Akerfeldt avait composé pour God Of War peut désormais être considéré comme une sorte d’avant goût à Heritage…
Hé oui, pour que les choses soient claires, je vous le dit sans faire durer le suspens, Heritage est un album unique dans la discographie pourtant bien fournie d’Opeth. Un album qui prouve que le groupe à des couilles et qu’il évolue vraiment à son rythme et selon ses envies, sans se plier aux modes ou aux exigences des fans. Rien que pour ça et avant même de parler du résultat, je dis respect à Akerfeldt, qui apparait une fois de plus comme un leader incontesté et incontestable du groupe, comme LA véritable tête pensante et comme LE compositeur de la quasi-totalité de l’œuvre du groupe.
Lorsque la pochette fut dévoilée sur le net, les réactions furent très mitigées, certains crurent même à une blague au départ, et pourtant, il ne faudra qu’une écoute pour se rendre compte qu’elle illustre bien le contenu de ce dixième album. On y retrouve une liberté d’expressions qui laisse entrevoir de la part du groupe une réelle volonté de se faire plaisir avant tout, tout en gardant cette touche d’humour bien particulière qui caractérise Akerfeldt (je parle ici de la tête de Per Viberg que l’on voit tomber de l’arbre…). Hé oui, Heritage est aussi signe de changement car il marque le départ de l’excellent claviériste, qui, même s’il a enregistré ses parties, n’est désormais plus un membre du groupe.
Et à l’image d’un Per Viberg que l’on voit, avec humour, déchu sur cette fameuse pochette forte en symboles, sachez encore que le groupe aurait pu choisir de symboliser de la même façon la disparition du growl…Oui vous avez bien lu, Heritage est un album chanté dans son absolue totalité en chant clair, mais il n’est pas pour autant comparable à Damnation qui était entièrement en chant clair également. Pas une ligne de growl, et au passage, pas un seul riff velu non plus. C’est là que les choses se compliquent et que l’album risque de recevoir un accueil mitigé : Akerfeldt nous a concocté avec ses compères l’album qu’il rêvait de faire depuis son adolescence, à savoir un véritable album hommage au Rock prog des seventies. Perso, je ne l’avais pas vraiment vu venir de cette façon, et pour tout dire je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus attractif et accrocheur,c’est pourquoi Heritage fut un choc. Et autant dire tout de suite que les fans absolus du Opeth violent qui growl et qui blast risquent d’avoir beaucoup de mal à se laisser prendre au jeu et à entrer dans les compos. Damnation, qui était aussi à sa façon un hommage au Rock prog des années 1970, était vraiment beaucoup plus accessible et carrément moins en rupture avec le reste de la discographie du groupe.
Et pour tout dire, après de nombreuses écoutes et des semaines à laisser reposer le bousin pour prendre du recul, je ne peux que me ranger du côté de ceux qui n’adhèreront pas à 100%, non pas à la démarche d’Opeth, mais tout simplement au résultat. Pourquoi ? Parce que les compos manquent la plupart du temps d’accroche, qu’elles sont relativement plates (voire ennuyeuses pour certaines) et que j’ai déjà vu le groupe plus créatif que ça…Dès l'intro on sent poindre un ennui certain.Même le chant clair d’Akerfeldt, que j’adore d’habitude, me laisse de marbre ici. Le monsieur à été plus inspiré par le passé c’est évident…Déception … ennui ! Les mots sont lâchés, durs et implacables, et Opeth, pour la première fois, me semble fade et soporifique. Non pas que les compos soient mauvaises, on y retrouve un groove évident, avec une basse loquace et une batterie qui fignole au poil, Heritage devrait d’ailleurs avoir un certain succès du côté des fans du visage le plus soft et progressif du groupe. Toujours est-il que franchement, on est en droit de s’attendre à mieux quand on sait de quoi le groupe est capable…
Voilà bien la preuve qu’Opeth est un groupe unique en son genre, qui peut encore nous surprendre même après vingt ans de carrière. Mais je reste malgré tout sur largement sur ma faim…
Sheol (06/10)
Roadrunner Records / 2011
Tracklist (57:04 mn) 01. Heritage (instrumental ) 02. The Devil's Orchard 03. I Feel the Dark 04. Slither 05. Nepenthe 06. Häxprocess 07. Famine 08. The Lines in My Hand 09. Folklore 10. Marrow of the Earth (instrumental )